Commentaire d'un extrait de Germinal (1885) d'Émile Zola
Publié le 19/04/2011
Extrait du document
L’extrait à commenter fait partie de la première partie du roman. Il montre la dureté du travail dans la mine et il présente aussi des termes techniques du langage des mineurs, comme, par exemple, haveur, rivelaine, berline. En effet, Zola, en tant que romancier naturaliste, il s’est beaucoup documenté pour écrire Germinal, un roman qui montre une situation très proche de la réalité. Pour faciliter mon analyse, je diviserai cet extrait en deux partie. La première, qui se termine à la ligne 30, est plutôt descriptive. Elle décrit d’abord la scène dans son ensemble, puis elle montre la situation particulière de Maheu, un des mineurs, et, ensuite, elle retourne à décrire le travail et les lieux dans la mine. La deuxième partie, en revanche, est plutôt narrative. Elle présente aussi beaucoup d’actions et de discours direct. Je me concentrerai surtout sur la première partie, sur laquelle je ferais un commentaire linéaire, parce que, à mon avis, elle est la plus frappante et elle présente beaucoup d’aspects à analyser.
«
espaces très étroits, indique ici la chaleur (« trente-cinq degrés »).
La sensation d'étouffement, déjà annoncéplusieurs fois dans le cotexte précédent, se transforme dans une angoissante réalité (« l'air ne circulait pas,l'étouffement à la longue devenait mortel »), en produisant une espèce de climax de dramaticité.
Le manque d'airest associé à la mort.
Mais l'air n'est pas le seul élément dont l'auteur fait mention : tous les éléments sont présentset ils semblent jouer en la défaveur de Maheu.
Le feu est représenté par la lampe, qui, dans d'autres cas, pourraitêtre un objet positif, puisqu'elle porte la lumière dans l'obscurité de la mine.
Ici, en revanche, elle devient uninstrument infernal (« cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang »).
L'atrocité de lasituation est soulignée par le climax ascendent « chauffait » / « brûler » et, surtout, par l'hyperbole « brûler le sang».
Le troisième élément qui apparaît est l'eau.
Elle se manifeste, premièrement, sous forme d'« humidité ».
Ensuite,elle jaillit de la roche qui se trouve « à quelques centimètres de son visage » ; de nouveau la distance estquantifiée, et cela aide le lecteur à imaginer l'espace très étriqué.
« [À] la même place » est une cataphore pour «sa face ».
Maheu n'est pas le sujet de la phrase : il subit l'action des gouttes d'eau, personnifiées, qui deviennentses adversaires (« elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche »).
Dans la deuxième partie dudécoupage, le narrateur retourne à décrire cette situation avec une hyperbole (« la goutte lui tombait sur le front,si obstinée, qu'il croyait la sentir lui percer d'un trou les os du crâne », ligne 55).
La métaphore « fumant d'unechaude buée de lessive » résume la chaleur et l'humidité ; le feu et l'eau.
Le quatrième élément qui met Maheu endifficulté est la terre.
Ce mot n'est pas mentionné, mais l'élément (sous forme de roche) se présente deux fois : lapremière fois comme « alliée » de l'eau (« la roche [...] ruisselait d'eau ») et la deuxième comme un murindestructible, qui le renferme et qui menace de l'engloutir (« le secouaient violemment entre les deux roches [...]sous la menace d'un aplatissement complet »).
La similitude « ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre» marque encore plus l'énorme différence de grandeur et de force entre la roche et Maheu, qui, quand même,continue à travailler avec résistance et détermination.Le quatrième paragraphe, qui termine la première partie de mon découpage, présente une description du travail dansla mine.
Les mineurs ne parlent pas, comme s'ils abandonnaient leur côté humain pour ne pas ressentir la fatigue etla souffrance (« Pas une parole n'était échangée »).
L'expression « air mort » renvoie à l'absence de bruit humain,mais, surtout, à l'étouffement dont j'ai déjà parlé.
Cependant, si l'idée de la mort, avant, était associée à l'absenced'air (« l'étouffement à la longue devenait mortel »), elle devient ici un attribut de l'air, en produisant un effetétrange et affreux en même temps.
La perception visuelle dans la mine est très mauvaise et incertaine (« lesmèches des lampes [...] n'y mettaient que des points rougeâtres », « on ne distinguait rien », « entrevoir »).L'obscurité, qui se lie à la mort et à l'enfer, est, peut-être, la caractéristique la plus soulignée dans ce paragraphe(« ténèbres », « noir inconnu », « nuit profonde », « tout retombait au noir »).
La taille est comparée avec unesimilitude à une « large cheminée » et la métaphore « nuit profonde » se réfère peut-être au charbon, noir comme lasuie et la nuit.
L'absence d'humanité ne se limite pas au silence.
Les mineurs sont comparés à des « formesspectrales » et puis leurs corps sont vus désarticulés, démantelés (« rondeur de hanche », « bras noueux », « têteviolente »).
Le seul mot qui renvoie à l'humanité des mineurs est « crime », puisqu'un crime ne peut être commis quepar un être humain.
Ce mot rend aussi plus animée la roche, la seule envers qui le mineur commet un crime.
À la finde la première partie du découpage, une certaine animalité remplace l'humanité des personnages (« halètement », «grognement »).
La deuxième partie du découpage est plus dynamique du point de vue de la narration.
Dans la première partie, eneffet, est prévalente la description du travail dans la mine, qui se répète chaque jour égal, et tous les verbesprincipaux sont à l'imparfait.
À la ligne 31 se trouve, en revanche, le premier verbe au passé simple (« lâcha »), quisignale une action ponctuelle.
La présence du narrateur devient plus forte, grâce à quelques interventions, auxexplications qu'il donne aux lecteurs et au changement de perspective, parfois.
L'intervention la plus remarquable dunarrateur se trouve aux lignes 33-34 (« insoucieux du danger et avares de leurs temps »).
Ce jugement est unesorte de présage pour le lecteur de la part du narrateur omniscient, qui connaît déjà la catastrophe qui va arriver.Le narrateur donne aussi beaucoup d'explications générales sur la technique du travail (« les ouvriers de la coupe àterre prenaient les déblais laissés au fond de la galerie par les haveurs, et remblayaient les tranches exploitées de laveine, où ils noyaient les bois, en ne ménageant que la voie inférieure et la voie supérieure, pour le roulage »), sur ladifficulté des chemins dans la mine (« à certaine places, la berline chargée passait tout juste, le herscheur devaits'aplatir, pousser sur les genoux, pour ne pas se feindre la tête »), sur le système de payement (« chaque berlinechargée arrivait au jour telle qu'elle partait de la taille, marquée d'un jeton spécial pour que le receveur pût lamettre au compte du chantier »), etc.
Parfois la perspective narrative devient interne et le narrateur décrit selon lepoint de vue d'un parmi les personnages.
En particulier, il me semble intéressant citer au moins une partie de ladescription de Catherine, vue par les yeux d'Étienne, qui, ensuite, tombera amoureux d'elle (« Le jeune homme, dontles yeux s'habituaient à l'obscurité, la regardait, blanche encore, avec son teint de chlorose ; [...] elle ne lui plaisaitpas, il trouvait trop gamine sa tête blafarde de Pierrot »).
Catherine est la seule femme dont on parle, dans cepassage.
Étienne reste étonné par sa force (« la force de cette enfant, une force nerveuse », anaphore parrépétition en contacte).
Elle est la seule qui semble être indifférent à la fatigue et à la souffrance (« Elle suait,haletait, craquait des jointures, mais sans une plainte, avec l'indifférence de l'habitude, comme si la commune misèreétait pour tous de vivre ainsi ployé »), et la seule qui réussit encore à rire dans les ténèbres de la mine (« - Encore !dit Catherine en riant »).
Tous les autres sont inquiets, nerveux et enragés : « le faisait jurer » (18), « cria » (35),« il s'inquiéta » (44), « il finit par se fâcher » (50), « jurait » (51), « furieusement » (52), « il jurait, il s'emportait, sebattait rageusement » (77).
La hâte et la rage transparent aussi dans le discours direct, à cause des ordresfréquents, des interjections et des imprécations (« -Eh ! l'aristo ! [...] passe-moi des bois », « - Dépêche-toi donc,sacrée flemme »).
L'extrait que j'ai analysé, selon moi, représente très bien la condition des mineurs ; Zola cherche à exprimerfidèlement le réel, sans l'idéaliser.
Cette situation intolérable est à la base de la révolte ouvrière, dont est une.
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