COMPÈRE (Gaston)
Publié le 22/02/2019
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COMPÈRE (Gaston), écrivain belge de langue française (Conjoux 1924). Son premier recueil {Géométrie de l'absence, 1969) traite de la métaphysique sous la forme d'un manuel de géométrie. Son imagination témoigne surtout d'une étonnante diversité passant de la nouvelle {Sept Machines à rêver, 1974) au récit fantastique {la Femme de Putiphar, 1975) et du théâtre {le Dernier Duc d'Occident, 1977) au roman {Portrait d'un roi dépossédé, 1978 ; l'Office des ténèbres, 1979 ; les Griffes de l'ange, 1981 ; la Constellation du serpent, 1984).
«
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)COMPÈRE
Gaston (né en 1924).
Poète, nouvelliste,
romancier, dramaturge, Compère est l'un des écrivains
belges les plus intarissables, ouvert à tous les genres
littéraires.
Né à Conjoux, en Condroz, il y fit parallèle
ment des études de philologie et de musique.
Cet écrivain
professeur de lettres se voulut d'abord compositeur (de
cette œuvre musicale, nous ne connaîtrons rien, l'ensem
ble des partitions ayant été détruit).
Compère entre en
littérature par la poésie : de 1952 à 1979, il publie sept
recueils (le Sagittaire, 1952; Europe, mon amour, 1960,
le Signe infortuné, 1960; Géométrie de l'absence, 1969;
tcrits de la caverne, 1976; Un millénaire de patience
d'ange, 1979; le Grand Besriaire, 1979), tous marqués
d'une culture classique et d'une passion irrépressible
pour les jeux de références savantes fondées sur les
mythologies gréco-latine, hébraïque ou chrétienne ainsi
que sur les s.;iences occultes.
Cette poésie volontiers
emblématique atteint à sa plus vaste ampleur dans Géo
métrie de l'absence, recueil imposant par la profusion
des thèmes et des tons, entrelaçant les élans lyriques.
parfois d'une :>eauté déchirante (« Mathilde »,« l'Enga
dine pousse »),et une dérision du langage poétique allant
jusqu'aux sarcasmes scatologiques.
On retrouvera chez
le romancier et le dramaturge cette étroite union de l'élan
transcendantal et de la chute la plus sordide.
Jusqu'en 1974, Gaston Compère est pratiquement
inconnu, mêrre en Belgique; sa poésie savante, dérou
tante par ses pôles antagonistes, rebutait un public accou
tumé à la clarté linéaire, voire à la mièvre répétition de
clichés poétiques.
C'est par la prose romanesque, plus
que par un th(iâtre qui demeure peu représenté (Pourrir
par les orteil.>, 1977; le Rempart de Babylone, 1977),
que Compère va atteindre à la notoriété.
Récits fantasti
ques et violents, d'un style baroque mêlant les évocations
poétiques et les discours triviaux dans Je flux d'une écri
ture bourgeonnante, rageuse, torrent verbal qui fait par
fois songer à Céline.
Dans Sept Machines à rêver (1974)
et Der rière l'œil (1980), l'écrivain détourne la nouvelle,
comme il fera du roman, pour y exprimer des fantasmes
qui créent, par leur seule récurrence obsessionnelle, une
atmosphère étrange, lourde de présences ténébreuses,
menaçantes.
Des créatures déchirées, en quête d'une identité
perdue, errent dans le dédale de leur quotidien
et de leur mémoire blessée dans un univers en voie
d'abandon, vieux hôtels de maître, parcs désertés, rues
vides où bat une pluie de fin du monde.
Le personnage
compérien est obsédé par la ruine, il se sent mourir, et
l'écriture est conçue à la fois comme une lutte contre le
néant eJ comme un suicide ( « Chaque jour, je retourne la
mort.
Ecrire est faire mourir, et mourir»).
De même,
l'œuvre romanesque développe en le modulant un mono
logue nostalgique et revanchard, profondément déses
péré.
Le Fort de Gleisse ( 1975), Portrait d'un roi dépos
sédé (1978), l'Office des tén èb re s (1979), la
Constellation du serpent (1983), autant d'apocalypses
individuelles où le personnage décrit sa propre mise à
mort, sorte de lente exécution qui commencerait à la
venue au monde; vivre, c'est mourir, et faire mourir avec
soi l'univers.
Condamné au néant, l'être s'y précipite.
ivre jusqu'au bout d'une haine violente contre ses« sem
blables»; tout contact déclenche la répulsion chez ce
personnage qui, s'abhorrant lui-même, n'éprouve que
dégoût pour l'humain, alors que le fascine la froide
pureté de la nuit constellée.
L'Office des ténèbres, long
discours intérieur d'un jeune homme agonisant au pied
du mur de Berlin, reprend le thème de Portr ai t d'un
roi dépossédé, ressassement de haine et de désespoir
jusqu'au suicide final, et celui de la nouvelle « No Man's
Land >> (dans Sept Machines à rêver), thème des derniè
res paroles, de la phrase ultime qui, devenue tentaculaire,
tente d'embrasser toute une vie pour la vouer à l' anéan
tissement.
Le message de Compère est sombre et convulsif et
cependant se traduit par un art essentiellement ludique.
Par-delà le foisonnement des calembours, le jeu de réfé
rences se poursuit avec la culture.
Ce grand lettré, épris
des romantiques allemands, glose, disserte, pastiche,
enchaîne les citations littéraires, construit ses livres
comme des fugues, sans jamais cesser de tourner sa pro
pre parole en dérision, nous pénétrant d'un lyrisme
déchirant qui rompt l'âme, la précipite dans la folie.
Œuvre paradçxale à bien des égards, et dont l'agressi
vité est telle ( « Ecrire : entreprise sadique ») que, malgré
le prix Rossel qui couronna Portrait d'un roi dépossédé,
le public se partage entre l'enthousiasme et le rejet.
Une
scatologie omniprésente, une misogynie délirante, autant
de raisons de s'offusquer pour qui ne discerne pas, sous
l'incessante provocation, une peur panique, celle d'un
être s'éprouvant lui-même comme une abjecte machine
à souffrir.
Savante, sardonique, lyrique et ordurière, de structu
res très complexes, l'œuvre de Compère exige du lecteur
une adhésion attentive.
Son ampleur, sa puissance et son
originalité la font, cependant, apparaître comme désor
mais inévitable.
[Voir aussi BELGIQUE.
Littérature d'ex
pression française]..
»
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