Commentaire de A UNE PASSANTE
Publié le 30/10/2015
Extrait du document
«
2.
Le deuxième quatrain.
La réaction du poète face à cette apparition est fortement émotionnelle.
Il y a une
anacoluthe (rupture de construction syntaxique) du vers 6 au vers 8.
Cette femme est « ingouvernable par la raison » → extravaguée, ce qui est le sens
propre de l'adjectif extravagant.
Le vers est heurté, le trouble du poète est sensible.
Le pronom « moi » isolé au début du vers 6 est renforcé par le pronom personnel
« je » , ce qui est considéré comme un pléonasme.
Le complément d'objet direct
n'apparaît qu'au vers 8 : « La douceur qui fascine et le plaisir qui tue » .
Le verbe
boire est à prendre au sens métaphorique, comme l'expression : « boire les paroles
de quelqu'un ».
Dans le dernier vers de la strophe, on entend une belle allitération en [ s ]
brusquement interrompue par deux monosyllabes qui sont des consonnes
occlusives /k/ et /t/ s'entrechoquant.
On remarque que cette femme fatale dont
nous parle l'auteur est annoncée depuis le deuxième vers par les rimes « tueuse »
et « tue » .
3.
Les tercets.
« Un éclair, puis la nuit » : l'éclair, c'est l'illumination de l'être par la vision de la
beauté.
On pense évidemment au coup de foudre et à sa valeur métaphorique.
La
nuit équivaut à la solitude et à la détresse : désormais, la rencontre appartient au
passé, et cette femme ne sera plus l'objet que d'une contemplation mystique.
« Fugitive beauté / Dont le regard m'a fait soudainement renaître » : dire que le
regard de la passante a fait « renaître » le poète n'est pas seulement une
galanterie précieuse du XIXème siècle.
Pour Baudelaire, la femme idéale permet une renaissance, cette fois-ci, spirituelle :
l'amour, l'art et la femme étant les trois moyens de sauver le monde.
– La beauté artistique ou l'idéal artistique doit mener l'Homme à la beauté,
– l'amour est le plus noble des sentiments, et c'est lui qui doit guider le monde.
– Enfin, la Femme réunit en elle les deux premiers moyens.
C'est une création
artistique qui suscite l'amour.
« Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? » : on sait que Baudelaire s'était déclaré
catholique.
Pourtant, on a du mal à imaginer de façon aussi puérile un « après ».
La forme interro-négative de la phrase suggère néanmoins un espoir.
Cet espoir est immédiatement contredit par le vers 12 qui voit s'affaiblir puis
s'éteindre l'espérance mystique.
Les termes qui le composent sont tous négatifs,
seulement corrigés par le « peut-être » qui est loin d'être une certitude (99% de
chances de non).
L'esprit sombre dans le doute.
Et la triple exclamation « ailleurs »,
« bien loin d'ici », « jamais » (volontairement mis en italique) scande la dégradation
de l'espoir.
Dans le vers 13, on est frappé par la construction en chiasme (croisement de deux
termes formant un parallèle).
« J'ignore » rejoint « tu ne sais » et « tu fuis » rejoint
« où je vais » : c'est un double chiasme.
On voit une parfaite harmonie entre le fond
et la forme puisque admirablement, le chiasme suggère deux destins unis dans la
fatalité et l'éloignement.
Le vers 14 est un sommet du lyrisme.
C'est un appel voué à ne pas être entendu.
On trouve un paradoxe dans l'emploi du conditionnel passé : « j'eusse aimé » qui
rejette tout accomplissement dans l'irréel.
Mais le verbe exprime une certitude :.
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