Commentaire composé du chapitre III du Baiser au lépreux de François Mauriac, éditions du Livre de poche, pages 51 à 57.
Publié le 29/08/2012
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En effet dans cette scène de rencontre, le décor que constitue la sacristie ("parloir pauvre", p.51, "pièce obscure",p.53) ne facilite pas un contexte déjà impropre à l'amour. La comparaison avec l'expérience scientifique peut s'étendre du récit de la première rencontre au roman tout entier. Le romancier ou du moins, le narrateur, serait alors le savant qui mène à bien l'expérience. Les personnages sont soumis à son microscope, qui grossit bien évidemment leurs traits. Le scientifique ne garde que les traits les plus caractéristiques, traits qui peuvent, contrairement aux personnages balzaciens, être imbriqués et paradoxaux. Le narrateur biologiste met en place une série d'éléments, de facteurs, qui vont déterminer les réactions, parfois ambiguës des sujets. Il pose ensuite son regard impitoyable sur ses créatures de papiers. Ainsi, le narrateur exprime directement ses commentaires pour influer sur la lecture, en jouant sur sa position d'omniscient ; par exemple page 54, la proposition "et en effet il est bien seul" est un jugement porté sans aucune bonté. Le romancier crée ses personnages et les étudie ; et si "L'individu, tel que l'étudie le romancier est une fiction." (Mauriac, Le Romancier et ses personnages), c'est bien l'expérience romanesque de Mauriac qui est comparée à une démarche purement scientifique. Cependant, le roman en tant que genre implique souvent la mise en place d'une esthétique qui ici se traduirait par une poétique du laid, une poétique du pire.
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toutes les jeunes filles" devenant "ce grillon éperdu".
L'insignifiance du personnage traduit l'absence d'espoir de Noémi quant à une autre perspective d'avenir.
Jeanquant lui, espère ne jamais avoir à cueillir la fleur qui lui est offerte, entrant dans le déni avec une accumulation de prédictions tirées de son monologue intérieur etinclues dans la narration : "Cette nuit jamais n'arrivera : une guerre éclatera, quelqu'un mourra ; la terre tremblera..."(p.57).
Le devoir conjugal exécuté au chapitre Vest ainsi annoncé.Il faut dire que Noémi, sujet de la métaphore de la femme-fleur que Mauriac utilise tout au long du roman, perd aussi de son charme.
Soumise au regard pervers deJean, la fleur métaphorique devient repoussante, grâce à une comparaison impressive qui intervient aux niveaux olfactif et visuel : "Comme dilatée hors du vase unefleur de magnolia" puis "pareille à ces trop capiteuses fleurs".
L'adverbe "trop" traduit déjà une notion d'excès ; puis page 54, Noémi devient "fleur moins vivante,fleur déjà coupée?" flanquée de sa mère dont l'animalité du corps est révélée par la comparaison de sa démarche avec celle des chiens.
Lors des rendez-vous suivants,Noémi fera à nouveau figure de victime des conventions, se cloîtrant dans un mutisme quasi total.
Elle est complètement passive devant un Jean Péloueyre qui selivre tout entier mais qui apparaît toujours aussi ridicule.
La construction en asyndète de verbes dont il est l'acteur, rend compte de l'inutilité de ses efforts (p.56 : "Il[...] grimaçait, gesticulait, citait, sans les annoncer, des vers..."), l'écriture mimant les actions prêtées au personnage.
Ainsi la périphrase "Jean touchait de ses lèvresles cheveux de Noémi..." traduit la timidité et le malaise du futur époux ou bien l'absence d'amour nécessaire à un véritable baiser.
L'insecte tente de butiner la fleur,aidé par une mise en scène conçue "comme [...] une expérience d'entomologie" (p.53).En effet dans cette scène de rencontre, le décor que constitue la sacristie ("parloir pauvre", p.51, "pièce obscure",p.53) ne facilite pas un contexte déjà impropre àl'amour.
La comparaison avec l'expérience scientifique peut s'étendre du récit de la première rencontre au roman tout entier.
Le romancier ou du moins, le narrateur,serait alors le savant qui mène à bien l'expérience.
Les personnages sont soumis à son microscope, qui grossit bien évidemment leurs traits.
Le scientifique ne gardeque les traits les plus caractéristiques, traits qui peuvent, contrairement aux personnages balzaciens, être imbriqués et paradoxaux.
Le narrateur biologiste met enplace une série d'éléments, de facteurs, qui vont déterminer les réactions, parfois ambiguës des sujets.
Il pose ensuite son regard impitoyable sur ses créatures depapiers.
Ainsi, le narrateur exprime directement ses commentaires pour influer sur la lecture, en jouant sur sa position d'omniscient ; par exemple page 54, laproposition "et en effet il est bien seul" est un jugement porté sans aucune bonté.
Le romancier crée ses personnages et les étudie ; et si "L'individu, tel que l'étudie leromancier est une fiction." (Mauriac, Le Romancier et ses personnages), c'est bien l'expérience romanesque de Mauriac qui est comparée à une démarche purementscientifique.
Cependant, le roman en tant que genre implique souvent la mise en place d'une esthétique qui ici se traduirait par une poétique du laid, une poétique dupire.
Le Baiser au lépreux est un roman qui transpire la laideur et le malaise, contaminant presque le lecteur qui se sent imprégné de son ambiance lourde et pesante,l'étouffement des personnages étant ainsi suggéré.
Les personnages mis en scène semblent incarcérés dans leur cellule familiale, sociale et religieuse.
Il n'y a aucuneéchappatoire hormis peut-être l'auto condamnation à une souffrance expiatoire d'acceptation de l'autre et la résignation à une condition humaine prédéfinie par Dieu.Noémi et Jean sont des esclaves que tout sépare, mais leur vie commune à la recherche d'un amour qui ne peut exister prendra la forme d'une quête spirituelle pourtoucher au seul véritable amour, l'amour de Dieu.
Devenant chacun symboles de vertus chrétiennes qui leur sont propres, Noémi et Jean représentent surtout lerenoncement de soi, voie royale de l'accès au divin..
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