Commentaire de texte: L’Ecole des femmes, Molière Acte I scène 1 (v 82-122) - Molière
Publié le 15/02/2012
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Nous allons étudier un extrait de L’Ecole des femmes, première grande comédie de Molière, écrite en 1662. Le passage concerné fait partie de la première scène de la pièce dans laquelle le barbon Arnolphe, obsédé par sa peur du cocuage, explique à son ami Chrysalde son intention d’épouser la jeune et naïve Agnès, sa pupille, qu’il a fait élever dans un couvent. Les deux hommes en viennent à débattre plus largement de l’éducation des femmes et de leur conception de l’épouse idéale… En quoi ce passage constitue-t-il bien une scène d’exposition ? Après avoir étudié dans une première partie les arguments des deux amis dans le débat, nous nous intéresserons plus particulièrement au personnage d’Arnolphe.
«
104-105).
Il fait d’ailleurs un véritable éloge de la stupidité en définissant sa femme rêvée uniquement par
des tournures négatives : « en clartés peu sublime » (vers 95), « ne sache pas » (vers 96).
Il fait l’apologie
de l’ignorance en caricaturant à l’extrême la femme si id iote qu’elle ne comprend pas les règles du jeu du
corbillon : « Et qu’on vienne à lui dire à son tour : « Qu’y met -on ? » / Je veux qu’elle réponde : « Une
tarte à la crème » » (vers 97- 98).
Enfin, la fonction de la femme se réduit pour lui à quatre verbes
définissant sa condition d’esclave domestique : « De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer » (vers
102).
Cette conception d’une femme soumise à l’homme nous révèle toute la misogynie d’Arnolphe ainsi
que l’incohérence de ses arguments.
Après avoir examiné les arguments de chacun et l’absurdité des propos d’Arnolphe, intéressons -
nous de plus près à ce que la scène nous apprend sur sa personnalité.
***
En effet , cette scène d’exposition nous délivre bon nombre de renseignements sur le personnage
central de la pièce : Arnolphe.
Celui -ci est en premier lieu un personnage autoritaire et tyrannique.
Son
discours laisse entendre qu’il veut être au centre des regards et qu’il refuse que, dans le mariage, sa
femme lui vole le premier rôle.
Il est prétentieux et ne veut pas qu’on admire sa femme plus que lui :
« sous le nom du mari de Madame » (vers 91).
Plus encore il souhaite être adulé comme un dieu, ce qui
est le comble du narcissisme : « Je serais comme un saint que pa s un ne réclame » (vers 92).
C’est un
homme au fort tempérament qui ne supporte pas la contradiction comme nous le montre sa fermeté avec
Chrysalde lorsqu’il lui coupe la parole : Arnolphe veut être écouté mais ne veut pas écouter en retour.
Cette soif de domination se manifeste aussi dans sa manière de parler des femmes : celles-ci sont de
vulgaires objets qu’il peut modeler et manipuler selon son bon vouloir : « De savoir prier Dieu, m’aimer,
coudre et filer » (vers 102).
Dans ce vers, il est d’ailleurs r emarquable que, dans l’énumération, Arnolphe
se mette au même niveau que Dieu… Enfin, Arnolphe est un vaniteux, imbu de sa personne , qui ne tolère
pas l’avis des autres comme le souligne sa dernière réplique : « Que vous ne m’aurez rien persuadé du
tout » (vers 102).
Ce personnage est donc complètement centré sur lui -même et se révèle très
condescendant à l’égard des autres, même de ses amis comme Chrysalde.
Mais surtout Arnolphe est un personnage ridicule que Molière prend plaisir à caricaturer : c’est le
principe du comique de caractère qui consiste à grossir à l’extrême un défaut moral.
Comme tous les
personnages de Molière, Arnolphe est un monomaniaque, c’est -à -dire un personnage avec une idée fixe,
une obsession.
Chrysalde n’hésite pas d’ailleurs à souligner le ridicule de sa peur du cocuage en parlant
de « marotte » au vers 103.
Cette peur de la tromperie est également évoquée par Arnolphe lui -même au
vers 82 lorsqu’il emploie l’adjectif « sot » pour évoquer les cornes du mari cocu.
En outre, Molière j oue
sur le comique de mots pour mettre en valeur les travers du personnage.
Nous avons déjà évoqué le jeu de
mots sur la polysémie de « sotte » et « sot » au vers 82, nous pouvons aussi commenter l’aspect paradoxal
de ses affirmations aux vers 104 et 105 : « Tant, que j’aimerais mieux une laide bien sotte / Q’une femme
fort belle avec beaucoup d’esprit ».
Ici, on ne peut que se moquer de ce jugement qui va à l’encontre de
l’opinion commune : préférer la bêtise et la laideur à l’intelligence et la beauté réu nies ! Cet extrait nous
révèle donc bien un personnage médiocre dont on va rire tout au long de la pièce.
***
Ainsi nous avons vu que cette première scène de L’Ecole des femmes est une scène
d’argumentation qui voit s’affronter deux conceptions opposées de l’éducation féminine.
Même s’il prend
le dessus sur Chrysalde dans l’échange, Arnolphe n’en est pas pour autant un personnage positif et
valorisé.
Bien au contraire, il apparaît dans tout son orgueil et sa misogynie.
Molière en fait un
personnage risible sur lequel va reposer tout le sens critique de la pièce.
Il s’agit donc bien d’une scène
d’exposition puisque les enjeux de l’action à venir sont clairement présentés et parce que nous avons un
portrait précis du personnage central, Arnolphe.
Cette scène d’exposition anticipe par ailleurs sur la suite
de la pièce puisque la trop grande confiance en lui d’Arnolphe augure son échec : son plan parfait ne va
pas se réaliser..
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