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Commentez et discutez, cette affirmation de Montesquieu : « J'aime les paysans ; ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ».

Publié le 02/11/2016

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montesquieu

INTRODUCTION

 

« J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ». Voilà une affirmation surprenante sous la plume de Montesquieu qui fut à la fois un érudit et un lettré à l'aube d’un siècle avide de connaissances ! Il est intéressant de préciser la signification de cette formule paradoxale qui met sans doute beaucoup moins en cause les résultats d'une authentique formation intellectuelle qu'une certaine catégorie d’« esprits savants ».

 

I. LA FORMULE DE MONTESQUIEU

 

Elle est inattendue Les paysans tiennent peu de place dans la littérature avant Montesquieu. Lorsqu’ils y apparaissent, c’est le plus souvent sous des dehors burlesques. Ils sont stupides, de mœurs grossières, leur langage est cocasse dans les farces médiévales comme Maître Pathelin ou dans les comédies du xvite siècle. Madame de Sévigné les considérait comme des êtres méprisables. Les seules exceptions peut-être à cette peinture dépréciatrice sont les passages pleins de générosité qu'Agrippa d’Aubigné consacre aux «simples paysans » dans ses Tragiques et le rapide tableau ému que La Bruyère nous trace d’eux dans ses Caractères :

 

« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés de soleil... »

 

Montesquieu attire particulièrement notre attention sur l’ignorance des paysans. Il n’y avait pas d’école en effet pour les enfants des familles paysannes au xvme siècle et leur instruction se bornait à une éducation rudimentaire par des parents eux-mêmes ignorants. L’analphabétisme régnait presque absolument dans les campagnes et les chances de « promotion sociale» étaient nulles.

 

Mais Montesquieu considère ce manque d’instruction comme un avantage. Les notions apprises dans les écoles faussent le

montesquieu

« jugement et plu s on est sava nt, plus on a de cha nces de raiso nner de travers.

N'est-ce pas le résultat auquel était parvenu Maîtr e Thuba l H olopherne, le précepteur sophiste du jeune Gargantua ? Celui-ci, nous dit Rabelais, était devenu «fou, niais, tout rêveux et rassoté » à force d'apprendre «par cœur et à re b ours n.

Montaigne s'est élevé l ui aussi dans ses Essais contre l'instruction de s écoles : « On ne cesse de cria iller à nos ore illes comme qui verserait dan s un entonnoir », et il conseillait à Diane de Foix de «tirer» de son fils «plutôt un habile homme qu'un homme savant».

Le bon sens des f'aysans Une édu cation sai ne doit donc se limiter à l 'expérience d'une vie simple.

La pratique d'un métier ma nuel, impliqu ant des r ela tion s sans artifices avec autrui, semble forge r plu s sûrement le bon sens que les arcanes de la science.

C'est J'une des raisons qui entraîneron t J.-J .

Rousseau à choisir pour son Émile le métier de men uisie r, après 1 'avoir rendu familier dans sa première enfa nce avec tous les travaux rusti ques.

Plu s qu 'a u cun autre état, celui de paysan invite à la réflexion et à la méditation, sources de sagesse.

Le contact direct avec la nature enseigne les grandes vérités mieux.

que n'importe quel livre.

Le villageois Ga ro du Gland et/a Citrouille chez La Fontaine r eço it, seul sous son chêne, une admirable leçon de philosophie.

C'es t devant le spectac le de la nuit qu 'Émile appre nd l'astro­ nom ie.

George Sand, au siècle suivan t, vantera dan s un roman comme Les Maîtres Sonneurs la richesse d'âme des gens simples de la campagne.

Un jugement droit ne doit donc rien à l'inst ruction.

Desca rtes posait cette constatation en véritable principe au début de son Discours de la M éthode: « L a puissance de bien juger et distinguer le vra i d'avec le faux qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison est naturellement égale e n tous les hommes ».

II.

CRITIQUE DE CETTE CONCE PTION Elle manque de réalisme naturel? Faut-il faire aussi rapidement confiance à notre bon sens Dans les faits le manque d'instruction s'accompagne le plus souvent d'un manque de jugement.

Les préjugés, les super ­ s titions et les généralisations hâtives trouve nt un terra in d'expan­ sion privilégi é parmi les couches ign ora ntes d'une population .

B alzac dans Le médecin de campagne nous m ont re les difficultés. »

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