Comme il vous plaira (acte II, scène 7): Le monde entier est une scène. William Shakespeare
Publié le 19/03/2020
Extrait du document
LE DUC
« Nous ne sommes pas seuls à être malheureux. Sou venez-vous plutôt de l’immense théâtre De l’Univers où l’on assiste à des spectacles Bien plus sombres que ceux où nous sommes acteurs.
JACQUES
Le monde entier est une scène, Hommes et femmes, tous, n’y sont que des acteurs, Chacun fait ses entrées, chacun fait ses sorties, Et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles. C’est un drame en sept âges. D’abord, le tout-petit Piaulant et bavant aux bras de sa nourrice, Puis, l’écolier qui pleurniche, avec son cartable, Et son teint bien lavé qu’il n’a que le matin. Il s’en va lambinant comme un colimaçon Du côté de l’école. Et puis c’est l’amoureux Aux longs soupirs de forge et sa ballade triste En l’honneur des sourcils parfaits de sa maîtresse. Et puis vient le soldat tout couvert de jurons Et de poils, comme une panthère, querelleur. Poursuivant cette bulle d’air qu’on nomme la gloire, Il veille, l’arme au pied, sur sa réputation Et jusque sous la gueule en flammes du canon. Puis le juge, entouré de sa panse fourrée D’un bon chapon; œil dur et barbe formaliste, Plein de sages dictons, d’exemples familiers. Ainsi joue-t-il son rôle...
Le sixième âge porte un maigre pantalon, D’où sortent des pantoufles, Les lunettes au nez, le bissac au côté, Les hauts-de-chausses qu’il avait dans sa jeunesse Avec soin conservés, sont trop larges d’un monde Pour ses mollets ratatinés.
Et sa voix qui jadis était forte et virile Revenant au fausset de l’enfance, module Un ton siffleur. Et voici la scène finale Qui met un terme au cours de cette étrange histoire, Il redevient enfant, l’enfant qui vient de naître, Sans mémoire, sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien. »
«La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre histrion qui se pavane et s’échauffe une heure sur la scène et puis qu’on n’entend plus. »
« Va, joue, petit, joue; ta mère joue et moi aussi je joue, mais rôle si ingrat qu’au bout de la pièce je mourrai sous les sifflets : mépris et huées seront mon glas funèbre. »
«
39 • SCÈNE (et monde) / 295
Et son teint bien lavé qu'il n'a que le matin.
Il s'en va lambinant comme un colimaçon
Du côté de l'école-.
Et puis c'est l'amoureux
Aux longs soupirs de forge et sa ballade triste
En l'honneur de-s sourcils parfaits de sa maîtresse.
Et puis vient le soldat tout couvert de jurons Et de poils, comme une panthère, querelleur.
Poursuivant cette bulle d'air qu'on nomme la gloire,
Il veille, l'arme au pied, sur sa réputation
Et jusque sous la gueule
en flammes du canon.
Puis le juge, entouré de sa panse fourrée
D'un bon chapon; œil dur et barbe formaliste,
Plein de sages dictons, d'exemples familiers.
Ainsi joue-t-il son rôle
...
Le sixième âge porte un maigre pantalon, _
D'où sortent des pantoufles,
Les lunettes
au nez, le bissac au côté, Les hauts-de-chausses qu'il avait dans sa jeunesse
Avec soin conservés, sont trop larges d'un monde
Pour ses mollets ratatinés.
Et sa voix qui jadis était forte et virile
Revenant au fausset de l'enfance, module
Un ton siffleur.
Et voici la scène finale
Qui met un terme au cours de cette étrange histoire, Il redevient enfant, l'enfant qui vient de naître,
Sans mémoire, sans dents, sans yeux, sans goût, sans
rien.»
► Cette formule («Le monde entier est une scène»),
dans le texte précité, traduit de l'anglais par Jules Super
vielle, se trouve chez l'auteur du
Satiricon, !'écrivain latin
Petrone, qui vivait au
1er siècle de notre ère.
Elle figurait
au fronton du Théâtre du Globe, le théâtre de Shakes
peare, construit en 1599:
« Totus mundus agit histrio
nem
».
C'est précisément à la même époque qu'est repré
sentée
la comédie Comme il vous plaira (1598-1600).
Ce thème du monde-spectacle, Shakespeare l'affec
tionne particulièrement;
il le reprend, notamment, dans
Macbeth vers 1605 et dans Le Conte d'hiver (1611).
Ainsi,
dans
Macbeth, au dénouement (V, 6):
«La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre his
trion qui se pavane et s'échauffe une heure sur
la scène et puis qu'on n'entend plus.».
»
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