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COMMENTAIRE DÉTAILLÉ: Le « tête-à-tête sur l'eau » - de << L'autre yole >> à << de le voir >> - Une partie de campagne de Maupassant

Publié le 14/09/2018

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maupassant
L'autre yole s'en alla plus doucement. Le rameur regardait tellement sa compagne qu'il ne pensait plus à autre chose, et une émotion l'avait saisi qui paralysait sa vigueur. La jeune fille, assise dans le fauteuil du barreur, se laissait aller à la douceur d'être sur l'eau. Elle se sentait prise d'un renoncement de pensées, d'une quiétude de ses membres, d'un abandonnement d'elle-même, comme envahie par une ivresse multiple. Elle était devenue fort rouge avec une respiration courte. Les étourdissements du vin, développés par la chaleur torrentielle qui ruisselait autour d'elle, faisaient saluer sur son passage tous les arbres de la berge. Un besoin vague de jouissance, une fermentation du sang parcouraient sa chair excitée par les ardeurs de ce jour ; et elle était aussi troublée dans ce tête-à-tête sur l'eau, au milieu de ce pays dépeuplé par l'incendie du ciel, avec ce jeune homme qui la trouvait belle, dont l'œil lui baisait la peau, et dont le désir était pénétrant comme le soleil. Leur impuissance à parler augmentait leur émotion, et ils regardaient les environs. Alors, faisant un effort, il lui demanda son nom. " Henriette, dit-elle. - Tiens ! moi je m'appelle Henri ", reprit-il. Le son de leur voix les avait calmés ; ils s'intéressèrent à la rive. L'autre yole s'était arrêtée et paraissait les attendre. Celui qui la montait cria : " Nous vous rejoindrons dans le bois ; nous allons jusqu'à Robinson, parce que Madame a soif. " Puis il se coucha sur les avirons et s'éloigna si rapidement qu'on cessa bientôt de le voir.

Narration: la sympathie du narrateur

 

Après le récit alerte de l’embarquement des deux femmes, un nouveau changement de rythme intervient, étroitement lié à un changement de lieu et à un changement de ton : la rivière semble maintenant imposer son tempo lent mais inexorable. Le narrateur renonce au ton mordant de la satire pour décrire cet espace magique dont tous les éléments concourent à accroître le trouble de la jeune fille. S’étant débarrassés des bouffons, il établit une relation de sympathie avec ses personnages dont il cherche à restituer les émotions, émotions authentiques puisque, pour l’essentiel, elles sont le produit de forces naturelles : le désir masculin, la sensualité troublante du paysage.

Psychologie : l’ivresse des sens

 

Dans son étude sur La Poéti^que de Maupassant, Marianne Bury a mis en évidence << un leitmotiv parcourant l’œuvre entière, celui du bien-être procuré par la caresse de la nature » et montré que les termes employés par l’écrivain relèvent de « trois grandes catégories, celle de la sensualité et des sensations amoureuses, celle du bien-être, celle du bonheur» (op. cit., p. 76).

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« Nar ration: la sympathie du narrateur Après le récit alerte de l'emb arquement des deux femmes, un nouveau changement de rythme intervient, étroitement lié à un changement de lieu et à un changement de ton : la rivière semble maintenant imposer son tempo lent mais inexo rable.

Le nar­ rateur renonce au ton mordant de la satire pour décrire cet espace magique dont tous les éléments concourent à accroître le trouble de la jeune fille.

S'étant débarra ssés des bouff ons, il établit une relation de sympathie avec ses personnages dont il cherche à restit uer les émotions, émotions authentiques puisque, pour l'essentiel, elles sont le produit de forces naturelles : le désir masculin, la sensualité troublante du paysa ge.

Les personnages acquièrent une épaisseur dont ils étaient dépourvus jusqu'ici.

Doté d'un prénom, Henri se distingue de son compagnon (qui restera anonyme).

Son attitude ne relève pas du jeu mais d'un désir qui plonge au plus profond de l'homme et qui avait été par avan ce légitimé dans 5A par l'évo­ cation du « soulèvement des sens » provoqué par la beauté de la jeune fille.

Le personnage tend à devenir un double du nar­ rateu r, une incarnation de l'homme en général.

Il en va de même pour Henriette, qui se trouve comme dépouillée de ses attri­ buts sociaux (elle n'est d'ai lleurs plus désignée par son patro­ nyme) et dont les sensations sont celles que toute jeune fille pleine de santé éprouverait dans les circonstances où elle est placée.

Les deux personnages sont traités sur le même pied,. »

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