Commentaire, L'Illusion Comique, Acte III, Scène 7, Corneille

« danger qu’il court et la férocité de ces ennemis : rappelons que ces ennemis ne sont en réalité que les valets deGéronte et que ce dernier n’a aucune intention réelle de s’en prendre à Matamore.

En effet la périphrase qu’il utilisepour qualifier Géronte « Vieux rêveur »v.5 montre bien cette exagération et la concession qu’il met en place ens’adressant à lui « malgré toi »v.5 a pour but de mettre en valeur Matamore en montrant sa bravoure face ausupposé danger que représente pour lui Géronte.

Par ailleurs le substantif « diables » v.6 qui qualifie les valets lesfait apparaître comme étant les représentant du mal alors qu’en fait aucun d’eux ne s’en prendra à Matamore.

Enfin,le personnage de Matamore utilise un verbe appartenant au vocabulaire religieux « profaner » v.10 associé à unsubstantif insultant « canaille »v.10 pour justifier sa fuite et son envie d’éviter la bataille, il ridiculise ses adversairesafin de mettre en valeur son courage.

Le personnage de Matamore est donc du côté de l’exagération, il amplifie lamenace qui pèse sur lui pour faire croire qu’il est brave et que sa fuite et son désir de se rendre est justifié.Le personnage de Matamore est donc un personnage qui se contredit tout au long de la scène : il est l’image mêmede l’inconstance baroque, il représente le décalage qui existe entre l’être (un personnage lâche) et le paraître (unpersonnage brave).

Il est aussi l’image d’un personnage comique qui est traumatisé par un danger illusoire. Dans un second temps, le baroque et le comique de cette scène n’apparaissent pas seulement grâce au personnagede Matamore mais aussi grâce à la situation dans laquelle se personnage se met et la mise en scène de cemonologue.

Tout d’abord, cette scène témoigne de l’irrégularité baroque.

En effet, comme nous avons pu leconstater dans la première partie, le personnage de Matamore, qui fait ici un monologue, est un personnage confus,inconstant et qui reflète donc parfaitement l’irrégularité baroque.

D’autres éléments inscrivent cette scène dans lemouvement baroque.

Ainsi nous remarquons que dans la mise en scène de cette scène, le personnage estconstamment en mouvement et nous pouvons relever de nombreux verbes d’action qui en témoigne « avançons »v.2 « marchons » v.4 « courir » v.13.

Par ailleurs Cette notion de mouvements s’oppose aux verbes qui marquentl’immobilité « attends » v.5 « je ne puis courir » v.16.

Cette opposition montre à la fois le mouvement qui existedans cette scène mais aussi l’instabilité et l’inconstance puisque le personnage est à la fois mobile et immobile.Parailleurs, on retrouve aussi une opposition entre « glacé »v.16 et « déglace » v.19 ce qui montre que ce personnageest toujours aussi rapide dans le changement de ces sentiments et montre le pouvoir de l’amour sur lui et lesoulagement qu’il ressent après la dissipation de ce danger illusoire.

L’inconstance du baroque apparaît aussi àtravers le retournement de situation : Matamore croyant vivre ses derniers instants est pris de panique mais dèsl’apparition d’Isabelle et de Clindor, le pouvoir de l’amour et l’apparition de la personne aimée désignée par uneproposition emphatique « c’est ma reine elle-même »v.18 lui fait reprendre ses esprits et il retrouve sa bravoure etsa vanité.

C’est un personnage dont l’existence tout entière se résume aux mots, son courage légendaire n’est enfait qu’une invention de son imagination.

Cette scène, à travers les actions et paroles du personnage de Matamorereflète donc l’irrégularité baroque.Par ailleurs c’est aussi un personnage théâtral qui se donne en spectacle et qui apparaît donc comme étantcomique.

Tout d’abord ce monologue est centré sur la personnalité de Matamore, on relève l’utilisation de pronom dela 1ère personne du singulier « je »v.1 « mon »v.2 « ma »v.18 « mon »v.18.

La scène est donc centré sur lepersonnage de Matamore, le sujet de son monologue et donc du spectacle qu’il donne n’est autre que lui-même.

Parailleurs, le contenu du monologue de Matamore ainsi que la mise en scène lui donne un air ridicule : sa peurpermanente, sa peur de tout lui donnent une image de lâche.

Son ridicule apparaît donc à travers sa lâcheténotamment lorsqu’il utilise le champ lexical de la fuite « courir »v.13/ 16 « pied »v.14.

Ce personnage apparaît donccomme un personnage drôle par sa faiblesse, par ses propos ridicules, et la situation comique qu’il crée.

Son ridiculeapparaît aussi à travers l’atmosphère tragique qu’il essaie de créer, ainsi il utilise plusieurs fois le verbe « mourir»v.9/15 et évoque aussi le « destin »v.17.

Sachant que ce personnage ne va pas mourir mais qu’il essaie seulementde dramatiser sa situation, il réussit donc bel et bien à créer une scène comique.

Par ailleurs, ce personnage, à la finde son monologue utilise des verbes de perceptions à la première personne du pluriel de l’impératif « écoutons » v.19« voyons » v.20.

Le spectateur de la pièce et lui-même appartienne à une même sphère.

Ceci lui permet d’inviter lespectateur dans un monde qu’il a créé, de lui présenter comme une nouvelle pièce à laquelle il va assister et dontMatamore lui-même va être spectateur : le dialogue entre Clindor et Isabelle.

Cette sorte de mise en abyme estcaractéristique du théâtre baroque.

Le personnage de Matamore se donne donc en spectacle et arrive même àcréer une sphère où il inclut les spectateur avec lui pour regarder un nouveau spectacle ce qui confère un caractèrebaroque cette scène.

C’est aussi une scène comique car le personnage de Matamore et la situation qu’il nousprésente contribue au ridicule de cette scène.On peut donc dire que, à travers le monologue, la mise en scène et le personnage de Matamore, cette scèneapparaît tout d’abord comme étant comique mais aussi comme étant baroque.

Matamore, ce personnage de mots,se rend ridicule de par ses propos et réussit à la fin de son monologue à créer une sorte de mise en abyme duthéâtre s’inscrivant de cette manière dans l’esthétique baroque. * * * La scène 7 de l’acte III est une scène qui se caractérise par l’inconstance du personnage de Matamore, le décalageentre ce qu’il est réellement et l’image qu’il souhaite donner de lui.

C’est aussi un personnage de l’excès ce qui luiconfère un caractère comique.

Par ailleurs le ton tragique que le personnage souhaite conférer à cette scène et leton comique qui découle du ridicule du personnage contribue à rendre cette scène comique.

Par ailleurs la fin dutexte et la mise en abyme que réalise le personnage de Matamore contribue à inscrire cette scène dans l’esthétiquebaroque.

Nous avons donc à faire à une scène comique qui s’inscrit dans le mouvement baroque et où le personnagede Matamore, personnage dont l’existence entière se résume à un danger illusoire, fait une apparition bouffonne etest amené à confronter un danger totalement illusoire.

Il serait intéressant de comparer Matamore, ce personnagede mot, à un autre personnage de la pièce qui lui est opposé à savoir le magicien Alcandre.. »