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Commentaire Composé : Voltaire, Le Mondain.

Publié le 17/01/2022

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T E X T E    Regrettera qui veut le bon vieux temps,  Et l’âge d’où, et le règne d’Astrée,  Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,  Et le jardin de nos premiers parents ;  5 Moi je rends grâce à la nature sage  Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge  Tant décrié par nos tristes frondeurs :  Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.  J’aime le luxe, et même la mollesse,  10 Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,  La propreté, le goût, les ornements :  Tout honnête homme a de tels sentiments.  Il est bien doux pour mon cœur très immonde  De voir ici l’abondance à la ronde,  15 Mère des arts et des heureux travaux,  Nous apporter, de sa source féconde,  Et des besoins et des plaisirs nouveaux.  L’or de la terre et les trésors de l’onde,  Leurs habitants et les peuples de l’air,  20 Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.  Ô le bon temps que ce siècle de fer !  Le superflu, chose très nécessaire,  A réuni l’un et l’autre hémisphère.  Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux  25 Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux,  S’en vont chercher, par un heureux échange,  De nouveaux biens, nés aux sources du Gange,  Tandis qu’au loin, vainqueurs des musulmans,  Nos vins de France enivrent les sultans ?  30 Quand la nature était dans son enfance,  Nos bons aïeux vivaient dans l’ignorance,  Ne connaissant ni le tien, ni le mien.  Qu’auraient-ils pu connaître ? ils n’avaient rien.  Ils étaient nus : et c’est chose très claire  35 Que qui n’a rien n’a nul partage à faire.  Sobres étaient. Ah ! je le crois encor :  Martialo n’est point du siècle d’or.  D’un bon vin frais ou la mousse ou la sève  Ne gratta point le triste gosier d’Eve ;  40 La soie et l’or ne brillaient point chez eux.  Admirez-vous pour cela nos aïeux ?  Il leur manquait l’industrie et l’aisance :  Est-ce vertu ? c’était pure ignorance.  Quel idiot, s’il avait eu pour lors  45 Quelque bon lit, aurait couché dehors ? […]  Or maintenant, monsieur du Télémaque,  Vantez-nous bien votre petite Ithaque,  Votre Salente, et vos murs malheureux,  Où vos Crétois, tristement vertueux,  50 Pauvres d’effet, et riches d’abstinence,  Manquent de tout pour avoir l’abondance :  J’admire fort votre style flatteur,  Et votre prose, encor qu’un peu traînante ;  Mais, mon ami, je consens de grand cœur  55 D’être fessé dans vos murs de Salente,  Si je vais là pour chercher mon bonheur.  Et vous, jardin de ce premier bonhomme,  Jardin fameux par le diable et la pomme,  C’est bien en vain que, par l’orgueil séduits  60 Huet, Calmet, dans leur savante audace,  Du paradis ont recherché la place :  Le paradis terrestre est où je suis.    Voltaire, Le Mondain, 1736.

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« Mais, mon ami, je consens de grand cœur55 D'être fessé dans vos murs de Salente,Si je vais là pour chercher mon bonheur.Et vous, jardin de ce premier bonhomme,Jardin fameux par le diable et la pomme,C'est bien en vain que, par l'orgueil séduits60 Huet, Calmet, dans leur savante audace,Du paradis ont recherché la place :Le paradis terrestre est où je suis. Voltaire, Le Mondain, 1736. ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Le Mondain est un poème de Voltaire, écrit en 1736.

L'auteur choisit d'y faire l'éloge du progrès économique, thème cher auxphilosophes des Lumières.

Ce poème est une antithèse des croyances et des valeurs religieuses qui définissent le bonheur commebasé sur le sacrifice et l'austérité.

Voltaire fait le portrait de son époque, l'âge de fer, et la représente comme l'âge des plaisirs etdu luxe.

Son discours se fait avec humour, fantaisie, parfois même provocation.

Les images de l'âge d'or sont médites etdévalorisées car il célèbre son temps en s'attachant à ce qui fait son abondance.

Le Mondain s'en trouve être un hymne à la vie etaux plaisirs. I- Triomphe de l'âge de fer ou éloge du progrès a- La critique de l'âge d'or Il est clair que Voltaire réfute cet âge : dès le vers 1, la formule initiale Regrettera qui veut ne laisse pas de doute.

Pourtant, ilcommence par une évocation apparemment élogieuse de l'âge d'or :- intervention de références grecques, romaines etchrétiennes- utilisation du champ lexical des origines (vers 2, 3, 4 et 39)- les arguments de Voltaire sont ceux de l'innocence et lasobriété.Des vers 1 à 4, il emploie des expressions positives de cet âge, mises en évidence par l'anaphore de et.

Le récit sembleeuphorique et le rythme est vif, dynamique.

Il énumère les symboles de cet âge.

Rapidement, dès le cers 5, il accorde nettementsa préférence à cet âge (vers 6), mise en relief par l'apposition entre qui veut (vers 1) et la figure d'insistance du vers 5, Moi je. Les caractéristiques de l'âge d'or ne sont données qu'entre les vers 30 et 43, sur un ton d'ironie et de raillerie.

Voltaire évoquealors l'ignorance (vers 31) qu'il associe à la naïveté de nos bons aïeux (vers 31), expression protectrice certes, mais légèrementironique.

Il renvoie aussi à un dénuement et une austérité (vers 33 à 35), mais il indique clairement l'absence de volonté et desacrifice dans ces carences.

L'insistance sur les négations souligne les manques naturels : bon vin frais, mousse, sève (vers 38), Lasoie, l'or (vers 40) ne donne aucun mérite à cette abstinence.

Voltaire raille cette « vertu » puisqu'elle était la conséquence d'uneabsence de choix : les aïeux ne pouvaient faire autrement (vers 43).

Ainsi, l'admiration de l'âge d'or n'est pas justifiée, révélée parla question du vers 42 : Admirez-vous pour cela nos aïeux ? Voltaire s'attaque au mythe de l'âge d'or avec ironie et dérision,ternissant l'image idyllique de ces aïeux. De plus, il y ajoute une célébration païenne de la nature et du bonheur terrestre. b- Triomphe ou éloge de l'âge de fer Il est introduit par l'exclamation du vers 21, Ô le bon temps que ce siècle de fer !Par son lyrisme admiratif, il annonce une ère de ravissement, de magnificence et de faste.La volonté et l'engagement de Voltaire se traduisent par une évolution des repères énonciatifs : des vers 5 à 13, on relève denombreux pronoms et adjectifs de la première personne du singulier, avec en particulier le Moi du vers 5, figure d'insistance. »

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