COPPET (le groupe de) (Histoire de la littérature)
Publié le 22/11/2018
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COPPET (le groupe de) [vers 1803-1817). L’existence de ce qu’on appelle aujourd’hui le « groupe de Coppet » est aussi manifeste que sa composition exacte, ses limites temporelles et sa véritable originalité sont malaisées à cerner avec un peu de précision. On a parfois comparé à une nébuleuse cette société d’hommes et de femmes qui se retrouvent, de préférence, dans le château des bords du Léman, et, en effet, les contours en sont flous. Il reste que si l’on considère qu’il n’y a un « groupe de Coppet » qu'au moment où le noyau des fidèles est constitué et où

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les assises se tiennent le plus souvent dans la demeure
que Mm• de Staël a héritée de son père, on arrive assez
bien à circonscrire une réalité qui est sans nul doute
significative.
Au centre du groupe, il y a le couple fameux que
forment Germaine de Staël et Benjamin Constant.
Ils se
sont rencontrés en 1794, et n'ont cessé, depuis lors, de
mener des existences parallèles.
Us feront plusieurs
séjours en Suisse, mais n'accueilleront leurs amis à
Coppet avec régularité et en pleine liberté qu'après l'or
dre d'exil qui frappe Mm< de Staël en 1803 et la tient loin
de Paris; après aussi la mort de Necker, qui survient
l'année suivante et fait de sa fille la maîtresse de maison.
Autour d'eux, on voit au fil des années apparaître et
se fixer trois ou quatre personnalités marquantes.
Il y a
d'abord Auguste Schlegel ( 1765-1845), éminent profes
seur, théoricien de la littérature et remarquable traduc
teur, aussi bien de Shakespeare que de Calder6n, qui
s'est lié avec M"'0 de Staël et est revenu d'Allemagne
avec elle en 1.
804.
ll y a Si monde de Sismondi (1773-
1842}, bon historien et excellent économiste (il dévelop
pera des vues personnelles très neuves, dont Karl Marx
s'inspirera); genevois d'adoption, il vient à Coppet en
voisin assidu.
li y retrouve un autre voisin en la personne
de Charles Victor de Bonstetten (1745-1832), le très
éclairé bailli de Nyon, qui a connu dans sa jeunesse
Voltaire et Rousseau et qui manifeste une curiosité insa
tiable pour tout ce qui fait la culture européenne.
A ces
trois noms, il faut ajouter celui du jeune mais déjà bril
lant Prosper de Barante (1782-1866), qui n'est encore à
l'époque que le fils du préfet du Léman, mais qui va
entreprendre très vite (il sera préfet lui-même à l'âge de
vingt-six ans) une grande carrière politique et adminis
trative qui le conduira à la pairie, en même temps qu'il
mène des travaux d'historien qui lui vaudront d'entrer à
l'Académie française ( 1828).
Selon les saisons, selon les hasards de la vie politique
ou de la vie tout court, on verra graviter autour de
Mm• de Staël et de ses amis une petite foule où se pres
sent, en vérité, un certain nombre des meilleurs esprits
du temps, non seulement de France, mais aussi de l'Eu
rope entière.
On ne peut prétendre les citer tous, mais
quelques noms suffiront à montrer comment le château
de Coppet se trouve être un étonnant lieu de ralliement
-un quartier général, aussi -d'où partent et où par
viennent, dans un incessant échange, les idées qui sont
en train de pré par er, par-delà l'Empire qu'on abhorre,
un monde nouveau, dans l'ordre politique comme dans
1' ordre littéraire.
On voit passer à Coppet Frédéric Schlegel, le frère
d'Auguste, le sculpteur allemand Frédéric Tieck, la poé
tesse danoise Frederike Brun, amie de Bonstetten, le
poète italien Vincenzo Monti, le poète danois
OehleoschJager, mais aussi Mathieu de Montmorency,
Pedro de Souza, Auguste de Prusse, Chateaubriand et
Byron, sans oublier de plus étranges personnages comme
le mystique Zacharias Werner ou Mm• de Krüdener.
Entre 1805 et 1810, Coppet est à son apogée.
S'y
écrivent ou s'y préparent un certain nombre d'ouvrages
qui vont compter et où l'on peut reconnaître, à distance,
la manifestation du premier romantisme français : la
Corinne de Mm< de Staël (1807) et un peu plus tard
son très fameux De l'Allemagne (1810), mais aussi la
Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d'Euri
pide, qu'Auguste Schlegel écrit en français (1807), son
Cours de littérature dramatique, qu'il va traduire (1813),
et puis le traité sur l'Imagination de Bonstetten (qui
écrira plus tard, mais toujours marqué par Coppet,
l'Homme du Midi er l'Homme du Nord), le Wallstein
(1809) que Constant tire du Wallenstein de Schiller et
auquel il adjoint une importante préface, et puis la Litté
rature du midi de l'Europe de Sismondi (1813) et le
574 Tableau
de la littérature française au xvu� siècle de
Prosper de Barante ( 1809).
Si l'activité littéraire sous ses diverses formes (le
théâtre, le roman, la poésie, la critique, la traduction)
domine incontestablement, il ne faudrait pas commettre
l'erreur de négliger les autres préoccupations du groupe,
qui sont alimentées par les circonstances en même temps
que par la réflexion personnelle de ses principaux anima
teurs.
La politique, d'abord.
Car, à Coppet, on ne s'af
firme pas seulement adversaire de J'Empire (avec des
nuances, certes, puisqu'un Prosper de Barante sert le
pou voir malgré quelques restrictions mentales dont il
fera état plus tard) : on est aussi assez résolument hostile
aux Bourbons; on cherche, en fait, à définir les règles
d'un autre principe de gouvernement, jetant ainsi les
bases de ce que sera le libéralisme politique sous la
Restauration.
Constant prépare là, au contact de ses amis,
à travers des divergences de vues qui sont parfois profon
des, le solide bagage qui fera de lui le théoricien de la
nouvelle école.
Il y a aussi, au centre de bien des discussions, les
questions religieuses.
Et si l'on doit, à ce propos, penser
à nouveau à Constant, qui continue inlassablement à
réfléchir, à lire et à écrire sur le sujet, il ne faut pas
négliger les préoccupations religieuses de Mme de Staël
elle-même, ni celles de Schlegel.
Ils sont, les uns comme
les autres, d'autant plus enclins à de tels débats qu'ils
sont eux-mêmes conduits, au-delà de leurs angoisses per
sonnelles, à des élans de mysticisme plus ou moins pro
fonds et plus ou moins durables.
Le groupe, fatalement, après les belles années de
cohésion et d'enthousiasme, subira les coups et connaîtra
les tiraillements de la vie.
Constant prendra ses distan
ces, mais ni le mariage ni l'éloignement géographique
ne constituent de vrais obstacles à l'amitié et à la com
munion des idées.
On verra par exemple en 1814 que la
cohésion du groupe existe encore, lorsqu'il s'agira, par
hostilité pour les Bourbons, incarnation de l'ancien ordre
des choses, de pousser Bernadotte à briguer la succession
de Napoléon.
L'opération se soldera par un échec, mais
elle témoigne au moins de ce qu'il y a encore une com
munauté de vues et une capacité à travailler ensemble.
Il faudra, en fait, que Mme de Staël disparaisse ( 1817)
pour que le groupe se défasse.
Encore faut-il bien souli
gner que, longtemps encore, ceux qui ont fait Coppet
non seulement conserveront comme un souvenir émer
v eillé de ces années de connivences et de disp ute s, mais
manifesteront dans leurs existences mêmes qu'ils ont été
formés à une même école, qui est celle de la curiosité
d'esprit, de la générosité d'âme et d'une haute fraternité,
par-delà les frontières comme par-delà les idéologies,
celles des hommes qui pensent et sont en quête de vérité.
[Voir aussi BARANTE, CONSTANT Benjamin, ROMANTISME,
SISMONDI, STAI!L , SUISSE (littérature d'expression
française)].
BIBLIOGRAPHIE
Le Groupe de Coppet, Actes et documents du deuxième Col
loque de Coppet, 10-13 juillet 1974, Genève, Slatkine, et Paris,
Champion, 1977.
On consultera également avec intérêt Madame
de Staël et l'Europe, Actes du Colloque de Coppet, Paris,
Klincksieck, 1971 (notamment pour un article de K.
Wais sur
l'unité du groupe), et l'ouvrage de C.
Pel leg rini, Mm' de Staël e
il gruppo di Coppet, 2• édit., Bologne, Patron, 1974, sans oublier
un artiCle de P.
Thompson, « les Recherches actuelles sur le
Groupe de Coppet : convergences et divergences », dans Cahiers
staëliens, n° 22, l" sem.
1977, pp.
1-25, et Benjamin Constant,
Madame de Staël et le groupe de Coppet, Institut Benj.
Constant,
Voltaire Foundation, Oxford, 1983 (ouvr.
coll.); Simone Balayé
et Anne Amend, « la Bibliographie du groupe de Coppet, 1976-
1988 », Cahiers sWeliens, n• 40, 1989..
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