COMMENTAIRE - Apollinaire, Les Colchiques (Eléments pour un corrigé).
Publié le 13/09/2018
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«
vocabulaire ajoute à la sensation d’étirement du temps : « tout doucement / lentes et meuglant / pour
toujours » ; enfin, l’assonance de la (sonorité) nasale [], déjà présente dans les v.
1 et 2 contribue à
accentuer le sentiment dominant de la strophe : les vaches semblent s’arracher au pré à regret, à moins
d’imaginer une suite plus funeste à laquelle un second niveau de lecture du poème ne manque pas de nous
conduire.
[ Un paysage transfiguré : du tableau à l’état d’âme du poète]En effet, au-delà du tableau réaliste et comme en surimpression à celui-ci s’inscrit dans le poème un
paysage intérieur, et Apollinaire use à cet effet d’une comparaison nettement marquée par le mot « comme
» repris d’abord 3 fois dans la première strophe, puis 2 fois dans la suivante.
L’élément qui relie les deux
termes de la comparaison -la fleur et la femme- est bien le cerne, appliqué à la fois à la couleur des
colchiques et au regard séducteur ; le cerne renvoie à la fois à la maladie et à l’amour, on dit « battre des
paupières » mais aussi qu’on a les « yeux battus ».
Mais surtout, déjà suggérés par les adjectifs possessifs «
tes » et « leur », le second plan de lecture du poème et l’implication personnelle de l’auteur nous sont cette
fois donnés sans ambiguïté au v.7; notons d’ailleurs que c’est le seul vers où nous trouvons l’emploi de la 1e
personne ; essentiel au sens du texte, le v.7 l’est aussi du point de vue expressif et rythmique : c’est un
alexandrin tétramètre (construit sur 4 mesures de 3 syllabes) et cette régularité nous laisse une impression
de lenteur et d’étirement du temps ; lenteur qui va d’ailleurs introduire un effet de contraste et de rupture
brutale, comme nous l’avions déjà indiqué, avec le premier vers et l’atmosphère de la 2e strophe, mais
surtout nous laisser l’impression que le poète reste passif, voire complaisant vis-à -vis de l’effet maléfique du
regard de la femme aimée.
Le thème des yeux et du regard n’est pas en soi original dans la poésie amoureuse, mais ce qui l’est ici,
c’est que le poète associe à la joliesse et à la couleur du regard le mouvement des paupières, dont le
battement, comme obsédant, va l’amener (« dément ») au bord de la folie.
Nous trouverions dans d’autres
textes d’Apollinaire ce thème du battement des paupières ; il écrit dans Le printemps « Tout l’horizon
palpite ainsi que les paupières » ou encore « Les villages au vent deviennent des paupières/ Voyez voyez
cligner les yeux des cerisiers ».
On sait combien Apollinaire a été intéressé par la peinture de son temps, les
peintres cubistes en particulier, mais on pourrait rapprocher cette impression de palpitation, de vibration du
paysage ou du visage de la technique de peintres impressionnistes comme Monet ou Pissarro, ou
pointillistes comme Seurat ou Signac.
Avec Colchiques, nous ne cessons d’assister à des effets de miroir, à une sorte d’incessant va -et-vient
entre les éléments qui le constituent, entre un tableau paisible et une scène agitée, entre les fleurs et les
yeux, entre des animaux qui s’empoisonnent et le poète pour qui cet amour -ce « faux-amour », écrira-t-il
dans la Chanson du mal aimé- est un poison auquel il ne résiste pas.
Sous-jacent, le champ lexical de la
douleur et du mal (« vénéneux, s’empoisonnent, fracas, battent, dément, abandonnent, mal fleuri ») insinue
même en nous, lecteurs, l’impression d’un glissement progressif mais inéluctable de la maladie à la folie et
de la folie à la mort.
Tout concourt au pathétique, dans ce faux-sonnet où rôde l’alexandrin, jusqu’à l’idée
que, la scène s’étant vidée, le poète reste seul dans ce pré dont il laisse en lui couler le poison.
Le court poème Les colchiques condense à la fois les tonalités de la pastorale et de l’élégie ; nous
pouvons voir qu’à la grande simplicité d’un tableau champêtre peut répondre la richesse des échos qu’il
suscite.
On retrouverait en particulier cette impression de profonde mélancolie de fin de saison ou de fin
d’amour dans d’autres textes du même recueil Alcools, comme Signe, Automne et L’adieu.
Enfin, dans le si.
»
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