Commentaire De Texte - Paul Claudel - Partage De Midi - Le Cantique De Mesa
Publié le 20/12/2012
Extrait du document
La Terre symbolise alors Gaïa, mère de tous les hommes. La Terre aurait donc un rôle matriciel, mais
détrônerait également la pensée chrétienne du Dieu créateur des hommes. Nous pouvons alors avoir une
autre lecture du Cantique de Mesa, celle d’un retour à un statut embryonnaire. En effet, la Terre étant
comparée à une mère, Mesa, allongé, retourne peut-être au stade d’embryon dans le ventre de sa mère.
Ce qui pourrait alors faire écho à son expression du vers 320 « au plus profond de l’univers «. Mais, cela
peut également faire écho à la prière « Je vous salue Marie « :
« Je vous salue, Marie pleine de grâces ; le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les
femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est béni «
En ce sens, la Terre est considérée comme étant Marie et « le fruit de ses entrailles « peut faire
référence à Mesa. La Terre est donc une allégorie de la sainte mère qui protègerait son fils Mesa, fruit
pécheur. Par la suite, Mesa compare les étoiles à de « blanches brebis «, ce qui rappelle l’adjectif des
étoiles « brillantes «. Il éclaire alors la pureté des astres afin d’en extraire une spiritualité divine. Mais le «
et vous « peut aussi être compris comme une prise à partie du public qui regarde la pièce de théâtre.
Alors, c’est ici que le theatrum mundi apparaît, puisque ce sont les hommes qui font l’action. Cesderniers
sont alors comparés à de « blanches brebis «, comme les fidèles de Dieu. Mesa lui, est comme une
brebis égarée (personne sortie du droit chemin, en particulier sur le plan religieux) seul sur cette scène
de désarroi intérieur. Il admire ses « blanches brebis « qui le considèrent comme une brebis galeuse.
• « Vous tournez la tête vers elle qui est comme le Pasteur et comme le Messie des mondes ! « (vers
327).
«
toute notre attention est « Intelligent ».
En effet, en employant la majuscule, Claudel insiste ce mot.
Mesa
qui est un homme parmi les hommes se désigne comme étant Intelligent, comme tous les êtres humains
en somme.
D’une manière globale, l’homme en général se veut Intelligent.
Et pourtant, cela est
relativement paradoxal.
Certes, Mesa est un homme et les hommes sont doués de raison.
Cependant, si
l’homme est si intelligent, pourquoi n’est-il pas raisonnable ? Et pourquoi privilégie -t-il ses passions et
reste dans l’erreur ? (comme le fait Mesa).
Ici, la question philosophique concernant l’intelligence de
l’homme est suggérée, mais également le duel entre l’homme Mesa et l’Intelligence spirituelle (Dieu)
commence.
Emmanuel Kant a dit : « On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il
est capable de supporter ».
Ici, Mesa puise en lui des réponses et cherche un spiritualisme.
C’est à partir
d’ici que Mesa devient Intelligent et va apprendre à accepter sa mort ...
• « Me voici couché sur la Terre, prêt à mourir, comme sur un catafalque solennel » (vers 219)
A travers la structure de ce vers, nous retrouvons un Mesa qui voit tout en grand.
Il est dans une illusion
relativement tragique et se pose en tant que victime
des actes des autres.
D’après le premier scindement du vers, nous pouvons voir que Claudel emploie,
encore une fois, la majuscule concernant le nom « Terre ».
Cela change le sens du propos de Mesa de
manière considérable.
Mesa est donc allongé sur la Terre, en tant que planète et non la terre comme
couche superficielle de la croûte terrestre.
Nous entrons donc ici dans une certaine cosmogonie du
système solaire.
Il n’est donc pas seulement allongé sur le sol dans un lieu précis, mais également sur la
Terre comme tout Homme.
Nous avons l’impression qu’il est le seul à habiter cette Terre et que le monde
s’est arrêté de tourner en aillant aucun repère temporel.
Le terme « me voici » insiste sur le fait que c’est
quelque chose de nouveau et relativement étonnant, alors que paradoxalement cela est tout à fait banal.
Nous entrons donc dans une situation mystique au côté de Mesa.
Ce vers est scindé en trois éléments.
Le deuxième élément, se trouvant au milieu (certainement pour marquer son importance), nous montre
que Mesa se sent prêt à se confronter à la mort : « prêt à mourir ».
Il nous annonce donc ici sa mort
prochaine mais aussi sa confession envers Dieu.
Le terme « prêt » peut signifier une forme de
repentance avant la mort, une sorte d’excuse faite à Dieu face au péché commis.
Mesa est au sein de la
Terre, et se pose comme un saint, martyre
de cette-dernière qui lui a donné la vie mais également la mort.
On naît sur la Terre et on y meurt, ainsi
les questions existentielles, qu’il mentionne indirectement ici (à savoir le rapport entre la vie et la mort, et
l’existence humaine), sont tout de même suggérées.
La Terre est comparée, avec la conjonction «
comme », à un catafalque qui est une estrade sur laquelle on place un cercueil lors d’une cérémonie
funèbre.
La Terre, créatrice de l’homme, est donc celle qui supporte le corps de Mesa, donc qui supporte
la mort.
Elle est la limite infime entre la vie et mort, car la mort fait partie de la vie.
Par la suite, le terme «
solennel » (célébré publiquement avec apparat ; empreint de gravité) qu’emploie Claudel est ambivalent.
En effet, il peut à la fois désigner le public qui est présent dans la salle, car cela veut dire que c’est
célébré publiquement.
Mais pas seulement, cela peut également faire référence aux étoiles et à la lune
qui le contemple (comme il le mentionne avant notre extrait : « Nuit complète, on voit par les ouvertures
toutes les étoiles du ciel qui brillent.
La lune traverse toute la chambre d’un grand rayon » au bas de la
page 141.).
La situation se veut aussi majestueuse et grave.
La tension est donc ici à son comble, mais à
la fois atténué par la magnificence de cette mort solitaire d’un Mesa agonisant tout en s’élevant
dans le céleste « au plus profond de l’univers… »
« Au plus profond de l’univers et dans le milieu même de cette bulle d’étoiles et de l’essaim et du culte »
(vers 220).
Le vers continu de plus belle et nous sommes confiés à un voyage au côté de Mesa.
Ce voyage, c’est la
mort et nous avons l’impression que Mesa tombe petit à petit et de plus en plus dans le néant « au plus
profond de l’univers ».
Claudel qui a centré tout au long de son œuvre ses protagonistes, va ici décentrer
Mesa (personnage central de la pièce) et en ce sens la Terre.
Mesa se trouvant sur la Terre, un monde.
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