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Commentaire composé d'un passage du chapitre XXXII du Pantagruel de Rabelais : « Ce pendent, je, qui vous fais ces tant véritables contes […] parce qu'ilz demourent en la gorge de mon maistre Pantagruel »

Publié le 05/07/2012

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rabelais

Pour finir, si Rabelais nous montre qu’on peut apprendre par le jeu, le moyen qu’il privilégie est le rire car il entre dans la dimension de l’esthétique du rire carnavalesque où se joue des enjeux plus confus peut-être mais plus profondément encré dans la nature humaine : rire est, en effet d’après lui (cf. Gargantua) le propre de l’homme. L’esthétique du rire carnavalesque a une origine populaire, tire sa source dans le folklore. On retrouve ainsi des thèmes appartenants aux contes populaires. Tout d’abord, le thème de l’avalage que l’on retrouve dans le chat botté par exemple et qui est indissociable des contes de géants qui en est le thème central. De même, le thème du géant comme moyen de transport (Gargantua transporte le narrateur durant six mois !) est courant dans les contes. Et surtout, l’univers du folklore est d’autant mis en avant dans cet épisode que la taille du géant a décuplé comme pour montrer l’importance de cet élément. Dans le même ordre d’idées, le rire est fondé sur le corps. La réplique du planteur de choux atteste d’un retour au bas corporel (trivialité de l’expression « les couillons aussi pesans qu’un mortier «).

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« voyions « un abîme de science » comme Gargantua.

C'est pourquoi il insiste sur l'immensité des terres à parcourir (voir relevé plus haut) et que son chapitre se placesous le signe de la découverte.

Plus que ça, le narrateur, de la leçon qu'il tire à la fin de son voyage, veut en faire un livre pour partager son savoir, et s'oppose donc àl'image du ronfleur exhortant à l'ignorance! Enfin, Rabelais s'attaque à la scolastique du Moyen-âge en proposant face à l'absence de sport de cette pédagogiearchaïque, de bouger et de voyager (comme on a pu le voir plus haut) et surtout, nous démontre dans tout le chapitre qu'une partie de l'éducation intellectuelle se faitpar jeu et en l'occurrence par le rire.

Rabelais nous donne donc bien une leçon de pédagogie humaniste.

On peut ajouter que ce monde décrit par Alcofribas concordetout à fait avec le reflet de l'intériorité de Pantagruel qui a déjà eu l'occasion de montrer ses aspects humanistes (entre autre il suit l'avis de son père exposé dans lalettre et ce qui l'attire chez Panurge est qu'il soit polyglotte et qu'il n'en sache pas l'origine de prime abord).

Si Voltaire écrira plus tard qu' « il faut cultiver sonjardin », le jardin, qui est la première chose que voit de près le narrateur, est avant tout symbole de culture, de réfléchi, de l'ordre, de la conscience et, de façon plushumaniste (cf.

confiance en l'homme) symbole de la puissance de l'homme face à une nature domestiquée.Rabelais nous présente bien une succession d'idées typiquement humanistes qui inspireront d'autres auteurs après lui et particulièrement Montaigne. Pour finir, si Rabelais nous montre qu'on peut apprendre par le jeu, le moyen qu'il privilégie est le rire car il entre dans la dimension de l'esthétique du rirecarnavalesque où se joue des enjeux plus confus peut-être mais plus profondément encré dans la nature humaine : rire est, en effet d'après lui (cf.

Gargantua) lepropre de l'homme.L'esthétique du rire carnavalesque a une origine populaire, tire sa source dans le folklore.

On retrouve ainsi des thèmes appartenants aux contes populaires.

Toutd'abord, le thème de l'avalage que l'on retrouve dans le chat botté par exemple et qui est indissociable des contes de géants qui en est le thème central.

De même, lethème du géant comme moyen de transport (Gargantua transporte le narrateur durant six mois !) est courant dans les contes.

Et surtout, l'univers du folklore estd'autant mis en avant dans cet épisode que la taille du géant a décuplé comme pour montrer l'importance de cet élément.

Dans le même ordre d'idées, le rire est fondésur le corps.

La réplique du planteur de choux atteste d'un retour au bas corporel (trivialité de l'expression « les couillons aussi pesans qu'un mortier »).

Il s'agit deretrouver l'énergie (cf.

allusion aux besoins corporels « gaigne […] ma vie » ou encore l'origine de la peste qui provient de l'estomac et qui a pour cause la nourritureavalée par le géant!), d'ouvrir les corps et de faire ainsi un pied de nez (tel Panurge à l'anglais au chapitre XIX !) à l'esthétique de l'époque : non seulement Pantagruelouvre la bouche mais Alcofribas l'explore ! Ainsi, l'origine populaire que contenait déjà le titre et nom du héros et qui est encore développé dans ce passage n'est plusà démontrer.Ensuite, l'esthétique du rire carnavalesque se retrouve également dans le côté parodique de ce passage.

En effet, on peut noter une subversion générale de toutes lesvaleurs et toutes les autorités : il y a une inversion des rapports entre Alcofribas et le planteur de choux qui laisse supposer au lecteur qu'il s'agit d'une histoire defous ! C'est Alcofribas qui devient étrange en posant des questions bêtes, ce que met en relief la réponse du planteur qui est basé sur l'évidence des besoinscorporels inhérents à tout à chacun! En outre, alors qu'Alcofribas semble bien ne pas connaître le monde du planteur (les phrases qui sortes de sa bouche neconsistent qu'en une série de questions : «que fais-tu icy ? », « Et à quoy ny comment ? », « il y a icy un nouveau monde ? », « comment a nom ceste ville où tu portesvendre tes choux ? ») , celui-ci lui présente le monde d'où le narrateur vient et qu'il semble envier « Ils ont et soleil et lune, et tout plein de belles besognes » et doncvouloir connaître.

En outre, on n'y voit qu'une vérité : face aux nombreux peuples marqués par la pluralité de Lucien de Samosate, on ne trouve dans la bouche dePantagruel que des gens semblables entre eux et même mieux : semblable au narrateur au point de pouvoir s'intervertir avec lui ! Ainsi à l'image de la fête du carnavalou la fête des fous, la parodie joue un rôle important dans l'esthétique du rire carnavalesque.Enfin, on trouve dans ce passage le motif même du carnaval comme mort et renaissance.

Ainsi, un schéma apparaît très clairement dans le passage.

Le thème del'avalage représente la mort et doit être associé au fait que le narrateur n'est pas protégé comme les autres par Pantagruel (qui apparaît à ce moment là comme un dieuprotecteur).

Le jardin, qui est le premier endroit où il arrive, représente le séjour dans l'au-delà : « Dieu lui-même est un jardin, écrit saint Jean de la Croix ; l'épousele nomme ainsi à cause de l'agréable demeure qu'elle trouve en Lui.

Elle entre dans ce jardin lorsqu'elle se transporte en Dieu.

», de même, « La réalité ultime et labéatitude sont interprétées en termes de jardin (Coran, 18, 55, etc.).

C'est le séjour de l'au-delà réservé aux Elus ; Ceux-là seront les Hôtes du jardin où ils serontimmortels, en récompense de ce qu'ils faisaient sur terre (Coran, 46, 14).

» (cf.

Dictionnaire des symboles, éditions Robert Laffont, article « jardin »).

La découverteet le séjour dans le nouveau monde figureraient alors la renaissance.

Ce schéma apparaît donc comme un mourir et renaître rénové et suggère une catharsis comiquepar lequel se révèle au lecteur un triomphe final de la vie sur la mort : « gagnay […] pour vivre » alors même qu'on se trouve dans le contexte du mythe du gigantismequi met en scène la peur enfantine d'être mangé par l'adulte selon Charles Moron (cf.

Psycho-critique du monde comique).

Le rire rabelaisien transcende donc la peuret nous révèle ce qu'il y a en nous de plus archaïque.

De plus, se révèle dans ce passage la pensée sur laquelle repose toute les idées de Rabelais : le tiraillement entrefoi (selon la conception de l'Eglise) et savoir est résolue par la confiance en Dieu (rappelons que Rabelais prône le retour aux textes originaux de la Bible contrel'Eglise qui pense que la libre interprétation des textes pourrait donner lieu à toutes sortes d'hérésies et qui met en avant les commentaires plus que le livre sacré lui-même).

Ainsi, le narrateur qui ne voulait initialement pas se mettre sous la protection de Pantagruel change d'avis (« mais quand je les veiz ainsi bien couvers, je m'enallay à eux rendre à l'abris ») mais n'y trouvant plus de place, il donne une preuve de plus de sa confiance en se mettant dans sa bouche au risque d'être avalé (idée àlié à la peur de l'enfer).

Il est intéressant de noter que le narrateur s'était abrité sous une feuille de bardane qui était une plante très courante dans les lieux incultes (cf.Chapitre XVI : le « glaterons » est le fruit de la bardane ; c'est une boule entourée de piquants qui s'accrochent au tissu des vêtements).

Sa démarche figure donc safaçon de tourner le dos à l'Eglise au profit de Dieu lui-même et montre par là les bienfaits de la confiance en Dieu (Jésus-Christ promet la vie éternelle symbolisée parce passage) et l'erreur de l'Eglise (il n'aurait rien gagné s'il était resté sous sa feuille de bardane).Le rire carnavalesque est donc, plus qu'un moyen d'enseignement culturel, un moyen d'enseignement philosophique qui permet à Rabelais de montrer toute lagrandeur de Dieu et, surtout, de rappeler que les hommes, qu'ils soient d'Eglise ou non, restent des hommes (ont des « couillons ») et font des erreurs (c'est pourquoi ilfaut s'en remettre à Dieu lui-même).

Rabelais, qui a été moine, le sais par expérience et révèle de cette façon, toute son humilité. Pour conclure, ce passage est représentatif de trois thèmes majeurs chez Rabelais : l'utilisation de la parodie à des fins humanistes qu'englobe un enjeu plusfondamental révélé par la stratégie du rire carnavalesque c'est-à-dire la confiance en Dieu.

Le but de cette leçon est bien sur de permettre le développement desgrandes découvertes de son siècle et le libre cours aux penseurs.

Hannah Arendt se donnera plus tard la même tâche de révéler aux hommes leur double don : celui dela liberté et de l'action tout en s'appuyant sur les textes du père de l'Eglise : St Augustin.

Ce qui prouve bien la bêtise de l'Eglise de l'époque et donne raison àRabelais puisque même les commentaires sur la Bible font aboutir le penseur aux mêmes conclusions : l'homme doit penser par lui-même!. »

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