Commentaire composé : la sonate de Vinteuil dans Un amour de Swann de Proust (p. 33 à 35: de« L'année précédente dans une soirée |...] » à « dont il ignore jusqu'au nom ».)
Publié le 14/09/2018
Extrait du document
une attente, une attente qui se prolongeait. » La petite phrase fonctionne un peu comme un refrain.
Le plaisir musical est d'abord fait d'attente et de regret, mais il ne se laisse pas définir : l'impression musicale est « confuse ». L'image de la passante apparue et aussitôt évanouie, les images de mouvement et de légèreté (arabesque, plongée! expriment la difficulté de l'intelligence à saisir et à analyser la sensation (« brusquement, elle changeait de direction [...] elle disparut »! La sensation est impossible à nommer, à figer. Une longue phrase oppose à l'univers marin, fluctuant et mouvant, du son et de la sensibilité (clapotement, liquidité, flot!, le travail de l'esprit architecte essayant de donner une transcription solide et construite de son plaisir (« ouvrier », fondation ! Les deux mouvements de la phrase opposent symétriquement les deux registres métaphoriques. On notera le rythme du premier mouvement (ou protase! construit sur une série d'appositions qui cherchent à caractériser les motifs (« connus seulement par le plaisir particulier qu'ils nous donnent, impossibles à décrire [ ...]. Le rythme s'accélère et se ferme sur la mise en relief du seul adjectif « ineffables » La phrase s'essaie à mimer la cadence musicale et avoue dans le même temps son impuissance à la caractériser et à la saisir.
La musique ne peut être pensée dans les catégories de l'espace ; elle ne possède pas les propriétés de la matière : elle est « inétendue », « sine materia » Les métaphores choisies pour en proposer des équivalents sont empruntées aux sensations les plus immatérielles comme les sensations olfactives (« odeurs de roses » ! Mais la métaphore la plus développée est celle de la mer. Proust se souvient sans doute ici de Baudelaire, dont il partage les conceptions esthétiques :
«
une
attente, une attente qui se prolongeait.
» La petite phrase fonc
tionne un peu comme un refra in.
Le plaisir musical est d'abord fait d'attente et de regret.
mais il ne
se laisse pas définir : l'i mpr ession musicale est '' confuse )).
L'image
de la passante apparue et aussitôt évanouie, les images de mouve
ment et de légèr eté (arabesque, plongée) expriment la difficulté de l'intel
ligence à saisir et à analy ser la sensation 1« brusquement, elle changeait
de direction [ ...
] elle disparut ») La sensation est impossi ble à nom
mer, à figer.
Une longue phrase oppose à l'uni vers marin, fluctuant
et mouvant, du son et de la sensibili té (cla potement, liquidité, flot ), le
trava il de l'esprit architecte essayant de don ner une transcription solide
et construite de son plaisir (« ouvrier )), fondation ).
Les deux mouve
ments de la phr ase opposent symétriquement les deux registres méta
phori ques.
On notera le rythme du premier mouvement lou protase)
construit sur une série d'appositions qui cherchent à caractériser les
motifs («connus seulement par le plaisir particulier qu'ils nous don
nent, impossibles à décrire [ ...
] d.
Le rythme s'accélère et se ferme
sur la mise en relief du seul adjectif " ineffables " La phrase s'essaie
à mim er la cadence musicale et avoue dans le même temps son impu is
sance à la caractériser et à la saisir.
La musique ne peut être pensée dans les catégories de l'espace ;
elle ne possède pas les propriétés de la matière : elle est" inét endue »,
" sine materia )) Les métaphores choisies pour en proposer des équi
valents sont empruntées aux sensations les plus immatérielles comme
les sensations olfactives 1« odeurs de roses »).
Mais la métaphore la
plus développée est celle de la mer.
Proust se souvient sans doute ici
de Baudelaire, dont il partage les conceptions esthétiques :
'' La musique souvent me prend comme une mer ! )) IL es Fleurs du
mal ).
Il.
Plaisir musical et plaisir amoureux : la naissance du désir
Une autre allusion, plus nette, au poème des Fleurs du mal " A une
passante )) souligne l'inspir ation baudelairienne du passa ge.
La petite
phrase est en effet compa rée à cette passante mystérieuse, " fugitive
beauté )) à peine entrevue par le poète dans une" rue assourdissante ))
et qui éveille en lui souda in la nostalgie et le désir :
« Ne te verrai-je plus que dans l'éternité 7
«A illeurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamai s peut-être 1 )).
»
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