Correction de dissertation, sujet d'Albert Camus "Le roman fabrique du destion sur mesure"
Publié le 04/06/2011
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Le genre romanesque est, de loin, celui qui correspond le plus à la vie de chacun, en mettant en scène des personnages qui nous ressemble. Ce qu’ils vivent, ce sont des bouts de vie, des scénarios connus, des épisodes de la vie quotidienne. La différence ? L’avenir de ces personnages est déjà tout tracé par leur créateur. Albert Camus affirme d’ailleurs que « le roman fabrique du destin sur mesure «. Ainsi, tout est tracé dès le départ et les protagonistes ne font que suivre une voie imaginée de toute part par l’écrivain. Cependant, est-il possible de penser que ces destins préfabriqués peuvent libérer le lecteur de son propre schéma de vie ? S’il est évident que certains romans sont cousus selon une trame décelable dès les premières lignes, l’évolution du roman a aussi montré que les destins des personnages peuvent échapper au démiurge.
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Dès lors que le héros entre en scène, la machine du destin se met en route.
Dans le plan du créateur, la créaturesuit un chemin bien précis.
Néanmoins, il n’est plus rare de voir un personnage échapper aux plans qui lui sontréservés.
L’effet de surprise et de suspense est alors plus important que la fin de l’histoire.
Que va pouvoir inventerle personnage pour devenir incontrôlable ? Dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, Quasimodo est bien mal partidans la vie (physiquement odieux et intellectuellement désavantagé), mais il semble avoir trouvé un équilibre entreson travail de sonneur de cloches et l’affection un peu condescendante que lui offre l’archidiacre Frollo.
Détesté dupeuple, il se suffit à lui-même et ne demande rien d’autre à la vie que ce qu’elle lui a généreusement offert parl’intermédiaire de son père adoptif.
C’est bien mieux que ce qui était prévu au départ ! Le destin dérape avecl’intervention d’Esméralda : il sera alors contredit par un Quasimodo doué de raison, de sentiments et de sens del’initiative.
Le personnage un peu bête et naïf, l’animal de foire se révèle être un homme amoureux capable du pire :tuer son père ! Mais aussi du meilleur : mourir pour celle qu’il aime.
Cet exemple est typique du roman qui n’est pasle narrateur d’un destin construit de toute part.
Des rencontres extraordinaires peuvent faire dévier un héros, lecontraindre à faire ce qui n’était pas prévu et ainsi, déconstruire ce qui était écrit.
N’est-ce pas souffler un peud’espoir dans la pauvre vie de l’individu lambda ? Ne peut-on pas croire alors à une amélioration grâce à autrui ?
De plus, il est des destins qui ne s’accomplissent jamais car les personnages restent figés dans un état d’attenteinterminable.
Ainsi, les actions sont rares et les rencontres inutiles.
Les héros choisissent de limiter leur vie à unesituation unique qui ne fera pas avancer leur vie.
Le lecteur ne peut alors qu’attendre avec lui un dénouement quin’arrive jamais.
Cela est visible dans le mouvement littéraire du Nouveau Roman, au XXème siècle.
Les auteurspartent du postulat que le roman est une recherche à laquelle le lecteur doit participer : c’est le lecteur quiconstruit l’œuvre pour inventer le monde qui l’entoure.
Pour Jean-Paul Sartre, « Il s’agit […] d’écrire le roman d’unroman qui ne se fait pas, qui ne peut pas se faire.
» La notion de destin n’intervient donc plus, le personnage estlivré à lui-même.
Dans Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, l’intrigue repose sur l’attente du personnage d’uneéventuelle attaque de l’ennemi… qui ne vient jamais.
Aucun destin possible pour ce soldat qui rêve de gloire, debataille, de coups de canon.
Il ne se passe rien.
La notion même de destin est gommée par l’inaction et la rupturedu schéma narratif traditionnel.
Pour finir, et pour montrer que le roman n’est pas une usine à destinée préconçue, il est intéressant de se penchersur les œuvres qui défont l’illusion du réel en insistant sur la manière dont elles sont construites.
Parfois, l’auteurprend de la distance avec l’histoire et permet aux destinataires d’assister à l’élaboration de l’histoire, à seshésitations et aux suppositions concernant la fin.
Dans Jacques le Fataliste, Diderot met en avant qu’il y a plusieurshasards possibles, plusieurs destins envisageables et propose d’ailleurs une fin multiple.
Il déconstruit ainsi le préjugéselon lequel l’avenir des héros est tout tracé.
Il permet au lecteur d’assister à la construction de son histoire,tournée perpétuellement en dérision et l’écartant indubitablement d’une quelconque identification.
L’auteur va doncmontrer qu’il est inutile de vouloir corriger le monde, que cela tient de l’utopie, et que la vraie vie ne peut êtreétalée sur du papier.
Le lecteur se voit alors contraint de prendre sa vie en main pour ne pas imiter des hérosperdus et sans avenir.
En conclusion, le roman est une œuvre de fiction qui permet à ses héros de suivre un chemin prédéterminé parl’auteur mais ce n’est pas systématique.
L’évolution du genre, l’ouverture vers une psychologie plus pointue et ladécouverte de l’individu ont permis d’améliorer le devenir des personnages de papier.
Ceux-ci peuvent alors choisird’échapper à un destin qui les dérangent pour aller vers du meilleur, du mieux ou bien du néant.
Le lecteur peut, parla suite, choisir de prendre exemple sur le héros pour échapper au schéma que la vie lui impose.
L’identification estefficace mais la surprise peut aussi avoir un rôle salvateur.
Tous les héros de la littérature influent sur ceux qui ontdécouvert leur histoire et qui l’ont suivie avec passion ou simple intérêt.
Nous pouvons alors nous demander si lehéros de roman a un véritable rôle d’exemple pour la construction personnelle du lecteur..
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