Commentaire d'un extrait du Vice Consul de Marguerite Duras (sur l'île
Publié le 01/04/2015
Extrait du document
«
le livre, ou est-ce une façon de dire qu’il se trouve au milieu de l’écriture de son roman ? Les
interventions des autres hommes ne font que renforcer la confusion car le lecteur ne sait plus
qui croire.
Qui dit la vérité ? De plus certaine paroles semblent émerger de l’esprit de Duras
qui les pose sur le papier sans plus d’explications, comme la phrase « De la plus jeune, la
tienne ».
Cela qui amène le lecteur à se poser des questions de plus en plus confuses : qui a dit
cela ? S’ajoute à cela le domaine du rêve, qui semble avoir une place dans cette histoire : « je
ne sais pas si je rêve », dit Michael Richard.
Ces imprécisions sur les dire des personnages
provoquent des imprécisions sur les pensées des personnages.
Le lecteur se réfugie donc sur la
seule présence féminine de ce passage, Anne-Marie Stretter, qui semble être l’incarnation de
Duras, seulement ce personnage n’intervient absolument pas ! Duras semble s’être elle-même
endormie, comme le personnage, laissant ses personnages dialoguer librement : « elle ne peut
pas répondre ».
Enfin, on sent se mettre entre l’écrivain et le lecteur une sorte de soupçon, un grand
manque de confiance qui laisse au lecteur une distance par rapport au roman.
En effet,
puisque le lecteur ne peut se fier ni à l’histoire ni aux personnages ni à Duras, il prend une
distance par rapport au texte et cherche à faire le rappel de ce dont il est certain.
Et dans cette
catégorie rentre le fait que l’auteur cultive ce soupçon.
On trouve par exemple dans les
paroles de Georges Crawn « nous sommes là pour ça en principe.
Jamais, jamais le moindre
soupçon d’ennui… » Or l’ennui est un grand thème de Duras, cette phrase laisse donc
entendre que les personnages seraient là pour éluder le soupçon présent dans le lecteur par
rapport à l’auteur.
C’est pourtant l’effet inverse qui se produit.
Non seulement les personnages
semblent avoir du mal à s’exprimer, empreints d’incertitude, comme le laisse entendre la
phrase « Il réfléchit, reprend », mais en plus ils paraissent s’entretenir d’un sujet que le lecteur
ne peut comprendre, à savoir la vie de la mendiante et l’écriture d’un roman, et donnent même
l’impression de se gausser de cette incompréhension du lecteur.
Cela creuse donc l’écart du
lecteur avec tous les membres du roman, y compris la mendiante et Duras.
Plus besoin alors de se demander pourquoi le lecteur ne se retrouve pas dans la
composition de cet extrait, truffé de d’imprécisions qui l’empêchent de trouver la moindre
information auquel il est habitué dans les autres romans.
Il ne retrouve pas ce confort stable
présent chez les autres auteurs.
Mais ce n’est pas tout : le caractère fragmentaire de ce texte ne peut qu’entraîner le
lecteur à se questionner, sur le style de Duras mais aussi sur la signification de ces
particularités inhabituelles.
Tout d’abord il faut s’intéresser à la façon dont est racontée la vie de la mendiante.
Cette vie dont on ne sait pratiquement rien, cette mendiante qui semble être le pantin des trois
personnages de l’extrait.
Comment ne pas s’empêcher de penser que l’histoire de la
mendiante est racontée par trois personnes différentes, à trois périodes différentes de sa vie ?
Et c’est la troisième phrase qui nous donne la clé de cette énigme : sa marche, sa vie, serait
« très longue, fragmentée en des centaines d’autres marches ».
La vie de la mendiante est
donc divisée en beaucoup d’épisodes qui appartiennent aux trois personnages de Peter
Morgan, George Crawn et Michael Richard.
Mais ces épisodes sont-ils réellement cohérents ?
Michael Richard dit qu’il la voit « parmi des jeunes filles », qu’il les voit vieilles puis jeunes,
en fonction de l’endroit où elles se trouvent.
Or ce n’est pas l’ordre chronologique qu’il
énonce.
Il évoque une lumière qui les auréolerait durant les moments de leur vie, « obscènes,
le corps découvert, elles mangent des poissons crus que leur donnent les enfants qui
pêchent », « elles vendent leur nouveau-né ».
Il y a clairement un décalage entre cette lumière
et leur situation ingrate.
George Crawn lui ferait « faire des choses à l’envers ».
Certes ces
deux personnages contrôlent le destin de la mendiante, et ils le font à partir de ce que leur ont
donné Anne-Marie Stretter et Peter Morgan, mais le font-ils bien ? Duras, incarnée par Anne-.
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