Corneille peint les hommes comme ils devraient être, Racine les peint tels qu’ils sont. La Bruyère
Publié le 19/03/2020
Extrait du document
«... ce sont les caractères ou les mœurs de ce siècle que je décris; car bien que je les tire souvent de la cour de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à une seule cour, ni les renfermer en un seul pays, sans que mon livre ne perde beaucoup de son étendue, et de son utilité, ne s’écarte du plan que je me suis fait d’y peindre les hommes en général ...»
«... peut regarder avec loisir ce portrait que j’ai fait de lui d’après nature, et s’il se connaît quelques-uns des défauts que je touche, s’en corriger. »
« Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres; celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu’ils sont. II y a plus dans le premier de ce que l’on admire, et de ce que l’on doit même imiter; il y a plus dans le second de ce que l’on reconnaît dans les autres, ou de ce que l’on éprouve dans soi-même. L’un élève, étonne, maîtrise, instruit : l’autre plaît, remue, touche, pénètre. Ce qu’il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier; et par l’autre, ce qu’il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion. Ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes; et dans celui-ci, du goût et des sentiments. L’on est plus occupé aux pièces de Corneille; l’on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine. Corneille est plus moral, Racine plus naturel. Il semble que l’un imite Sophocle, et que l’autre doit plus à Euripide. »
«
34 e RACINE (parallèle) / 259
alors au rang d'une vérité universelle les traits les plus
singuliers de ses modèles, condition nécessaire
pour que
chaque homme puisse se reconnaître en ces
« caractères»
et se corriger de ses défauts, s'il y a lieu.
i.a Bruyère
invoque un dessein très ambitieux :
« ••• ce sont les caractères ou les mœurs de ce siècle que
je décris; car bien que je les tire souvent de la cour de
France et des hommes de ma nation, on ne peut pas
néanmoins les restreindre
à une seule cour, ni les ren
fermer en un seul pays, sans que mon livre ne perde
beaucoup de son étendue, et de son utilité, ne s'écarte du plan que je me suis fait d'y peindre les hommes en
général ...
»
Outre les défauts, les manies, les passions exclusives, ce
qui retient l'attention de La Bruyère, c'est également de
fustiger les vices liés à telle ou telle condition;
et la palette
est variée: nobles de cour
et de province, magistrats,
parlementaires, prélats, financiers et bourgeois.
Du même coup, apparaissent les lignes de forces d'une
société vouée à la loi du plus fort, mise sous la coupe
réglée de l'administration monarchique
et des hommes
d'affaires.
Goût du lucre, passion du pouvoir, hyprocrisie,
violence, tels sont quelques-uns des traits de la société du
XVIIe siècle que fait saillir La Bruyère; mais ces traits
caractériseraient aussi bien n'importe quelle société.
On le devine : peindre « les hommes tels qu'ils sont»,
pour reprendre la formule appliquée à Racine, tel est,
d'abord, le programme que se propose
La Bruyère dans
ses Caractères.
Mais on voit bien que
si La Bruyère se
réfère
à un modèle -la «nature» -qu'il s'agit d'imiter,
cette doctrine de l'imitation ne correspond pas à la
conception que s'en fera le
XIXe siècle: le «réalisme»
consiste
ici en une représentation de la nature revue et
corrigée
par les moyens codifiés de l'art; la nature telle
qu'elle est, pour être représentée, doit se conformer à
l'idée que le public s'en fait, c'est-à-dire à la vraisemblance
sur le plan intellectuel mais aussi, sur le plan moral, aux
bienséances.
En d'autres termes, tout en restant fidèle à un modèle
ressemblant,
La Bruyère vise à embellir, idéaliser la na-.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Corneille peint les hommes comme ils devraient être, Racine les peint tels qu'ils sont. La Bruyère
- Corneille peint les hommes comme ils devraient être, Racine tels qu'ils sont.
- Vous discuterez ce jugement de La Bruyère : Corneille peint les hommes tels qu'ils devraient être.
- Parce que La Bruyère a prétendu que Corneille peignait les hommes « tels qu'ils devraient être », on en a conclu que son théâtre était invraisemblable. Pourtant n'exprime-t-il pas fidèlement les mœurs et les tendances de la Société de son temps ?
- Discuter cette opinion de Jules Lemaître : « Si, parmi les hommes morts depuis deux siècles, vous cherchez celui qui, revenu parmi nous, aurait le moins l'air d'un étranger, celui qui nous comprendrait le plus vite », ce ne serait ni Pascal, ni Bossuet, ni même Racine, ni même peut-être La Bruyère; « au bout du compte, c'est Molière; ce n'est aucun mille que lui, n'en doutez pas ». ?