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Commentaire. Saint François de Sales, Entretiens spirituels. Entretien 13, De la prétention pour entrer en la Religion.

Publié le 15/09/2011

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Le combat contre les passions tel qu’il est proposé par François de Sales nécessite en effet courage et persévérance et l’action apparaît comme une obligation fondamentale pour progresser vers l’union avec Dieu contre ses passions.  Les passions apparaissent comme un frein à la bonne observance des règles. Ainsi l’exemple des sœurs de « bonne volonté «, c’est-à-dire dociles, expose la tension entre le souhait d’observer les règles « pour faire ce qu’elles voudraient « et l’entrave que constituent leurs inclinations sensibles pour y parvenir « elles ressentent leurs passions si fortes, qu’elle craignent bien de commencer à marcher «.

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« comme corrélat de l’apprentissage, souligné par l’adverbe itératif « souvent ».

L’explicitation de l’exemple par lebalancement : « car autre chose est d’être quelquefois abattus et autre chose d’être vaincus » est une invitation àla persévérance en ce qu’elle ne considère pas l’obstacle comme un échec.

Il ne s’agit pas de considérer lespassions comme une cause de l’inadéquation à la vocation, méprise que dénonce François de Sales par la récusationde cet aveu d’échec : « et pour cela vous direz : je ne suis pas propre en Religion à cause que j’ai des passions ».Pour ces âmes, la conquête de la vertu doit se faire par la lutte : « acquérant par la pointe de l’épée ce que lesautres ont sans peine ».Ainsi le discours utilise des métaphores guerrières pour illustrer la lutte contre les passions.

Le recours récurrent àl’image de l’épée anoblit le combat, et concorde avec la référence au cheval à suggérer l’affrontement entre lespassions et la raison qu’est la Règle comme une manière de joute chevaleresque.Il s’agit donc d’une lutte, d’un combat entre la nature et la Religion, entre les inclinations, les passions et lasoumission à la Règle comme raison (l.5).

Le devoir premier est de ne pas subir mais d’agir contre ses passions : « jedis qu’il faut faire car on n’acquiert point la perfection en se croisant les bras ».

L’observance des règles n’est doncpas seule disposition, méditation ou imprégnation des préceptes mais leur mise en œuvre, comme le souligne ledéontique impersonnel qui marque un devoir impératif qui trouve sa justification - « car » - dans le dénigrement del’inactivité et de la paresse.

Il faut tendre vers la perfection, la conquérir afin d’obtenir l’union à Dieu.

Le moyen poury parvenir est de « se dompter soi-même » (l.4) c’est-à-dire dominer sa nature, se vaincre soi-même.Ce combat nécessite d’agir, on relève de fréquentes occurrences du verbe « faire », et l’action passe, selon laRègle, par la mortification qui est le moyen de résistance et d’anéantissement des passions pour le Salut.

Lamétaphore du pressoir évoque la purgation, l’extraction, de ce qui s’oppose à l’union à Dieu : « pour en faire sortirtout ce qui est contraire à Dieu ».

Le recours à la mortification, par la persévérance et le courage dans la fidélité(« si elles sont fidèles » l.23) permet donc une progression de la maîtrise et de la résistance à la passion tel quel’illustre l’exemple de la colère l.33, jusqu’à l’anéantissement, selon le modèle du Lévite contre les idolâtres.L’extermination totale est manifestée par l’emploi du polyptote « tout/tous » qui marque l’achèvement de ladestruction d’une passion contraire à Dieu.

Ainsi Saint François de Sales exhorte à « tuer et anéantir les passions »par la mortification qui se fait forme de mort à soi-même. Quelle est alors la conception des passions que propose Saint François de Sales ? Prônant l’anéantissement despassions, il en justifie cependant l’existence : « on ne requiert pas de vous que vous n’ayez pas de passions,[…] nimême Il ne veut pas qu’elles ne soient peu fortes ».

De même : « la Religion tolère bien que vous apportiez voshabitudes, passions et inclinations, mais non pas que vous viviez selon icelles » (l.6).

Se mêlent ainsi la rigueur del’interdiction et l’indulgence de l’acceptation.

Ainsi on observe une vision contrastée des passions selon l’identitéd’une part et la liberté d’autre part.

En effet les passions constitutives de la nature de l’homme semblent êtreinoffensives pour l’âme en elles-mêmes, et elles ne peuvent lui être imputées : « que peut mais une âme de cequ’elle est de telle ou telle température ou sujette à telle ou telle passion » l.29.

La présence sans la volonté du maln’appelle que la miséricorde et la bienveillance.

Toutefois c’est au niveau de la liberté que réside le danger despassions en tant que frein ou détournement de la volonté.

En effet pour François de Sales, la liberté semble résiderdans l’action qui découle de la volonté : « le tout gît donc aux actes que nous faisons par leurs mouvements, lequeldépend de notre volonté » l.31.

La liberté réside alors dans la maîtrise et la domination des passions qui sontdénoncées non comme inclination naturelle mais comme intention.Toutefois, la présence des passions en l’homme semble participer directement à son Salut : « La Religion ne fait pasgrand triomphez de façonner un esprit doux et une âme tranquille en soi-même mais elle estime grandement deréduire à la vertu les âmes fortes en leurs inclinations » l.21.

Ainsi se manifeste le paradoxe de l’intensité despassions comme moyen d’un mérite supérieur qui rappelle le vers du Cid de Corneille « A vaincre sans péril, ontriomphe sans gloire ».

Le mérite est dans l’effort, non dans le résultat, dans la poursuite du but, non dans le but.

Ily a une relation d’équivalence entre le mérite obtenu et le nombre de passions combattues.

Ainsi : « le plus braveLévite est celui qui en tua le plus ».

Le double superlatif est repris en parallèle l.45 comme explicitation du rapportentre la reconnaissance et les passions vaincues : « et celle qui en aura le plus à tuer sera la plus vaillante ».Cependant François de Sales introduit une modulation à cette notion de mérite par la proposition concessive :« pourvu qu’elle veuille coopérer à la grâce ».

La gloire n’est donc possible qu’en ce qu’elle sert la grâce, l’ordre divinet parce qu’elle est adjuvante par son action (« co-opérer ») de la gloire de Dieu.

De plus une même passion peutêtre négative (« la colère » l.33) et être ensuite positive (« juste colère » et le « zèle de la gloire de Dieu » l.40)lorsqu’elle est orientée vers Dieu.Les passions apparaissent alors comme une voie de Salut en ce qu’elles sont un moyen d’exercer la nature à secorriger jusqu’à mourir à elle-même pour s’unir à Dieu : « et Dieu veut que vous les ayez jusqu’à la mort pour votreplus grand mérite » (l.26).

En outre, la liberté de l’homme face à ses passions est un don de Dieu : « Dieu nous alaissé ce pouvoir » (l.35).

L’homme ne tire donc pas de lui-même sa faculté, sa capacité à résister, à maîtriser sespassions.

La gloire de sa générosité d’âme ne lui revient donc pas. Ainsi François de Sales semble être à la croisée d’une conception pessimiste et optimiste des passions, se détachantde l’augustinisme par la possibilité pour l’homme de tendre à « la perfection » (l.35) malgré sa nature misérable et laprésence de ses passions.

Cependant la notion du bon usage des passions qui se rattache à une conceptionoptimiste empêche Saint François d’y adhérer pleinement.

C’est donc une conception originale des passions qu’ilpropose ici, exhortant ses filles comme Saint Paul (Ephésiens, 4-2) « à mener une vie digne de l’appel que vous avezreçu ».

Ainsi s’il peut paraître moralement sévère aujourd’hui, il n’en est pas moins, dans le contexte du début duXVIIe siècle, théologiquement et humainement bienveillant.. »

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