Commentaire des vers 505 à 542 des Tragiques d'Agrippa d'Aubigné
Publié le 28/03/2012
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Les Tragiques est un vaste poème épique de sept livres écrit par Agrippa d'Aubigné et publié en 1616.
L'œuvre se présente comme une épopée de la cause protestante où le poète huguenot emploie tout sa verve à dénoncer l'horreur des guerres de religions qui ravagent alors le royaume et détruisent le peuple.
Le livre qui débute les Tragiques intitulé Misères, dans lequel Agrippa d'Aubigné définit véritablement son projet poétique plus qu'engagé, nous dresse le déplorable spectacle de la France en proie aux misères engendrées par les affrontements religieux et sanglants auquel se livre le peuple français. Il a pour vocation de dresser le "tableau piteux du Royaume en général". En singulier émule de Ronsard qui écrivit un Discours des misères de ce temps adressé à Catherine de Médicis, Aubigné s'adresse au roi Henri 4 et organise son texte comme un réquisitoire où il décrit une France déchirée par d'atroces massacres religieux perpétrés et où les ténèbres règnent.
Des vers 505 à 542, Aubigné nous livre la description d'une scène effroyable où une mère affamée en vient à dévorer son propre enfant.
On peut se demander de quelle manière Aubigné parvient à élaborer de manière croissante un tableau allant crescendo vers l'horreur?
«
emploie le terme de farouche" comme pour insister sur le fait que la mère va s'avérer bien temeraire,qu'elle osera
même quelque chose dont nous ne prenons pas connaissance maintenant .
Sorte de suspense pour le lecteur de
connaitre la raison pour laquelle Aubigné la nomme ainsi.
-Vers 506-507 isotopie en lien avec la pitié: "pitoyable" et "pitié"=vise à apitoyer le lecteur par utilisation du
registre pathétique.Prend à partie le lecteur pour l'émouvoir.
Les "entrailles d'amour", antithèses "filets de son
flanc", et "intestins brulants" (v508) allotopie et poly-isotopie liées au corps humain dans son aspect physique
avec l'évocations d'un vocabulaire renvoyant aux organes avec les utilisations des termes "entrailles""filets
[…]flanc" et "intestins" et même "sang" mais également celle en rapport avec l'affectif et les sentiments humains
,en somme le c œur dans son aspect sentimental et passionné,au moyen des termes tels qu' "amour" ou
"brûlant"D'autre part,il est important de souligner l'intertextualité relevant de l'hebraisme en employant le génitif
qualificatif imité de Luc
Vers 508:allitération sur le plan phonique de la consonne [s] dans les mots "intestins" tressaults" et " sang" visant
de la sorte à un redoublement sonore en sifflante,semblable à un vent effroyable et inquiétant soufflant sur la
mére et son enfant.
Paronomase de "sang" et "sens "en deuxième hémistiche du vers 508 et en début absolu du
vers 509 "sens" ,figurede rhétorique fréquente dans l' œuvre de Agrippa d'Aubigné.
C'est comme si ce
rapprochement des deux termes "sens" et "sang" annonçaient que la perte de raison, du bon sens, du sens de la
mère était inévitablement relié à une conséquence meurtrière et funestement sanglante.
Tragédie à dénouement
étendu.
Tandis que le récit débute, le dénouement est cependant déjà en place.
Non seulement la mère perd son"
sens", mais elle perd également son" humanité" (v509).
On a l'impression d'assister au lent dépérissement de la
génitrice, qui essaye tant bien que mal de faire preuve d'un tant soit peu de lucidité mais qui n'y parvient pas :"le
cœur ému qui tremble" et "tout cela se détord et se démêle ensemble" v510.Impression que la mère lutte tant bien
que mal contre le sombre et inquiétant état qui la menace progressivement.
Les verbes "détord" et "démêle" et
l'adverbe "ensemble" corroborent le fait que la part humaine et quelque peu sensée qu'il reste à la mère n'a pas
encore été totalement envenimée du poison de la faim qui la tiraille.
Celle-ci semble se battre tant qu'elle le peut.
Emploi du registre pathétique avec une focalisation qui cette fois ci se tourne vers l'enfant qui semble insouciant et
loin de s'imaginer toute menace possible de la part de sa maman.
Les enjambements du vers 511 et 512 mettent
en valeur cette évocation de l' enfant qui affamée espère se procurer du sein nourricier, des "peaux de la mamelle"
de sa génitrice de quoi se revigorer un peu, mais "en vain "Les jeux enfantins et touchants de la mère et son enfant
par le biais de la synecdoque "cette bouche affamée " et la périphrase dénotant la tendresse" Triste ,sourit aux
tours de la bien aimée" inspirent pitié envers ce duo que le manque de nourriture rend si malheureux et piteux.
V515Chiasmes.
Utilisation de l'imparfait à valeur de fait itérative comme pour suggérer par cette rupture verbale et
temporelle un élément qui fait désormais partie intégrante du passé.
Usage du déictique "autrefois" en fin absolue
de vers, suivit au vers suivant (516) par un second "maintenant".
Ces deux éléments s'opposent de par leur
signification opposées dans le texte mais les termes "vie" et "mort" également.
Ces antithèses mettent en lumière
le fait que cette mère privée de nourriture est dénaturée.
Symbole de vie, elle est assimilée à un symbole de mort.
La vie d'Aubigné ayant débuté par une mise à mort de la mère lors de son accouchement, il décide dans son
passage de faire de la figure maternelle le symbole de mise à mort de sa progéniture.
Aux vers 517 et 518, le narrateur présente la situation de la mère qui est assaillie de tous maux ; d'un côté la mort
qui l'attend au tournant "effroyable" et de l'autre la faim " impitoyable" que la redondance de la syllabe en –ou ne
fait que mettre en valeur et appuyer cette idée..
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