Commentez ce jugement de Théodore de Banville sur Baudelaire : « Il a accepté tout l'homme moderne, avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes. »
Publié le 09/09/2014
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poésie puise donc son charme dans les subtilités d'une sensibilité féline. De cette rêverie langoureuse au culte de la volupté, il n'y a qu'un pas, et l'on sait avec quelle splendeur d'images Baudelaire évoqua la « déité noire « :
«Statue aux yeux de jais, grand ange au front d'airain.«
De cette sensualité pleine de remords, qui tourmente ses semblables, Baudelaire tire l'univers magique du Parfum exotique, de la Chevelure. Quelque malsain que puisse être le culte de ces sensations, on ne saurait en nier la valeur suggestive.
«
BAUDELAIRE
souvent la manifestation de l'impureté, du péché.
C'est ainsi
qu'il en évoque le «remords posthume» :
« Et le ver rongera ta peau comme un remords ».
Le mal Baudelaire ne se limite pas à cet aspect du mal.
Il approfondit sa peinture des «défaillances» humaines en y joignant des vices que nul jusque-là n'avait évoqués
dans des ouvrages de bon aloi : cette franchise l'entraîne devant
les tribunaux où furent condamnées des pièces telles que les
Femmes Damnées.
En fait Baudelaire avait pris là un parti qui
est celui de nombreux écrivains modernes, et quelle meilleure -expression, avant la lettre, de la nausée sartrienne, que ces
vers d' Un voyage à Cythère :
« Je sentis ...
Comme un vomissement, remonter vers mes dents Le long fleuve de fiel des douleurs anciennes ».
De tels vers posent évidemment le problème de la valeur
esthétique que peut avoir une poésie consacrée à l'expression de
la déchéance humaine.
II.
LA « GRACE MALADIVE »
Théodore de Banville caractérise ces aspects de l'œuvre bau
delairienne en évoquant la « grâce maladive » qu'elle tire de sa
modernité.
Le titre même des Fleurs du Mal -« fleurs maladives », écrivait Baudelaire à Théophile Gautier - autorise le lecteur à y
voir une recherche consciente del 'auteur: n'affirmait-il pas vouloir « extraire la beauté du mal » ?
Langueur Cette beauté naît d'abord d'un appel lancé aux
sensations les plus vagues, les plus troubles, chez
un lecteur énervé
par le Spleen.
Le jeu des « correspondances » fait résonner subtilement chaque corde de la sensibilité, et la raison sombre dans un vertige crépusculaire au rythme des vers d' Harmonie du Soir :
«Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige ».
Annonçant le Des Esseintes de Huysmans, cet homme moderne
cultive les préoccupations raffinées et stériles que symbolisent ses
esclaves
« ...
dont l'unique soin était d'approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir »..
»
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