Commentaire composé : Nathalie Sarraute, Le Planétarium
Publié le 16/03/2012
Extrait du document
Texte.
Non vraiment, on aurait beau chercher, on ne pourrait rien trouver à redire, c'est parfait... une vraie surprise, une chance... une harmonie exquise, ce rideau de velours, un velours très épais, du velours de laine de première qualité, d'un vert profond, sobre et discret... et d'un ton chaud, en même temps, lumineux... Une merveille contre ce mur beige aux reflets dorés... Et ce mur... Quelle réussite... On dirait une peau... II a la douceur d'une peau de chamois... Il faut toujours exiger ce pochage extrêmement fin; les grains minuscules font comme un duvet... Mais quel danger, quelle folie de choisir sur des échantillons, dire qu'il s'en est fallu d'un cheveu - et comme c'est délicieux maintenant d'y repenser - qu'elle ne prenne le vert amande. Ou pire que ça, l'autre, qui tirait sur l'émeraude... Ce serait du joli, ce vert bleuté sur ce mur beige... C'est curieux comme celui-ci, vu sur un petit morceau, paraissait éteint, fané... Que d'inquiétudes, d'hésitations... Et maintenant c'est évident, c'était juste ce qu'il fallait... Pas fané le moins du monde, il fait presque éclatant, chatoyant contre ce mur... exactement pareil à ce qu'elle avait imaginé la première fois... Cette illumination qu'elle avait eue... après tous ces efforts, ces recherches - c'était une
vraie obsession, elle ne pensait qu'à cela quand elle regardait n'importe quoi - et là, devant ce blé vert qui brillait et ondoyait au soleil sous le petit vent frais, devant cette meule de paille, ça lui était venu tout d'un coup... C'était cela - dans des teintes un peu différentes - mais c'était bien cela l'idée... exactement ce qu'il fallait... le rideau de velours vert et le mur d'un or comme celui de la meule, mais plus étouffé, tirant un peu sur le beige... maintenant cet éclat, ce chatoiement, cette luminosité, cette exquise fraîcheur, c'est de là qu'ils viennent aussi, de cette meule et de ce champ, elle a réussi à leur dérober cela, à le capter, plantée là devant eux sur la route à les regarder, et elle l'a rapporté ici, dans son petit nid, c'est à elle maintenant, cela lui appartient, elle s'y caresse, s'y blottit...
Nathalie Sarraute, Le Planétarium, © Editions Gallimard
Dans la première moitié du XIXe siècle, Balzac est un romancier réaliste conscient de ses objectifs : il reproduit la réalité en fonction de son projet encyclopédique, qui vise à recréer, dans La Comédie humaine, l'ensemble des catégories sociales de son temps, des strates économiques et politiques et des comportements psychologiques. Au cours du XIXe siècle finissant, Zola, auteur naturaliste, définit le roman expérimental comme une création littéraire qui reproduit le monde tel qu'il est, au terme de tout un travail de documentation de type journalistique....
Plan :
Introduction
- Le Nouveau roman
I. Le point de vue du personnage
1. Une variante du style indirect libre
2. Les familiarités
3. La ponctuation
II. Les obsessions de tante Berthe
1. Les champs lexicaux
2. Les répétitions
3. L'évolution vers la métaphore
Conclusion
«
comportements ps ychologiques.
Au cours du XIX e siècle finissant, Zola, auteur
naturaliste, définit le roman expérimental comme un e création littéraire qui reproduit
le monde tel qu'il est, au terme de tout un travail de documentation de t ype
journalistique.
Les oeuvres de Balzac et Zola se fo ndent sur la volonté d'imiter la
réalité.
Elles ne font pas du roman un instrument q ui dénoncerait l'illusion réaliste et
réfléchirait sur les conditions mêmes de la créatio n.
Or, le roman recèle en lui-même les éléments de sa propre contradiction: au
XVIIe siècle, un auteur de romans réalistes dits bo urgeois comme Furetière intègre la
critique du roman dans son récit; au XVIIIe siècle, Diderot intervient directement au
cours de la narration pour traiter les problèmes qu i l'intéressent et qui concernent sa
propre fiction.
Au XIX
e siècle, après Balzac, Flaubert se moque des poncif s
romanesques; dans L'Education sentimentale , il montre comment les individus
reprennent les stéréot ypes du discours collectif - aujourd'hui, on dirait que les héros de
Flaubert sont les victimes des slogans publicitaire s et des formules figées qui se multi-
plient dans les journaux et les interventions polit iques.
En ce sens, le roman s e
retourne contre la dévaluation de la parole.
Au XXe siècle, les surréalistes intentent un
procès au roman: ils critiquent le principe de réal ité en affirmant que toute création
romanesque repose sur une fiction inspirée et orien tée par le point de vue particulier d'un
auteur.
Ils ne veulent plus se prêter au jeu qui co nsiste à se projeter sur un héros imaginaire :
le romancier qui prétend raconter une histoire vrai e est un menteur.
Après la Première
Guerre mondiale, on ne peut plus s'en tenir à des r echerches sur la forme du roman: d'autres
questions se posent à l'homme en quête du bonheur.
Après la Seconde Guerre mondiale, les
existentialistes, avec Sartre à leur tête, reprenne nt la critique des surréalistes, mais ils
dénoncent aussi leur désengagement; pour eux, l'écr ivain doit prendre une position nette et
affirmer ses convictions morales et politiques.
Dans les années 1950, les Nouveaux romanciers, Mich el Butor, Nathalie Sarraute,
Alain Robbe-Griliet, héritent des investigations me nées par certains prédécesseurs comme
Flaubert et Raymond Roussel, qui écrivait des roman s en manipulant les schémas du roman
d'aventures.
Pour eux, la réalité n'est pas claire et intelligible.
Ils contestent donc la notion
traditionnelle de l'intrigue et du héros, mais leur s textes ont une cohérence d'ensemble que
mettront à mal les «nouveaux Nouveaux romanciers», Jean Ricardou, Philippe Sollers, dans
les années 1960.
Pour eux, le héros traditionnel est une imposture : on ne peut plus créer l'illusion
d'un individu à part entière, puisque tout personna ge incarne une ou plusieurs facettes de la
personnalité de son auteur.
Quant au récit réaliste , il n'est plus crédible parce que trop
logique: une vie humaine ne présente pas le caractè re achevé que revêt le destin d'une
héroïne comme Gervaise, dans L'Assommoir.
Il faut libérer les esprits de la banalité
romanesque et intégrer le processus de création dan s la narration.
Ces remises en question ne sont pas neuves, mais le s Nouveaux romanciers sont les
premiers à fonder leurs romans sur l'exploitation s ystématique de cette critique de
l'invention romanesque.
Comme l'indique le titre, dans son roman Le Planétarium, Nathalie Sarraute met en
scène des personnages qui, chacun à sa manière, viv ent sur leur propre planète.
Dans
l'extrait proposé, la tante Berthe contemple le rés ultat produit par la décoration récente de
son appartement parisien.
Ici, le Nouveau roman exp loite le procédé du monologue
intérieur: la narration suit le mouvement de la pen sée du personnage dont le récit reproduit
la vision subjective du réel.
La personnalité de ta nte Berthe est comme explorée par une
prose qui mime le mouvement même de sa pensée et se s méandres obsessionnels..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Nathalie SARRAUTE, Tropismes, X (1939) - Commentaire composé
- Fiche de lecture : PLANÉTARIUM (Le) de Nathalie Sarraute
- PLANÉTARIUM (Le). Nathalie Sarraute
- PLANÉTARIUM (le), de Nathalie Sarraute
- Commentaire composé : Extrait d’Enfance de N. Sarraute