Commentaire composé. «Dans les bois». Paul Verlaine, Poèmes saturniens
Publié le 11/11/2013
Extrait du document
«DANS LES BOIS«
D'autres, - des innocents ou bien des lymphatiques1
, -
Ne trouvent dans les bois que charmes langoureux,
Souffles frais et parfums tièdes. Ils sont heureux !
D'autres s'y sentent pris - rêveurs - d'effrois mystiques.
Ils sont heureux ! Pour moi, nerveux, et qu'un remords
Épouvantable et vague affole sans relâche,
Par les forêts je tremble à la façon d'un lâche
Qui craindrait une embûche ou qui verrait des morts.
Ces grands rameaux jamais apaisés, comme l'onde,
D'où tombe un noir silence avec une ombre encor
Plus noire, tout ce morne et sinistre décor
Me remplit d'une horreur triviale et profonde.
Surtout les soirs d'été : la rougeur du couchant
Se fond dans le gris bleu des brumes qu'elle teinte
D'incendie et de sang ; et l'angélus qui tinte
Au lointain semble un cri plaintif se rapprochant.
Le vent se lève chaud et lourd, un frisson passe
Et repasse, toujours plus fort, dans l'épaisseur
Toujours plus sombre des hauts chênes, obsesseur2
,
Et s'éparpille, ainsi qu'un miasme3
, dans l'espace.
La nuit vient. Le hibou s'envole. C'est l'instant
Où l'on songe aux récits des aïeules naïves...
Sous un fourré, là-bas, là-bas, des sources vives
Font un bruit d'assassins postés se concertant.
Paul VERLAINE, Poèmes saturniens, 1866.
1
Lymphatique: nonchalant.
2
Obsesseur : mot vieilli : synonyme de obsédant.
3
Miasme: émanation malodorante et malsaine. Le plan
Commentaire composé
Le premier recueil de Verlaine, Poèmes saturniens, fut édité à compte d'auteur en 1866, chez Lemerre avec l'aide de sa bien-aimée cousine Elisa, tiré à 491 exemplaires dans l'édition originale. Verlaine y cultive des tristesses vagues dont il attribue l'origine à sa mauvaise étoile (Saturne). Le public contemporain bouda ces poèmes parce qu'il y vit moins l'expression d'une détresse personnelle que des impressions notées, plutôt qu'éprouvées, grâce à des poètes antérieurs, romantiques ou parnassiens. Cet ouvrage d'apprentissage, déchaîna la verve moqueuse des critiques et des émules : « Un Baudelaire puritain sans le talent net de M. Baudelaire, avec des reflets de M. Hugo et d'Alfred de Musset, ici et là tel est M. Paul Verlaine. Pas un zeste de plus «, écrivit Barbey d'Aurevilly. Verlaine lui-même, dans sa correspondance ou ses réponses aux attaques dans la presse de l'époque reconnaissait d'ailleurs volontiers les emprunts qu'il avait faits pour ce recueil d'apprentissage : «C'est à Baudelaire que je dois l'éveil du sentiment poétique et ce qu'il y a chez moi de profond ; à Banville que je dois d'être mélodieux, amusant, jongleur de mots ; à Leconte de Lisle j'ai emprunté l'honnêteté de la langue et du rythme. « Le poème « Dans les bois« n'est pourtant pas dénué d'originalité : derrière l'évocation d'un paysage se lisent en effet la peinture d'un état d'âme et l'affirmation de la singularité du poète.
I. L'évocation d'un paysage
1. Le cadre
2. Le moment
3. Les sensations
II. La peinture d'un état d'âme
1. Le sentiment de la peur
2. Son origine
3. Ses manifestations
III. L'affirmation de la singularité
1. L'opposition avec autrui
2. L'ambiguïté des impressions
3. Une tristesse anxieuse
«
Le plan
I.
L'évocation d'un paysage
1.
Le cadre
2.
Le moment
3.
Les sensations
II.
La peinture d'un état d'âme
1.
Le sentiment de la peur
2.
Son origine
3.
Ses manifestations
III.
L'affirmation de la singularité
1.
L'opposition avec autrui
2.
L'ambiguïté des impressions
3.
Une tristesse anxieuse
Commentaire composé
Le premier recueil de Verlaine, Poèmes saturniens, fut édité à compte d'auteur en
1866, chez Lemerre avec l'aide de sa bien-aimée cou sine Elisa, tiré à 491 exemplaires dans
l'édition originale.
Verlaine y cultive des tristes ses vagues dont il attribue l'origine à sa
mauvaise étoile (Saturne).
Le public contemporain b ouda ces poèmes parce qu'il y vit moins
l'expression d'une détresse personnelle que des imp ressions notées, plutôt qu'éprouvées, grâce
à des poètes antérieurs, romantiques ou parnassiens .
Cet ouvrage d'apprentissage, déchaîna la
verve moqueuse des critiques et des émules : « Un B audelaire puritain sans le talent net de M.
Baudelaire, avec des reflets de M.
Hugo et d'Alfred de Musset, ici et là tel est M.
Paul
Verlaine.
Pas un zeste de plus », écrivit Barbey d' Aurevilly.
Verlaine lui-même, dans sa
correspondance ou ses réponses aux attaques dans la presse de l'époque reconnaissait
d'ailleurs volontiers les emprunts qu'il avait fait s pour ce recueil d'apprentissage : «C'est à
Baudelaire que je dois l'éveil du sentiment poétiqu e et ce qu'il y a chez moi de profond ; à
Banville que je dois d'être mélodieux, amusant, jon gleur de mots ; à Leconte de Lisle j'ai
emprunté l'honnêteté de la langue et du rythme.
» L e poème « Dans les bois » n'est pourtant
pas dénué d'originalité : derrière l'évocation d'un paysage se lisent en effet la peinture d'un état
d'âme et l'affirmation de la singularité du poète.
Comme le titre lindique, ce poème est un poème des criptif: le poète y évoque les bois
qui lui servent de cadre.
Cette forêt contient de « hauts chênes» dont il note l'épaisseur au vers
18, des fourrés et des « sources » (v.
23).
Ce qui impressionne le poète est son obscurité,
comme le montre le champ lexical, avec « ombre » (v .
10), « toujours plus sombre » (v.
19) et
la répétition de l'adjectif «noir» aux vers 10 et 1 1.
La vie s'y manifeste par la présence de la
faune, représentée par le hibou (v.
21), par les «s ources vives» et par l'agitation des branches
sous l'effet du vent, dont le mouvement régulier et doux est évoqué par une comparaison avec
celui de l'onde au vers 9.
La notation «jamais apai sés », qui pourrait s'appliquer aux hommes
aussi bien qu'aux branches des arbres, prépare une correspondance entre les bois et l'âme
inquiète du poète..
»
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