Corriger de la dissertation En quoi peut-on dire que le projet du poète revient à « Muer le familier en quelque chose de reconnaissable et méconnaissable à la fois » ?
Publié le 28/03/2024
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«
Deux corrigés possibles du même sujet
En quoi peut-on dire que le projet du poète revient à « Muer le familier en quelque
chose de reconnaissable et méconnaissable à la fois » ?
1er corrigé
Analyse du sujet :
Projet du poète = l’intention du poète, sa visée, ce qu’il cherche à réaliser.
Muer = au sens propre, changer de carapace, de peau, de pelage, ou encore changer de
timbre de voix à l’adolescence pour un garçon -> transformer, changer de voix.
Le familier = emploi substantivé de l’adjectif, ce qui fait partie de notre famille, ce que l’on
connaît bien parce qu’on le fréquente régulièrement, ce qui est habituel -> le monde
ordinaire.
Reconnaissable et méconnaissable à la fois = paradoxe de l’antithèse connu/inconnu,
coexistence des contraires, simultanéité de ce qui ne devrait pas pouvoir se produire en
même temps -> mue de ce que l’on connaît en quelque chose d’étrange, de paradoxal,
transformation qui surprend et intrigue.
Préfixe « re » dans « reconnaissable » ->
connaissance renouvelée des choses, choses qui se donnent à voir différemment mais
conservent un lien de connaissance avec celui qui les voit + préfixe « mé » dans
« méconnaissable » -> ignorance, impossibilité d’identifier.
Reformulations possibles :
Autrement dit, l’intention du poète est de transformer ce qui est habituel, en quelque chose
d’intrigant, paradoxal, simultanément étranger et connu, proche et lointain, afin d’en
renouveler la connaissance.
En d’autres termes encore, le poète, comme un alchimiste, transforme le monde ordinaire, et
il lui prête une voix nouvelle qui modifie la perception que nous en avons.
Problématiques possibles : Dans quelle mesure le travail du poète sur le langage opère-t-il
une transformation du monde ? Dans quelle mesure l’entreprise pongienne mène-t-elle à la
redécouverte de ce que l’on croit connaître ? Dans quelle mesure les explorations du poète
aboutissent-elles à transformer les habitudes en surprises, en découvertes ? Dans quelle
mesure les créations du poète renouvellent-elles notre regard sur le monde ?
Pistes de réflexion
L’attention au monde ordinaire et la revendication de la précision pour évoquer un
monde familier : une reconnaissance assurée ?
Monde familier :
Géographie connue : berges de la Loire, Provence, Roanne, La Suchère.
Faune et flore familières : guêpe, oiseau, mimosa, œillet, bois de pins.
Des éléments naturels conventionnels en poésie : le ciel de Provence.
Une description scrupuleuse :
Primauté de l’objet : objet au centre de l’attention du poète.
Une démarche scientifique.
Visée de l’exactitude et de la précision : faire reconnaître l’objet « Je n’aurai de cesse avant
d’avoir assemblé quelques mots à la lecture ou à l’audition desquels l’on doive s’écrier
nécessairement : c’est de quelque chose comme un œillet qu’il s’agit.
» + « Etant donné une
chose […] il me semble qu’elle présente toujours quelques qualités vraiment particulières sur
lesquelles, si elles étaient clairement et simplement exprimées, il y aurait opinion unanime et
constante.
» (« L’œillet »).
Un mode d’expression connu :
Plusieurs formes d’expression familières : versification et jeux poétiques (strophes,
acrostiche, vers holorimes), lettres, journal intime, prose poétique.
La tentation du lyrisme : émotion très intime et personnelle à la source de l’écriture (« La
Mounine »), confidence et aveu / difficultés de l’écriture, échecs, impasses.
Une culture classique et un langage normé : les définitions des dictionnaires, les formules
toutes faites « le venin dans la queue ».
Mais le travail de création poétique entraîne bien une mue, une métamorphose du
réel qui dévoile une étrangeté intrigante : c’est l’alchimie du verbe selon Francis
Ponge.
Transformation poétique du réel // celle effectuée par un peintre : « le poète dissocie les
qualités de l’objet puis les recompose, comme le peintre dissocie les couleurs, la lumière et
les recompose dans sa toile.
» comme les cubistes dont Ponge est proche.
Les synesthésies transforment la couleur jaune du mimosa en un chant frénétique d’oiseau.
Association signe et sens -> « oiseau » devient « oiLeau » avec le « L » d’ailes, ou « oiVeau »
avec le « v du bréchet » -> mot qui devient l’objet, objet contenu dans le mot, dans un
enchaînement de déformation du mot pour mieux reconnaître l’objet.
Originalité des images
Oiseau = éclair viandeux
Bois de pins = brosserie d’une géante
Mimosa = poussins qui pépiaillent
Une nuit « poulpe rancunier » …etc.
Un monde merveilleux s’anime, prend vie et fait entendre sa voix -> monde familier mué en
monde méconnaissable.
Le recueil lui-même se transforme pour devenir un laboratoire -> refus de « l’opus », au
profit de la quête.
Un processus dévoilé dans un atelier ouvert = montrer le travail de mutation, de déformation
et de recomposition : le poète donne à voir comment il travaille à partir des mots pour faire
naître l’objet sous sa plume : création d’une métaphore dans « La Mounine » ou « La Guêpe »
+ rage de l’expression, quête.
Un langage qui se déforme aussi : partir du connu et aboutir à l’inconnu, du familier au
recomposé -> langage revitalisé par le travail sur l’étymologie, l’invention de néologisme,
l’association abstrait/ concret, moral/couleur dans la paronomase « blâme » / « blême ».
->
un recueil poétique méconnaissable.
Ainsi, le recueil de Ponge opère une mutation à la fois esthétique, poétique et
politique.
Une mue esthétique : « un effort contre la « poésie » » -> = « muer le familier ».
Refus du « ronron poétique », refus du « manège » : il ne s’agit pas de « faire un poème »
mais de « rendre compte d’une chose (dans l’espoir que l’esprit y gagne […]) ».
Eloge de l’inachèvement -> quête de l’expression = chantier permanent.
Redéfinir ce qu’est la beauté, rendre à nouveau reconnaissable ce qui ne l’était plus aux yeux
de Ponge : « Beau est un mot qui en remplace un autre.
» (« La Mounine »)
Démarche poétique = création
« Satisfaction pourtant de constater que rien n’est là [dans le dictionnaire] de ce que je veux
dire et qui est tout l’oiseau (ce sac de plumes qui s’envole étonnamment).
Je n’arriverai donc
pas trop tard.
Tout est à dire.
» -> les définitions du dictionnaire ne suffisent pas à rendre
compte du monde -> démarche poétique, c’est-à-dire créatrice, indispensable.
Donner voix au monde : « Relever le défi des choses au langage.
Par exemple ces œillets
défient le langage.
» -> défi au langage lancé par les objets choisis = « la garantie de la
nécessité d’expression se trouve dans le mutisme habituel de l’objet.
» -> plus l’objet semble
ordinaire, insignifiant, plat,....
»
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