Commentez et discutez l'affirmation d'Edgar Morin : « La concurrence entre Journaux, radios, télévisions, la concurrence des sources d'information donne des chances à l'information que l'argent ou l'État veulent étouffer. »
Publié le 07/02/2011
Extrait du document
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«
[ 1.
Il n'est pas un État qui ne rêve de contrôler l'information ]
Il n'est pas un État qui ne rêve de contrôler l'information, ceci est évident pour les régimes totalitaires oudictatoriaux.
On n'a jamais rencontré de pays à parti unique, par exemple, avec une presse pluraliste.
À partiunique, voix unique.
Les États démocratiques, pour leur part, se targuent de posséder une presse libre et pluraliste.C'est vrai, mais il n'en demeure pas moins que les rapports État/information ne sont jamais simples.
Les exemplesabondent dans notre pays même.
Naguère, nous avons eu « les plombiers » du Canard enchaîné, plus récemmentdes journalistes ont été mis sur écoutes téléphoniques.
La liberté de la presse est une exigence de la démocratie,mais elle embarrasse souvent ces mêmes États démocratiques.
C'est l'information qui fait l'opinion, elle peut aussiparfois défaire les hommes politiques comme lors de l'affaire du Watergate, pour le Président Nixon.
Dans unesituation de monopole, il est possible d'entraver l'information ; dans une situation de concurrence cela est plusdifficile.
[ 2.
Les puissances de l'argent également ]
Les États ne sont pas les seuls à vouloir régner sur les médias.
Les puissances de l'argent également.
Les affairesaiment la discrétion, la Bourse est d'une sensibilité insigne à toute nouvelle allant dans un sens ou dans l'autre.
Lesdélits d'initiés et autres malversations financières se porteraient mieux sans une presse libre et pluraliste.
À cetégard, il n'y a pas d'exemple plus éloquent que la tragique affaire du sang contaminé.
En effet, elle est à la foisaffaire politique et affaire d'argent et, sans le travail de la presse, peut-être eût-elle été étouffée.
[ II.
La concurrence dans l'information est un élément positif ]
[ 1.
Elle permet à l'information de « sortir » malgré tout ]
Ainsi que l'affirme Edgar Morin, la concurrence des médias et surtout la concurrence des sources d'information estune bonne chose, non seulement pour les médias eux-mêmes, mais aussi pour la démocratie.
Le fait que par laconcurrence, l'information reçoive une valeur marchande a pour conséquence que même dépendante des puissancesd'argent, elle finira malgré tout par percer.
Il y a là une ironie amusante et rassurante de voir que l'argent combatl'argent.
[ 2.
Elle est pour le citoyen la possibilité d'un choix ]
En outre, cette concurrence n'est pas seulement une affaire d'argent.
Elle permet à l'information de se faire jourmalgré les pressions diverses, mais elle profite aussi au citoyen qui dans cette diversité peut faire non seulementson choix, mais également comparer, analyser, bref se faire une opinion à partir de son seul jugement.
Ne lire qu'unjournal, c'est déjà bien en cette période de crise de la presse quotidienne, s'informer à différentes sources, c'estpréserver sa liberté de jugement.
Hegel, le philosophe allemand, dès le XIXe siècle, avait bien compris l'importancede l'information puisque pour lui la lecture d'un journal était la prière du matin de l'homme moderne.
[ III.
Cette concurrence a son revers ]
[ 1.
Une concurrence sans déontologie est dangereuse ]
Cependant, Edgar Morin se montre peut-être un peu trop optimiste.
La concurrence est bonne à condition qu'elle sedéroule avec un minimum de déontologie.
Le journaliste Jean Lacouture remarquait il y a quelques années qu'à ladifférence d'autres corporations, le journaliste n'avait pas de code de déontologie édicté.
À partir de là, desdérapages, graves, dans l'affrontement concurrentiel, peuvent se produire.
On a pu voir à la télévision française unefausse interview d'homme d'État ou bien lire dans un magazine allemand des (faux) carnets d'Hitler.
Ces pratiquescontraires à l'éthique journalistique sont le résultat d'une concurrence sauvage et non réglementée.
[ 2.
Elle peut mettre en danger la pluralité de l'information ]
Il est un aspect plus grave encore de cette concurrence acharnée entre les médias et qui atteint en particulier lapresse écrite quotidienne.
En situation de concurrence, seuls les plus forts survivent.
En France, depuis laLibération, le nombre de quotidiens nationaux n'a fait que décroître de façon dramatique.
La presse régionale, quiest souvent en position de monopole, est florissante mais bien souvent affligeante de pauvreté quant au contenu.L'exemple de l'Allemagne, là encore, doit nous faire réfléchir.
La concurrence entre les médias y est particulièrementféroce et ce n'est pas une vue de l'esprit de penser qu'un jour un ou deux groupes extrêmement puissants tiennententre leurs mains toute l'information.
[ Conclusion ]
La concurrence entre les médias au sens où l'entend E.
Morin est en soi une bonne chose.
Elle permet effectivementà la vérité de sortir du puits, pourrait-on dire.
En outre, par le pluralisme qu'elle suppose, elle fait l'affaire du citoyenresponsable, ou simplement curieux.
Néanmoins, la méfiance doit être de règle, car nous voyons trop souventquelles déviances la concurrence entraîne - et nous n'avons pas parlé de la plus évidente parce que c'est devenuune antienne : la médiocrité grandissante de l'information dans la course au sensationnel.
Concurrence, mais éthique.
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