Commentaire composé acte 2 scène 14 Caligula Albert Camus
Publié le 26/12/2023
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«
Caligula/Acte IV
scène 14,
commentaire no 1
< Caligula
Voir l'extrait et le plan du commentaire.
Introduction
Caligula, drame en quatre actes d'Albert
Camus publié en 1944, s'inspire assez
fidèlement du destin dément du jeune
empereur romain assassiné en 41 après
Jésus-Christ et d'anecdotes authentiques
évoquées par l’historien latin Suétone.
Mais l’auteur en fait un héros de
l'absurde, aux côtés de Sisyphe, de
Meursault, de l'Étranger et de Jan, victime
du Malentendu, pour constituer ce qu'il a
appelé « le cycle de l’absurde ».
À la mort
de sa sœur et maîtresse Drusilla, Caligula
a pris conscience que « Les hommes
meurent et ne sont pas heureux » et veut
aller jusqu'au bout de sa révolte contre
cette révolte contre cette vérité de la
condition humaine qu'il entend enseigner
aux autres, en tentant de se substituer au
destin absurde.
Par les humiliations
infligées aux patriciens, les meurtres
gratuits, il a réussi à provoquer une
révolte contre lui-même, contre l'absurde
qu'il incarne.
Il n'a rien fait pour
empêcher le complot d'assassinat qui se
trame contre lui, parce qu'il a aussi pris
conscience que « tuer n'est pas la
solution ».
Il reconnait l'échec de son
programme, de son règne.
Cette prise de conscience annonce et
justifie la scène finale de la pièce, c’est-àdire le dénouement : il ne lui reste plus
qu'à jouer le dernier acte de cette
tragédie qu'il a lui-même montée.
Caligula est d'abord seul en scène devant
son miroir, il se lance dans un long
monologue, ou plutôt dialogue avec luimême, dans une longue tirade qui
occupe les deux tiers de la scène.
Il y fait
le bilan désespéré de son action, puis il
s'offre aux coups des conjurés qui
surgissent et on assiste sur scène à la
mort de Caligula et de son fidèle
confident, Hélicon.
Questions possibles
Le face-à-face de Caligula
avec lui-même : bilan de son
action
Caligula, seul face au miroir :
situation symbolique et révélatrice
« Il tourne sur lui-même, hagard, va vers
le miroir.
» Cette situation est d'abord
révélatrice de sa solitude puisqu'il a fait
le vide autour de lui et que, faute d'avoir
quelqu'un vers qui aller, à qui parler, il se
tourne vers son miroir.
Les didascalies,
comme ses paroles, le soulignent bien :
« il recule un peu, revient vers le miroir »
de même que les jeux de scène qu'il
effectue face au miroir comme s'il était
face à quelqu'un : « il tend les mains vers
le miroir », « je tends mes mains et c'est
toi que je rencontre ».
De fait, bien sûr, le
miroir ne fait que lui renvoyer son image,
c'est donc un face-à-face avec lui-même
qu'il lui offre, qui va permettre un retour
sur soi pour faire le point sur son action.
Et c’est un faux monologue qui s'engage,
puisque le dédoublement autorise un
dialogue, Caligula va se parler à luimême, s'interpeller comme le montre
l'alternance des pronoms de première et
de deuxième personne du singulier : « Je
sais pourtant, et tu le sais aussi.
»
La libre expression des sentiments
face à une mort attendue
Tout d'abord, Caligula exprime sa peur, il
reconnaît simplement en entendant « des
bruits d'armes », « j'ai peur » et, tout
aussitôt, le dégoût que cela lui inspire :
« Quel dégoût, après avoir méprisé les
autres, de se sentir la même lâcheté
dans l'âme.
» Lui qui a méprisé pour leur
lâcheté ceux qu'ils condamnés à mort,
retrouve cette même lâcheté en lui, il ne
vaut pas mieux.
Derrière le justicier qu'il a
voulu être vis-à-vis des autres, c'est
l‘humain qui se révèle avec toutes ses
faiblesses, il n'est qu'un homme parmi
les autres.
Il s'en suit un abandon plus
facile à la mort qui l'attend puisqu'elle
mettra un terme à tout : « Mais cela ne
fait rien.
La peur non plus ne dure pas.
Je
vais retrouver ce grand vide où le cœur
s‘apaise.
» On peut noter ici la périphrase
qu'il utilise pour désigner la mort et qui
est aveu de son athéisme.
Pas d'espoir
de survie, de vie meilleure dans un audelà, c'est le « grand vide », le néant qui
l'attend.
Ce néant au moins lui apportera
l'apaisement espéré.
Il semble prêt à
retrouver cette paix qu'il semble déjà
goûter un peu, comme le souligne la
didascalie qui suit : « Il semble plus
calme.
»
Face au miroir, le bilan négatif
Caligula reconnaît son erreur dans sa
quête de l'impossible, dans son exigence
d’absolu symbolisé par la lune.
Il revient
de manière insistante d'ailleurs sur sa
quête pressante et insensée :
« L'impossible ! Je l'ai cherché aux limites
du monde, aux confins de moi-même.
J
'ai tendu mes mains (criant) je tends mes
mains et c'est toi que je rencontre,
toujours toi en face de moi.
» La mise en
relief en tête de la phrase du mot
impossible et la ponctuation exclamative
le soulignent, tout en rappelant, avec
l'emploi du passé composé, que cette
quête appartient au passé et qu'elle ne
peut être que vouée à l'échec.
La
gradation descendante que marque le
rétrécissement de l'espace, du monde à
lui-même, à œ pauvre reflet que lui
renvoie son image pleine de haine
exprime assez bien l'amenuisement,
l'anéantissement de ses rêves.
C'est
d'ailleurs un appel désespéré et vain qu’il
lance une dernière fois à son confident
Hélicon, qu'il a chargé de lui rapporter la
lune.
La réponse à cet appel, avec la
répétition de la négation absolue « rien »,
le marque bien.
Il sait désormais qu'il
n'aura jamais la lune, « Hélicon ne viendra
pas… » Ce face-à face avec lui-même lui
permet cependant d'analyser les raisons
de son échec : « Tout a l'air si compliqué.
Tout est si simple pourtant.
Si j'avais eu
la lune, si l'amour suffisait, tout serait
changé.
» Il reconnait l'inaccessibilité de
cette quête insensée, à travers la
contradiction soulignée par l'antithèse
compliqué/simple.
En effet, il est
compliqué de prétendre à l'impossible,
alors que ce serait simple si ce besoin
d'absolu était satisfait : « tout serait
changé » car « il suffirait que l'impossible
soit ».
Or, la formulation même de cette
attente renferme un paradoxe : par
définition, l'impossible ne peut être mais
il a fait comme si cette perspective était
facilement accessible ! Il reconnaît aussi
que son goût de l’absolu ne peut être
satisfait par l‘amour humain, qui n'est
que relatif, imparfait, ni même par
l'amour d'un dieu, celui: que l'homme se
choisit et dont la dimension humaine,
trop humaine, est bien marquée par
l'absence de majuscule.
D'où ces
questions purement rhétorique, puisqu’il
sait pertinemment qu'elles n'appellent
que des réponses négatives : « Mais où
étancher cette soif ? Quel cœur, que] dieu
aurait pour moi la profondeur d un lac ? »
La métaphore filée de la « soif » que ne
peuvent étancher ni l'amour, ni la religion
qui n'ont pas « la profondeur d‘un lac »,
dit bien l'insatisfaction inévitable.
D'où le
constat négatif, amer et résigné : « Rien
dans ce monde, ni dans l'autre, qui soit à
ma mesure.
»
La reconnaissance de l'échec inspire
culpabilité et haine
Caligula reconnaît clairement qu'il s'est
trompé de voie en usant de son pouvoir
d'empereur pour se substituer au destin
absurde, quand il fait cette déclaration
solennelle : « Je n'ai pas pas la voie qu'il
fallait, Je n'aboutis à rien.
Ma liberté n'est
pas la bonne.
» Ces trois phrases
négatives et l'adverbe « nen » désignent
bien son aveu d'échec total, d‘où la prise
de conscience de sa culpabilité radicale
et de....
»
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