Commentaire : Excipit de Si C'est un Homme (Primo Levi)
Publié le 03/04/2012
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Ce texte, issu de l'autobiographie Si C'est Un Homme, a été écrit par Primo Levi en 1947, lorsqu'il est revenu du camp de concentration d'Auschwitz où il avait été déporté 3 ans plus tôt en raison de ses origines juives et de sa participation à un mouvement anti-fascisme. En effet, l'auteur avait été arrêté à Milan à l'âge de 24 ans, tandis qu'il était étudiant en chimie.
Dans ce passage, qui se situe au chapitre 17 ( Histoire de Dix Jours ) et qui constitue ainsi l'excipit du roman, Primo Levi nous relate le dénouement de son séjour au camp et nous expose brièvement ce qu'il est advenu de ses camarades ( qu'il avait connu à l'infirmerie alors qu'il était atteint de scarlatine ) après leur libération. Il s'agira dès lors de se questionner sur les raisons pour lesquelles le narrateur emprunte une certaine distance pour relater ces événements. Pour cela, nous analyserons d'abord la vision apocalyptique de la guerre, puis nous nous pencherons sur la banalisation de la mort dans le camp.
«
Mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il s'agit d'une renaissance.
La mort et la résurrection, le tout et le rien s'affrontent donc ici.
Ces derniers jours, qui
représentent la fin de la route s'ouvrant vers le salut, se basent sur la notion d'apocalypse.
C'est un
hasard total qui décide ici, et les déportés ne peuvent qu'entr'apercevoir les complexes manigances
du monde extérieur qui semble jouer avec leur sort.
Néanmoins, nous retrouvons donc une notable banalisation de la mort dans le camp, tant les
déportés sont désabusés face à ce phénomène.
Tout d'abord, l'exemple de Somogyi, servant à renforcer encore plus le pathétisme de la
situation, possède une forte valeur au vu de son évocation individuelle.
En effet, celui-ci était
gravement malade, et délirait depuis des jours, en proie à la fièvre, comme le souligne l'extrait
suivant « Et la chambre s'emplit à nouveau du monologue de Somogyi » .
Dans l'extrait, nous
assistons à sa fin, ce qui arrache une exclamation de pitié au lecteur.
Par exemple, les qualificatifs
qui lui sont attribués sont bouleversants : « L' pauv' vieux », « l'ignoble tumulte de membres raidis,
la chose Somogyi ».
Ou encore, le fait que Primo Levi nous décrive avec un ton presque habitué sa
mort, alors qu'il tombe de sa couchette et heurte le sol ( Citons également l'énumération des parties
de son corps : « J'avais entendu le choc de ses genoux, de ses hanches, de ses épaules et de sa
tête », impliquant un ordre logique pendant la chute ).
Les paroles d'Arthur enfin, pourraient
paraître étranges dans un autre contexte, tant elles semblent neutres : la phrase « La mort l'a chassé
de son lit » se heurte ici en écho avec la notion de banalisation.
Enfin, les dix hommes restants
gardent également un sens pratique face à la situation, puisque Primo Levi nous explique qu'ils
attendront le lever du jour pour le transporter dehors, et qu'en attendant, il faut se rendormir.
C'est justement cette idée là que nous voulons développer ici.
Car, bien que les déportés se
situent au plus profond du gouffre insondable de la perdition, il est évident de constater qu'ils
tentent encore de retrouver leurs réflexes humains.
Le cas de Somogyi en est un bon exemple, mais
il n'y a pas que cela, même si la formule « Il y a plus urgent à faire » corrobore bien cette idée.
La
suite nous prouve bien à tel point ces hommes veulent bien faire.
L'auteur nous explique donc la
démarche, au travers de ce extrait « On ne peut pas se laver, avant de le toucher (...) Les vivants
sont plus exigeants ; les morts peuvent attendre.
».
Ils se mettent donc au travail, comme tous les
autres jours, se replongeant dans leur routine habituelle.
Ajoutons aussi que, lorsque les Russes
arrivent, Primo Levi regrette de ne pas avoir de calot (contrairement à Charles qui lui, l'ôte face à
eux ) : cela implique un respect toujours ancré au fond de leurs âmes, bien qu'ils soient malades,
crasseux et faibles.
Ils veulent encore nettoyer, prendre soin l'un de l'autre, faire la cuisine (ainsi que
le prouve l'anaphore de « il faut ») dans une dernière tentative pour retrouver leur condition perdue.
Celle de l'homme.
C'est pourquoi nous pouvons affirmer que l'auteur cherche à susciter le pathos l'esprit du
lecteur.
Formules ironiques, extraits pathétiques, nous ne pouvons qu'être touché par la condition de
ces hommes, que la mort n'effraie même plus, tant ils sont habitués à la côtoyer depuis des mois.
Pour conclure, nous pouvons affirmer que Primo Levi nous expose les faits avec une certaine
distance.
Sa volonté de dire les choses telles qu'elles sont, d'expliquer, de raconter, d'instruire et
d'émouvoir est omniprésente dans ce dénouement.
Il cherche simplement à retranscrire celui-ci de
manière simple, sans artifice et sans aucun jeu d'illusion.
Et il y parvient avec une grande justesse.
La dernière page laisse en effet le lecteur sans réaction.
L'auteur a ainsi réussi, tout au long de son
livre, à conserver une certaine retenue dans l'expression de ses sentiments, faisant ainsi de son
témoignage un objet poignant, mais aussi une belle leçon de philosophie..
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