Commentaire de Midi de Leconte de Lisle
Publié le 30/12/2012
Extrait du document
«
viennent rompre cette monotonie : la forêt tout d’abord mais « lointaine » et endormie « dort
là-bas » : point de fraîcheur à attendre de ce côté-là.
Puis, les grands blés qui occupent deux strophes à eux seuls et qui suggèrent le plein été :
« Les grands blés mûris » ; « tels une mer dorée » ; et des « épis lourds ».
Enfin, le règne animal est uniquement représenté par les bœufs.
Ceux-ci sont déjà annoncés
dès le vers 6 avec « la source tarie où buvaient les troupeaux ».
Leur présence renforce la
chaleur pesante : ils sont présentés de façon très réaliste par le poète : « couchés » et ils
« bavent » et n’ont d’autre occupation que celle de ruminer et de rêvasser au vers 20 « le
songe intérieur… ».
Cette nature n’est cependant pas aussi picturale qu’il y paraît.
Sous la plume du poète elle
prend vie et les nombreuses personnifications qui parcourent tout le poème sont là pour
l’attester.
Ainsi, différents procédés permettent de donner vie à cette nature et à renforcer ainsi son
pouvoir : l’utilisation de la majuscule au vers 1 « Midi, Roi des étés », vers 4 « la Terre », vers
12 « la coupe du Soleil ; la périphrase « Roi des étés » ; la métaphore « robe de feu », les
verbes d’action : « Midi… tombe en nappes » vers 1-2« l’air flamboie et brûle » vers 3, « La
lointaine forêt… dor t là-bas » vers 7-8, « Une ondulation… s’éveille » vers15-16.
Tous les verbes ont pour sujet la nature et celle-ci est caractérisée par une série d’attributs
dans les deux premières strophes, formés avec le verbe être : « est assoupie vers 4, « est
immense » vers 5, « est tarie » vers 6.
Mais cette tendance à donner une autre image de la nature est encore poussée plus loin par
une volonté de sacralisation .
Tout d’abord, celle-ci se distingue par un sang royal : « Roi des étés ».
Puis on nous dit qu’il
tombe « des hauteurs du ciel bleu ».
Ces hauteurs renforcent l’aspect supérieur, presque divin.
Le terme « majestueux » au vers 15 ajoute encore à la royauté de la nature.
Comme nous l’avons dit, c’est principalement le feu qui domine « Tout se tait » sous son
autorité.
Les blés sont « les pacifiques enfants de la Terre sacrée ».
Ils boivent à la « coupe du
soleil ».
Nectar divin, Saint Graal, qu’eux seuls peuvent supporter = chaleur qui leur permet
de mûrir.
Enfin, On pourrait voir également dans le choix délibéré ? de la couleur des bœufs, le blanc,
la référence aux vaches sacrées de l’Inde, pays du soleil.
Si ce poème pictural évoque une nature très présente et vivante dans ses personnifications
récurrentes, elle peut se montrer aussi impitoyable avec ceux qui sont sous son entière
domination, et ceux qui en sont exclus.
Si la nature est amplement décrite dans ce qu’elle a de champêtre, le discours du
poète est pessimiste et s’appuie sur une nature où l’homme n’a pas sa place, l’avertissement
se double d’une vision où le soleil, dévastateur et tout puissant, à défaut de semer la mort,
engourdit et endort, anesthésie et remplit le monde de vide.
L’homme n’est présent qu’implicitement dans les trois quarts de ce poème.
En effet, cette
nature n’apparaît pas comme livrée à elle-même.
Tout est ordonné de la main de l’homme :
les champs sont cultivés, les troupeaux sont en pâture et paissent paisiblement.
Cependant, seuls les aspects divins et naturels ont droit de cité.
L’homme, à la fois supérieur
(à la nature) et inférieur (au divin) marque ici ses limites.
Aucun objet, maison, cabane, outil,
sillon, ne vient rappeler sa présence et la nature « immense » vers 5, et les blés « se
déroul[ant] au loin » vers 10 symbolisent un lieu sans limite dans lequel l’homme n’a rien à
faire à cette heure précise de midi, sous ce soleil accablant.
.
La nature ici ne se soucie pas de protéger l’homme contre l’accablement de la chaleur ;
l’homme vaincu reste chez lui..
»
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