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Commentaire d'un extrait du Vice Consul de Marguerite Duras (sur l'île

Publié le 01/04/2015

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Bleuenn 1ère S Rivallain 21 Janvier 2015 Commentaire n°4 : Extrait du Vice Consul de Marguerite Duras « L'ennui, ici, c'est un sentiment d'abandon colossal, à la mesure de l'Inde elle-même, ce pays donne le ton. » Ainsi Marguerite Duras, figure féminine de la littérature française du XXème siècle, décrit-elle l'ambiance de son pays natal. Si elle utilise si souvent les régions de l'Orient que ça en devient une de ses marques de fabrique, c'est aussi pour illustrer l'écart avec l'Occident, qu'elle pointe du doigt comme l'Ancien Monde dépassé. Ce sont toutes ces moqueries des habitudes de la société mais aussi de la littérature, après le passage des naturalistes, qui font d'elle une représentante du Nouveau Roman, mouvement dont elle ne s'est jamais réclamée. On sent cela dans la singularité de ses phrases mais aussi de ses thèmes comme dans son roman Le Vice Consul. Une sensation très particulière occupe le lecteur, notamment dans ce passage que nous allons étudier. Comment Duras procède-t-elle pour, en égarant le lecteur à travers la fragmentation du texte, poser sa propre redéfinition du roman ? Pour répondre à cette question nous verrons tout d'abord comment le sens de l'orientation du lecteur se voit troublé, avant de nous intéresser à la fragmentation très présente dans ce passage. Enfin nous nous pencherons sur la redéfinition donnée ici par Duras. Tout lecteur normalement constitué se rend bien compte que quelque chose dans ce passage gène, quelque chose empêche de mettre à plat toutes les idées évoquées. Le lecteur se voit égaré dans les méandres des phrases, le labyrinthe des mots. Comment Duras s'y prend-elle pour rendre un effet si prenant ? Tout d'abord il y a l'histoire de cette mendiante, dont le lecteur ne connait pas le nom, qui commence le roman et en est le fil directeur. On la retrouve dans cet extrait, toujours aussi mystérieuse. Il semble qu'en plus de n'avoir pas de nom connu elle n'a pas non plus d'histoire, car tour à tour, Peter Morgan, Michael Richard et Georges Crawn exposent leur propre vision de sa vie. On trouve également l'adjectif possessif « la tienne », et bien que ne sachant pas de qui provient cette parole, on sait que cela introduit l'appartenance de la mendiante à Peter Morgan. De plus, Michael Richard la voit « parmi des jeunes filles, d'autres jeunes filles », ce qui laisse entendre que pour lui, le personnage de la mendiante n'a aucune importance en elle-même, mais c'est bien ce qu'elle représente, et uniquement cela, qui compte. Cela trouble particulièrement le lecteur qui ne comprend pas pourquoi apporter autant de détails sur un personnage aussi figuratif. En effet son histoire semble gorgée de détails réfléchis, et c'est là qu'opère le talent de Duras, car en vérité on ne sait que très peu de choses. Tout ce dont on est sûr c'est Georges Crawn qui nous l'apprend : « la plus jeune », « celle qui a été chassée par sa mère ». Tout le reste n'est que ce que racontent les trois hommes, et comment être sûr que ce qu'ils disent est vrai ? Le lecteur s'attend donc à trouver des informations sûres dans ce que diront les personnages connus... Mais il ne peut que tomber de haut lorsqu'il se rend compte que même Peter Morgan, pourtant romancier, ne peut éclairer sa lanterne. En effet, quand ce personnage « parle du livre qu'i...
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« le livre, ou est-ce une façon de dire qu’il se trouve au milieu de l’écriture de son roman ? Les interventions des autres hommes ne font que renforcer la confusion car le lecteur ne sait plus qui croire.

Qui dit la vérité ? De plus certaine paroles semblent émerger de l’esprit de Duras qui les pose sur le papier sans plus d’explications, comme la phrase « De la plus jeune, la tienne ».

Cela qui amène le lecteur à se poser des questions de plus en plus confuses : qui a dit cela ? S’ajoute à cela le domaine du rêve, qui semble avoir une place dans cette histoire : « je ne sais pas si je rêve », dit Michael Richard.

Ces imprécisions sur les dire des personnages provoquent des imprécisions sur les pensées des personnages.

Le lecteur se réfugie donc sur la seule présence féminine de ce passage, Anne-Marie Stretter, qui semble être l’incarnation de Duras, seulement ce personnage n’intervient absolument pas ! Duras semble s’être elle-même endormie, comme le personnage, laissant ses personnages dialoguer librement : « elle ne peut pas répondre ». Enfin, on sent se mettre entre l’écrivain et le lecteur une sorte de soupçon, un grand manque de confiance qui laisse au lecteur une distance par rapport au roman.

En effet, puisque le lecteur ne peut se fier ni à l’histoire ni aux personnages ni à Duras, il prend une distance par rapport au texte et cherche à faire le rappel de ce dont il est certain.

Et dans cette catégorie rentre le fait que l’auteur cultive ce soupçon.

On trouve par exemple dans les paroles de Georges Crawn « nous sommes là pour ça en principe.

Jamais, jamais le moindre soupçon d’ennui… » Or l’ennui est un grand thème de Duras, cette phrase laisse donc entendre que les personnages seraient là pour éluder le soupçon présent dans le lecteur par rapport à l’auteur.

C’est pourtant l’effet inverse qui se produit.

Non seulement les personnages semblent avoir du mal à s’exprimer, empreints d’incertitude, comme le laisse entendre la phrase « Il réfléchit, reprend », mais en plus ils paraissent s’entretenir d’un sujet que le lecteur ne peut comprendre, à savoir la vie de la mendiante et l’écriture d’un roman, et donnent même l’impression de se gausser de cette incompréhension du lecteur.

Cela creuse donc l’écart du lecteur avec tous les membres du roman, y compris la mendiante et Duras. Plus besoin alors de se demander pourquoi le lecteur ne se retrouve pas dans la composition de cet extrait, truffé de d’imprécisions qui l’empêchent de trouver la moindre information auquel il est habitué dans les autres romans.

Il ne retrouve pas ce confort stable présent chez les autres auteurs. Mais ce n’est pas tout : le caractère fragmentaire de ce texte ne peut qu’entraîner le lecteur à se questionner, sur le style de Duras mais aussi sur la signification de ces particularités inhabituelles. Tout d’abord il faut s’intéresser à la façon dont est racontée la vie de la mendiante.

Cette vie dont on ne sait pratiquement rien, cette mendiante qui semble être le pantin des trois personnages de l’extrait.

Comment ne pas s’empêcher de penser que l’histoire de la mendiante est racontée par trois personnes différentes, à trois périodes différentes de sa vie ? Et c’est la troisième phrase qui nous donne la clé de cette énigme : sa marche, sa vie, serait « très longue, fragmentée en des centaines d’autres marches ».

La vie de la mendiante est donc divisée en beaucoup d’épisodes qui appartiennent aux trois personnages de Peter Morgan, George Crawn et Michael Richard.

Mais ces épisodes sont-ils réellement cohérents ? Michael Richard dit qu’il la voit « parmi des jeunes filles », qu’il les voit vieilles puis jeunes, en fonction de l’endroit où elles se trouvent.

Or ce n’est pas l’ordre chronologique qu’il énonce.

Il évoque une lumière qui les auréolerait durant les moments de leur vie, « obscènes, le corps découvert, elles mangent des poissons crus que leur donnent les enfants qui pêchent », « elles vendent leur nouveau-né ».

Il y a clairement un décalage entre cette lumière et leur situation ingrate.

George Crawn lui ferait « faire des choses à l’envers ».

Certes ces deux personnages contrôlent le destin de la mendiante, et ils le font à partir de ce que leur ont donné Anne-Marie Stretter et Peter Morgan, mais le font-ils bien ? Duras, incarnée par Anne-. »

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