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Commentez ce jugement de Voltaire: Corneille eut à combattre son siècle, ses rivaux et le Cardinal de Richelieu.

Publié le 13/02/2012

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voltaire

Ce jugement souvent cité ne prétend pas embrasser toute la carrière théâtrale de Corneille, il vise la seule période du début; il s'applique spécialement à la « querelle du Cid«, qu'Il semble vouloir résumer. Examinons si cette formule commode est, de tous points, exacte.

1. - Corneille eut à combattre son siècle.

La première affirmation de Voltaire nous rappelle aussitôt le tableau tracé par Racine, à l'Académie, lors de la réception de Thomas Corneille, en 1685: « En quel état se trouvait la scène française lorsqu'il (Pierre Corneille), commença à travailler! ... Quel désordre, quelle irrégularité !...

voltaire

« dive avec Sophonisbe et remporte tin plein succes.

C'en est fait desormais de la tragi-comedie romanesque et du drame libre.

Sophonisbe n'est pas un chef -d'oeuvre; c'est tine date.

Corneille, comme ses contemporains, se con- vertit : it suit docilement son siècle. Et d'on vient ce triomphe si rapide de la tragedie reguliere? D'un chan- gement opere dans le public.

Le goat des choses de ''esprit s'est developpe dans les salons; la raison s'est formee, et de ses exigences en matiere dra- matique est ne notre theatre classique.

L'ideal du xvie siècle humaniste s'est modernise et francise.

Les spectacles grossiers repugnent a Verne, qui se soucie peu de se meler a la clientele de ''Hotel de Bourgogne.

Richelieu, non content de retablir l'ordre dans le royaume, l'impose au theatre on it exige la detente.

Des avant le Cid, Balzac constate que la scene est e net- toyee de toute sorte d'ordure », la Gazette de France annonce qu' e on a banni du theatre tout ce qui pouvait blesser les oreilles les plus delicates ».

Resultat : les dames se montrent sans scrupule a ''Hotel de Bourgogne; le theatre devient la distraction mondaine par excellence.

Corneille, run des premiers, beneficie de cette epuration et subit 'Influence des e honnetes gens ».

Il n'a point a combattre son siècle, mais a le suivre dans cette evolu- tion.

A grand peine it soumet son genie exuberant au joug salutaire des unites, impose a qui vent plaire aux e beaux esprits ».

Ses chefs-d'ceuvre sont precisement les pieces qui se rapprochent le plus de ce goat ambiant pour le vraisemblable, pour le spectacle interieur, pour l'ordre et l'unite. Lorsque, au contraire, au lieu de consulter son siècle, it s'abandonnera a son intemperance native, H tombera dans le complique, le subtil, l'extraordi- naire, le monstrueux.

Et de ses mains le sceptre passera en celles de Racine, plus conforme, vers 1660, aux aspirations de ses contemporains. II.

- Corneille eut a combattre ses rivaux. II serait paradoxal de soutenir que les rivaux de Corneille, autant que son siècle lui furent favorables.

Cette affirmation renfermerait pourtant une part de verite; et c'est le brave Boileau qui, le premier, l'a signalee dans un vers célèbre Au Cid persecute, Cinna doit sa naissance. II est certain que les ennemis sont utiles au genie.

L'epitre VII le demontre par le raisonnement et par les faits.

N'empeche que Racine, degonte, decou- rage, ne se rendit point aux arguments de son ami et abandonna le theatre apres Phedre, nous privant, pent-etre, de maints chefs -d'oeuvre en gesine. Corneille, lui, s'il se retira une premiere fois du theatre en 1652, apres Pertharite, et definitivement, en 1674, apres Surena, ne put l'imputer a ses rivaux.

Seuls des echecs, d'ailleurs merites, en furent cause.

Ma's limitons notre enquete, comme nous l'avons annonce, au debut, sous peine de trahir la pensee de Voltaire.

Celui-ci, n'a .pas tort de rappeler que Corneille eut a combattre ses rivaux : c'est l'histoire. Melite l'a fait connaitre, des 1629, de messieurs les auteurs.

II occupe parmi eux une place honorable, mais n'en offusque aucun.

Bien plus, Hs lui temoignent, jusqu'au Cid, une admiration que l'on petit supposer sincere. Scudery s'est ecrie, non sans emphase, au lendemain de la Veuve (1633) : Le soleil s'est leve, disparaissez, etoiles! Quand, pour de bon, le soleil se leve, les etoiles palissantes commencent a protester contre l'astre du jour.

Nous ne mentionnerons que les plus b:-uyantes, ninon brillantes.

Le succes du Cid, eclatant, ecrasant, suscite les plus basses envies.

L'obscur Claveret, ancien avocat orleanais et parasite notoire, ouvre le feu contre son collegue rouennais.

Tandis que la foule acclame la piece mer- veilleuse et declare son auteur le e maitre de la scene », Claveret l'accuse d'avoir fait a métier et marchandise de ses vers durant neuf ou dix ans ». On it n'avait cru voir qu'un rival negligeable, it trouve un maitre applaudi; it ne comprend rien a la metamorphose du rimeur timide et emprunte, rencontre a Forges-les-Eaux, trois ans auparavant.

Son mensonge grossier fut aussitot Morgue; it dut battre promptement en retraite et se rangier aupres des nouveaux assaillants.

Plus redoutable fut Scudery, jusqu'alors considers par Corneille comme dive avec Sophonisbe et remporte un plein succès.

C'en est fait désormais de la tragi-comédie romanesque et du drame libre.

Sophonisbe n'est pas un chef-d'œuvre; c'est une date ..

Corneille,.comme ses contemporains, se con­ vertit : il suit docilement son siècle.

Et d'où vient ce triomphe si rapide de la tragédie régulière? D'un chan­ gement opéré dans le public.

Le goût des choses de l'esprit s'est développé dans les salons; la raison s'est formée, et de ses exigences en matière dra­ matique est né notre théâtre classique.

L'idéal du XVI 6 siècle humaniste s'est modernisé et francisé.

Les spectacles grossiers répugnent à l'élite, qui se soucie peu de se mêler à la clientèle de l'Hôtel de Bourgogne.

Richelieu, non content de rétablir l'ordre dans le royaume, l'impose au théâtre où il exige la décence.

Dès avant le Cid, Balzac constate que la scène est « net­ toyée de toute sorte d'ordure », la Gazette de France annonce qu' « on a banni du théâtre tout ce qui pouvait blesser les oreilles les plus délicates ».

Résultat : les dames se montrent sans scrupule à l'Hôtel de Bourgogne; le théâtre devient la distraction mondaine par excellence.

Corneille, l'un des premiers, bénéficie de cette épuration et subit l'influence des « honnêtes gens ».

Il n'a point à combattre son siècle, mais à le suivre dans cette évolu­ tion.

A grand peine il soumet son génie exubérant au joug salutaire des unités, imposé à qui veut plaire aux «beaux esprits».

Ses chefs-d'œuvre sont précisément les pièces qui se rapprochent le plus de ce goût ambiant pour le vraisemblable, pour le spectacle intérieur, pour l'ordre et l'unité.

Lorsque, au contraire, au lieu de consulter son siècle, il s'abandonnera à son intempérance native, il tombera dans le compliqué, le subtil, l'extraordi­ naire, le monstrueux.

Et de ses mains le sceptre passera en celles de Racine, plus conforme, vers 1660, aux aspirations de ses cont~mporains.

* • * Il.

- Corneille eut à combattre ses riuaux.

Il serait paradoxal de soutenir que les rivaux de Corneille, autant que son siècle lui furent favorables.

Cette affirmation renfermerait pourtant une part de vérité; et c'est le brave Boileau qui, le premier, l'a signalée dans un vers célèbre : Au Cid persécuté, Cinna doit sa naissance.

Il est certain que les ennemis sont utiles au génie.

L'épître VII le démontre par le raisonnement et par les faits.

N'empêche que Racine, dégoûté, décou­ ragé, ne se rendit point aux arguments de son ami et abandonna le théâtre après Phèdre, nous privant, peut-être, de maints chefs-d'œuvre en gésine.

Corneille, lui, s'il se retira une première fois du théâtre en 1652, après Pertharite, et définitivement, en 1674, après Suréna, ne put l'imputer à ses rivaux.

Seuls des échecs, d'ailleurs mérités, en furent cause.

Mais limitons notre enquête, comme nous l'avons annoncé, au début, sous peine de trahir la pensée de Voltaire.

Celui-ci n'a .Pas tort de rappeler que Corneille eut à combattre ses rivaux : c'est d'e l'histoire.

Mélite l'a fait connaître, dès 1629, de messieurs les auteurs.

Il occupe parmi eux une place honorable, mais n'en offusque aucun.

Bien plus, ils lui témoignent, jusqu'au Cid, une admiration que l'on peut supposer sincère.

Scudéry s'est écrié, non sans emphase, au lendemain de la Veuue (1633) : Le soleil s'est leué, disparaissez, étoiles! Quand, pour de bon, le soleil se lève, les étoiles pâlissantes commencent à protester contre l'astre du jour.

Nous ne mentionnerons que les plus b:·uyantes, sinon brillantes.

Le succès du Cid, éclatant, écrasant, suscite les plus basses envies.

L'obscur Claueret, ancien avocat orléanais et parasite notoire, ouvre le feu contre son collègue rouennais.

Tandis que la foule acclame la pièce mer­ veilleuse et déclare son auteur le « maître de la scène », Clavcret l'accuse d'avoir fait « métier et marchandise de ses vers durant neuf ou dix ans ».

Où il n'avait cru voir qu'un rival négligeable, il trouve un maître applaudi; .

il ·ne .comprend rien à la métamorphose du rimeur timide et emprunté, rencontré· à Forges-les-Eaux, trois ans auparavant.

Son mensonge grossier fut aussitôt rétorqué; il dut battre promptement en retraite et se réfugier auprès des nouveaux assaillants.

Plus redoutable fut Scudéry, jusqu'alors considéré par Corneille cemme. »

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