Commentez cette formule de Victor Hugo : « Le poète, ce philosophe du concret et ce peintre de l'abstrait ».
Publié le 02/11/2016
                             
                        
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                                INTRODUCTION
« Le poète » n’est évidemment pas enfermé tout entier dans ces quelques mots : « philosophe du concret, peintre de l’abstrait ». Mais il y est défini, avec une vigueur exemplaire, dans une de ses fonctions essentielles : celle de déchiffreur ou de créateur de symboles. Cette fonction est représentée selon un double mouvement : le poète peut prendre du concret et en tirer de l’abstrait, ou prendre de l’abstrait et le rendre concret. Dans le premier cas il sera une sorte de philosophe, dans le deuxième une sorte de peintre.
I. LA FORMULE DE VICTOR HUGO DÉGAGE LES DEUX ASPECTS FONDAMENTAUX DU SYMBOLE
Le philosophe du concret «Philosophe du concret»,
le poète « voit dans les choses plus que les choses » et devine sous les apparences particulières des significations générales. Le Cygne de Baudelaire, La Vache ou Saison des Semailles, Le Soir de Victor Hugo, sont inspirés de faits précis ; le poète prend soin de le rappeler par quelques détails réalistes. L'idée abstraite sort des choses mêmes : la convulsion du col du cygne impose l’image de l’angoisse et d’une certaine révolte idéaliste ; l’heure des semailles et l’âge du semeur impliquent déjà « la fuite utile des jours ».
Des récits plus amples, le Lac, Tristesse d'Olympio, La Mort dit Loup illustrent la même démarche. Certains détails rendent à la chose vécue toute sa présence. D’autres acheminent l’esprit vers la leçon, leçon que vient çà ou là expliciter quelque formule générale.
Ainsi le poète déchiffre et traduit les signes offerts par le visible. Il peut aussi être celui qui crée des signes pour exprimer l’invisible.
Le peintre de l’abstrait « Peintre de l’abstrait », le poète
exprime des idées générales au moyen d’objets ou de scènes imaginaires. C’est à cette forme
 
                                «
                                                                                                                            très ancienne  de  symbolisme 	que 	se  rattache nt  la  fabl e et  l	'allé
gori e.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Mors 	ou 	La 	Conscience 	de  Victor  Hugo,  le  premie r poème 
des 	Des tinées 	de 	Vigny, 	l'Irrémédiabl e 	de Baudelaire,  illustrent 
bien  cette  imagination  mise 	au 	service 	d'u ne  idée,  dont elle crée 
des 	«e	mblème s 	nets» 	et 	des 	«tab	leaux 	parfaits 	» .
                                                            
                                                                                
                                                                    	
II.
                                                            
                                                                                
                                                                     LA  FORMULE 	SIMPUFIE 	A 	L'EXCÈS 	L E 	MÉCANlSME 	DU 	SYMBOLE 	
La  formule 	de 	Victor  Hugo a pourtant 	un 	défaut.
                                                            
                                                                                
                                                                     P	ar 	sa 	claire symétrie,  elle laisse  pense r 	qu'	il s'agit  de deux  opérations 
dist inc tes.
                                                            
                                                                                
                                                                    	En	tre  le concret 	et 	l'abstrait  le  poète  lancerait  deux 
p onts 	à sens  unique.
                                                            
                                                                                
                                                                     Mais  en 	fait  le  symbolisme  n'est pas 	si 	simple.
                                                            
                                                                                
                                                                     De plu s  en  plus,  dan s  la  poésie  écrite  depu	is le roma	ntisme, 	il apparaît  comme la fusion  mystérieuse  de deux  réalité s plutôt 
que  comme 	
une 	démarche  définie de 	l'une 	à l'autre.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Il 	n'y 	a pas 	de 	((sens  unique 	u 	En 	effet, 	la  communi-	du 	concret 	ci l'abstrait 	cation  entre concret  et 
a bstra it se  fait  souve nt 
d ans  les deux  sens 	
à la fois.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'Alb atros 	et 	le Pin  des  Landes 
sont  sans  doute des 	«c	hoses  vues» 	; m ais  si 	 Baudelaire  et Théo
phile  Gautier 	les 	ont 	vus, c'est  qu'ils éta ien t hantés 	par 	certaines 
idées  dont,  sans le  savo ir,  ils  cherchaient 	les emblèmes  dans 	le 	monde visible.
                                                            
                                                                        
                                                                     Inve rsement,  Rimbaud,  qui 	n'av	ait  jama	is 	vu 	la  mer,  a sa ns 	doute 	imaginé 	le Bateau 	fvre 	pour  figurer  le destin 	du 	Voya nt, et  en  ce sens 	il partai t de  l'abstr ait.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais 	il partait 
aus	si des  rêves  suscités chez  lui 	par 	ses lecture s, par  Victor  Hugo, 	par 	les 	romans  d'avent ure  : 	il partait 	d'un 	monde 	«concret	», 	c'est-à-dire  directement  senti, quoique  imaginaire.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Parfois 	il n'y 	a 	pas 	de 	distinction 	réelle 	
Parfois même 	la dist i	nctio n 	du 	concret 
et  de  1 'abstrait  perd toute  signifi 
cat ion.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ainsi  certains  poèmes sont 
des  tissus  de notations 	
ma	térielles,  et 	pou	rta nt  au cun  objet 
c o ncre t  n'y  semb le 	dou	é  de  réalité.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Da	n s  le 	Chant 	d'A	utomne 	de  Baudelaire,  dans 	Harmonie 	du 	Soir, 	dans 	Spleen 	IV	(« 	Quand 	Je 	ciel  bas  et lourd  ...
                                                            
                                                                                
                                                                    	>> ), seul  existe  pleinement  le vertige 	à la 
fois  physique 	et 	obscurément  métaphysique  dans lequel  semblent 
se  noyer  toutes  choses.
                                                            
                                                                                
                                                                    
D'autres  poèmes ont  une  structure  allégorique,  comme les 	
Spleen 	Il 	et 	Ill 	(« J'ai 	plus 	de 	souvenirs>> 	...
                                                            
                                                                                
                                                                    	«Je 	suis  comme  le.
                                                                                                                    »
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