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Commentaire - Excipit - Mme de La Carlière, Diderot

Publié le 22/02/2012

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Au 18ème siècle, le conte philosophique est un genre d'apologue qu’utilisent fréquemment les philosophes des Lumières. Il a pour but d’instruire et de faire réfléchir de façon distrayante les lecteurs. Diderot, considéré comme le plus novateur de ces auteurs, a écrit le conte Madame de La Carlière en 1773 pour montrer la subjectivité et la versatilité du jugement public sur les actions des hommes. Ce récit fictif met en scène une jeune veuve qui fait promettre à son second amant une fidélité absolue. En échange de cela, elle accepte de le prendre comme époux. Mais malheureusement celui-ci ne tient pas parole et Madame de La Carlière met fin publiquement à leur relation. L'opinion publique lui donnera tord puis, devant ses malheurs, lui donnera finalement raison et ce jusqu'à sa mort. L'extrait étudié est l’excipit du conte. 

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« les comportements du mari et de la femme.

Il intervient au cours d'’une hypothèse hasardeuse émise par l'un desdeux locuteurs.

En effet, à partir de cet instant la modalisation est fortement utilisée.

Elle l'est par exemple avec leparticipe présent du verbe de suspicion « supposant » (ligne 772), la formulation « je ne pense pas même » (ligne798) ou encore l'utilisation de l'adverbe « peut-être » (ligne 803) qui indiquent la contingence de cette nouvellethéorie.

De plus, Diderot utilise le pronom « on » qui ne désigne personne en particulier mais tout le monde en mêmetemps soit l'anonymat de la foule, de la rumeur publique et donc de l'incertitude des propos tenus.

Grâce à cetteremise en question, Desroches apparait progressivement sous un nouveau jour.

Il n'est plus considéré comme une «vilaine bête » (ligne 791) mais désormais comme un « galant homme » (ligne 780).

C'est par ailleurs, la première foisque l'opinion publique emploie un adjectif épithète mélioratif pour le qualifier.

En outre, sachant uniquement queDesroches « s'était retiré à la campagne » (ligne 647) et que par conséquent « on ne le voyait plus » (ligne 646) lelecteur et le peuple ne peuvent connaitre les occupations de celui-ci pendant ce temps, contrairement aunarrateur.

L'ignorance de la vérité explique cette erreur de jugement de l'opinion publique.

Cette idée est confirméepar le fait que l'opinion publique pensait Desroches courant dans les bois avec des « espèces comme lui » (ligne669) alors qu'il était en réalité, d'après les mots ou groupes de mots « état déplorable d'esprit et de corps » (ligne646) ; « douleur » (ligne 647) ; « pauvre » (ligne734) et « sa malheureuse existence » (ligne 804) qui constituent lechamp lexical de la douleur, atteint d'un mal physique mais aussi moral important.Desroches suscite désormais de lacompassion.

Par la suite, le narrateur explique que Desroches a tout fait pour attendrir sa femme comme lorsqu'il est« accouru » (ligne 660) à sa porte, mais cela les gens ne le savent pas, c'est pourquoi ils le jugent si mal.

Le lecteurapprend cela grâce à une nouvelle intervention du narrateur qui énonce «que Desroches n'avait omis aucune de ceschoses et qu'on l'ignorait » (ligne 663 à 664).

Cette phrase met particulièrement en exergue l'antithèse entre lesavoir de « Desroches » et les commérages du « on ».

De plus, les efforts entrepris par Desroches pour attendrir safemme sont montrés sous forme d'énumération et de gradation : « c'est qu'on y reste, qu'on y couche, qu'on ymeurt » (ligne 662 à 663) et « dans les rues, dans les églises, à sa porte » (ligne 660 à 661) à pour mettre enexergue la volonté et l'espoir qu'il a de reconquérir sa femme : il n'est finalement peut-être pas un si indifférents queça aux mésaventures de sa femme.

Enfin, Diderot ironise sur la mauvaise tendance qu'ont les gens à ragoter aumoyen de cette antiphrase : « car le point important n'est pas de savoir, mais de parler.

» (Ligne 664 à 665).

Lelecteur comprend alors que le narrateur n'entre pas dans le système de l'opinion publique et que son jugement estplus juste, du domaine de la raison et non de l'émotion.

Diderot utilise ce moyen pour nous faire comprendre que lesfaits ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être.Pour finir dans un troisième et dernier temps, Diderot cherche à nous faire prendre conscience de la subjectivitéainsi que de la versatilité du point de vue de l'opinion publique.

Cette subjectivité se traduit par le champ lexical dessix sens dont notamment celui de la vision formé des mots « regarder » (ligne 698) ; « yeux » (ligne761) ou encore« verra » (ligne 802) et celui de l'ouïe composé des mots « cris » (ligne735) ; « entend » (ligne 719) et « tumulte »(ligne 725) qui corrobore peu d'importance qu'elle accorde finalement au sujet qu'elle traite.

L'opinion publique sefocalise uniquement sur des aspects superficiels qui ne nécessitent aucune réflexion particulière.

Par ailleurs,l'utilisation du pronom « on » qui dans ce cas met en exergue une généralisation de la pensée publique ainsi que lecôté grégaire de cette population :En plus de cela, la versatilité de l'opinion publique est présente dans ce texte.

En l'espace d'une seule réplique, undes locuteurs se contredit à deux reprises dans ses propos et utilisent inconsciemment deux oxymores : l'un entre «l'éloge » (ligne 768) et «le blâme » (ligne 768) et le second entre « panégyristes ridicules » (ligne 767) et «censeurs absurdes » (ligne 767).

Cela souligne bien leur facilité et leur L'opinion publique est souvent inconséquente car elle n'est pas en possession de tous les éléments nécessaires àune bonne argumentation de point de vue.

Elle ne fait pas d'enquête sérieuse ni approfondie qui permettrait deconfirmer leur jugement par la raison et non l'émotion.

Elle porte aussi beaucoup ses jugements sur des apparenceset non des faits réels.

Il lui est difficile de prendre en compte les sentiments les plus intimes et personnels.

De plus,les faits sont parfois trompeurs.

Le phénomène de la rumeur amplifie la plupart du temps la réalité et le goût dusensationnel, de l'adrénaline amène les gens à parler sans connaitre le sens profond du sujet qu'ils traitent, commele dit Jean-François REVEL : « la rumeur est le plus vieux médias du monde ».

Cette citation confirme la réflexionuniverselle de Diderot sur les situations dramatiques que les médias peuvent créer de nos jours en détruisant laréputation des gens sans toujours les réhabiliter par la suite.

Le conte de Diderot nous montre que ce comportementhumain ne date pas d'aujourd'hui, et donc que sa réflexion est atemporelle et existentielle donc philosophique.. »

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