Commentaire : sonnet 32 des Regrets de Du Bellay
Publié le 26/01/2019
Extrait du document
«
Le poète met également en avant le savoir qui touche à l’âme, la « théologie » (l.
4), mise en évidence
à travers l’image religieuse « d’un plus haut souci » (l.
3).
Celle-ci remémore le monde céleste,
proposant une connotation divine au texte.
De plus, le pluriel mystérieux « les secrets » (l.
4) rappelle
l’ambition des humanistes d’en faire un savoir accessible à tous.
Il est également possible de
remarquer l’importante présence des pratiques artistiques, symbole d’une Renaissance cultivée et
raffinée.
En effet, la musique et la peinture sont évoquées à travers les métonymies « luth » et
« pinceau » (l.
5) et l’appellation de « l’escrime » et « du bal » (l.
6), considérées comme des jeux
sportifs, et qui rappellent l’intérêt particulier des humanistes pour le corps humain.
Enfin, du Bellay
fait part de son idéologie à travers le récit d’un voyage rêvé, dans un pays qui rayonne de sa culture
débordante.
Il est possible de ressentir l’ambition de l’auteur de s’y rendre, par l’emploi redondant du
futur : « je me ferai » (l.
1 et 3), « j’ébatterai » (l.
5).
En tant que digne humaniste, du Bellay souhaite
bénéficier de la richesse culturelle que représente l’Italie pour s’en inspirer.
Dans un second temps, du Bellay est confronté à des découvertes décevantes.
Cette
désillusion est observable par le contraste évident entre la tonalité joyeuse des deux quatrains et
celle, plus grave, des deux tercets.
Déjà dans le deuxième quatrain, on peut noter un passage du futur
à l’imparfait « discourais » (l.
6), « vantais » (l.
7) qui semble annoncer la fin de son enthousiasme.
L’emploi du verbe pronominal « se vanter » suggère qu’il se place en responsable de l’action,
s’adressant une forme de reproche et s’avouant trop naïf.
Cependant, il généralise ensuite ses propos
avec l’apostrophe « ô beaux discours humains ! » (l.
9), où il étend son accusation à l’ensemble des
humains, dont la vanité se révèle être la source de leur rêverie excessive.
Dans ce poème, du Bellay
semble donc dénoncer implicitement l’image dorée de l’Italie, qui n’a pas correspondu à ses attentes.
Ensuite, le sentiment d’échec ressort clairement dans la deuxième partie du poème.
Celle-ci insiste
sur la longévité du voyage à travers la locution verbale « je suis venu si loin » et le participe présent
« en voyageant » (l.
9 et 11) et son contraste avec le résultat de ce périple, notamment par une série
d’antithèses.
En effet, du Bellay associe le verbe mélioratif « m’enrichir » (l.
10) avec les termes
d’ordre péjoratifs « ennui », « vieillesse » et « soin » (l.
10).
On observe également cet effet miroir
entre les verbes « m’enrichir » (l.
10) et « perdre » (l.
11), renforcé ensuite avec l’hyperbole « le
meilleur » (l.
11).
Pour finir, la comparaison finale, introduite par l’adverbe « ainsi » et soulignée par la conjonction
comparative « comme moi » met en valeur l’échec de l’auteur.
En effet, il est d’abord relaté à un
« marinier » (l.
12) qui espère effectuer une pêche abondante, illustrée par les rimes sonores
appartenant au champ lexical de l’argent « trésor » (l.
12) et « lingot d’or » (l.
13).
Il partage le même
désir de richesse que le poète.
Le second comparant est le pluriel « les harengs » (l.
13), un poisson
de médiocre qualité, sans grande valeur.
L’infortune de ce pêcheur est associée avec celle de du
Bellay afin d’accentuer l’inaccomplissement de son projet.
Effectivement, venu en Italie dans le but de
progresser intellectuellement, il a en réalité perdu son temps.
Le texte s’achève sur une sorte de
morale, plutôt pessimiste, avec le groupe nominal « ce malheureux voyage » (l.
14).
Pour conclure, Rome porte une image mythique de centre de toutes les connaissances qui
forment le courant humaniste.
En réalité, du Bellay dresse une critique implicite de l’admiration
excessive que ses contemporains portent sur cette ville, présentée comme modèle depuis l’Antiquité.
Nous suivons donc le parcours d’un homme qui subit le poids d’une désillusion puissante, et qui
ressent, douloureusement, le poids de son échec.
Le thème du voyage décevant et ennuyeux sera
notamment repris dans le célèbre sonnet 31 « Heureux qui comme Ulysse »..
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