Comment comprenez-vous la fascination exercée sur le monde occidental par les pays lointains dont la civilisation est différente de la nôtre ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
PLAN ADOPTÉ DANS LE DEVOIR
- L'objet de la fascination
- Des lieux nouveaux et pittoresques - D'étranges étrangers
- L'étrangeté : un style
- L'attrait du lointain est un refus de l'Occident
- L'Occident est en décadence
- Le lointain est l'enfance du monde
- L'exotisme comme retrouvailles avec la Nature
III. Le lointain permet de retrouver une image inversée de l'Occident - L'exotisme comme arme - Les voyages initiatiques - Le lointain n'est qu'un reflet de l'Occident
«
meurt ou s'efforce à l'oubli.
Marguerite Duras, dans Un barrage contre le Pacifique, rend compte de ce succès en montrant comment deux enseignants français sont partis au Cambodge : « Elle se maria avec un instituteur qui, comme elle, se mouraitd'impatience dans un village du Nord, victime comme elle des ténébreuses lectures de Pierre Loti.
»
La fascination qu'exercent les pays lointains sur nos esprits occidentaux tient donc à leur altérité, géographique etethnographique.
Mais elle vient aussi de notre refus de ce qui représente le monde d'ici, l'Occident.
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L'attrait du lointain tient beaucoup à un refus de l'Occident en décadence.
Notre monde, industrialisé et agité derévolutions (qu'on pense au xixe siècle en particulier), semble sombrer, comme son nom l'indique : l'« occident » estl'endroit où le soleil « tombe », alors que l' « orient » signifie celui où il « se lève ».
Nos pays occidentaux sont enproie aux bouleversements rapides ; l'industrialisation nous a conduits à accélérer notre rythme de vie et il fallaittrouver une échappatoire à cette envahissante modernité.
« Toute ma vie, l'Orient avait été le rêve de mes jours deténèbres dans les brumes de mon pays natal », écrivait Alphonse de Lamartine au siècle dernier.
Le climat de noslatitudes, l'urbanisme de nos grandes cités et l'uniformité de nos vies provoquent l'ennui.
C'est ainsi que Lord Byronest allé mourir pour la Grèce en 1824, lui qui étouffait dans l'Angleterre puritaine du début du 'axe siècle.
Par sa précipitation, l'Occident a perdu ses attaches et le lointain semble représenter l'enfance du monde.
L'Orientest le berceau du Christianisme, et c'est ainsi que le concevait Chateaubriand dans son itinéraire de Paris à Jérusalem.
Aux lieux sont nécessairement associées des croyances : les oliviers de Terre sainte rappellent le Christ ; Thibet de Victor Segalen fait de cette montagne le pivot d'un pays spirituel qui exalte les plus hautes vertus humaines.
L'Histoire moderne, et surtout celle des conquêtes napoléoniennes, se voit brusquement confrontée à dessiècles de civilisations comme celles de l'Egypte, ou de l'Extrême-Orient au moment de la colonisation de l'Indochine.
Ce qui marque aussi les voyageurs, du XVIIIe au XXe siècle, c'est la capacité des peuples visités à rester encommunication avec la Nature.
Le mythe du bon sauvage, bien établi au siècle des Lumières par Jean-JacquesRousseau et ses contemporains, a la vie dure.
Le Tahitien, décrit par Louis-Antoine de Bougainville dans son Voyage autour du monde à bord de la frégate la Boudeuse, permet à Denis Diderot (dans son Supplément au Voyage de Bougainville) de glorifier ce mode de vie dit « primitif », qui n'a pas subi la dégradation de la civilisation occidentale esclavagiste et mercantile.
Au xvy siècle déjà, Michel de Montaigne dans les Essais (I, 31) montrait que les cannibales avaient une morale supérieure à la nôtre, parce que plus proche des origines de l'humanité.
Aujourd'hui encore, les îles, qu'il s'agisse deMaurice, Tahiti ou des Seychelles, bénéficient de cette aura de perfection.
Leur nature même d'îles, isolées parl'Océan, contribue au mythe.
Charles Baudelaire n'a, par exemple, rien retiré de son voyage réel à la Réunion et àMaurice, mais il est resté fasciné par cette notion d'île exotique, comme en témoignent des textes des Fleurs du mal (« Parfum exotique ») ou des Petits Poèmes en prose (« Un hémisphère dans une chevelure »).
Ce qu'il garde comme quintessence des pays lointains, c'est un modèle de pérennité, d'intemporalité bénéfique.
De manièresimilaire, le peintre Paul Gauguin, à Tahiti, opère un retour à l'innocence : ses personnages sont alanguis et sereins ;son art renoue avec la peinture naïve.
Les pays lointains fascinent parce qu'ils n'ont pas cédé à ce qui a occasionné la faillite supposée du mondeoccidental.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : la façade exotique de ces pays de rêves est encore une façon pour nousde renouer avec notre identité : nous fuyons pour mieux nous retrouver.
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Le lointain permet de retrouver une image inversée de l'Occident.
Par sa différence, apparemment radicale, d'avecnotre univers, l'étranger autorise par exemple la satire*.
En effet, il nous permet de jeter un regard à distance sur lemonde que nous avons quitté et d'en mettre en évidence les laideurs.
C'est ainsi que les philosophes du XVIIIesiècle n'ont pas manqué de donner aux étrangers le rôle de dénonciateurs des travers de la société française.Montesquieu met dans la bouche de voyageurs persans une violente satire du pouvoir royal et religieux en France,dans les Lettres persanes, parues anonymement en 1721.
Le nègre de Surinam, rencontré par Candide, permet à Voltaire une dénonciation sans appel de l'esclavagisme.
D'autre part, les pays lointains, par leur caractère intemporel, constituent un espace propice aux voyagesinitiatiques au cours desquels l'Européen retrouve ses racines spirituelles.
Les Beatniks l'ont ainsi compris, dans lesannées soixante-dix, lorsqu'ils partaient en Inde croyant que les drogues et le végétarisme leur donneraient la clefdu monde.
Les romantiques avaient, avant eux, déjà expérimenté le hachisch, tels Charles Baudelaire, ThéophileGautier, Gérard de Nerval.
L'expérience n'a pas été si concluante et l'initiation aux mystères exotiques est passée
par d'autres voies, comme la participation aux rites religieux ou culturels.
Ce que le voyageur apprécie par-dessustout, dans ses périples lointains, c'est d'assister aux fêtes locales qui sont pour lui autant d'initiations.
Gérard deNerval, dans son Voyage en Orient, cherche à se guérir mentalement et les cérémonies sont pour lui des purifications.
On notera l'importance des bains dans la littérature et dans la peinture exotique, chez Ingres parexemple qui a peint plusieurs scènes de bains turcs..
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