Colette et le blé en herbe - commentaire composé de l'incipit
Publié le 01/10/2018
Extrait du document
Enfin son physique ne s’est pas encore entièrement métamorphosée. Elle n’en finit pas certes de grandir, comme se lamente Philippe, mais elle ne s’étoffe pas encore et sa gorge est « absente ». Notons la façon très pudique qu’a ce garçon d’évoquer la poitrine de Vinca.
Nous serons loin de cette Vinca à la fin du roman. Le temps d’un été, l’héroïne aura éprouvé un amour naissant pour Phill que viendra attiser la jalousie qu’elle éprouve face à l’aventure du garçon pour Madame Dalleray.
Cet épisode l’aura révélée en tant que femme et c’est avec une certaine sensualité que nous la retrouverons à la fin du roman en présence de Phill « enfoncer ses mains dans l’épaisseur de ses cheveux (et retirer de leur désordre une brindille sèche ». « Ses yeux luttaient d’azur avec la mer matinale, elle peignait ses cheveux et recommençait, à bouche fermée sa petite chanson… « Penchée, elle écrasait sa gorge sur le balcon de bois et tendait vers la chambre de Philippe ».)
Conclusion :
Le blé en herbe a poussé, les jeunes adolescents ont grandi également et ont traversé, chacun à sa manière cette période troublante des premiers émois amoureux que constitue l’adolescence.
Nous retrouvons dans ce passage l’influence de la mère de Colette, Adèle-Eugénie-Sidonie Landoy, dit Sido, qui restera sa conscience campagnarde et lui donnera le goût de la liberté qui transparaît dans ce livre. On retrouve ici l’attrait de l’écrivain pour l’évocation des plaisirs charnels et de la nature. Nous sommes sensibles à la justesse des mots, notamment lorsqu'ils sont chargés d'exprimer l'effusion dans la nature, la sensualité librement épanouie pour revendiquer les droits de la chair sur l'esprit et ceux de la femme sur l'homme.
«
crée ainsi un lien plus étroit avec le lecteur.
Par ce parti-pris littéraire , devons-nous en conclure pour autant que l’écrivain souhaite faire
l’économie d’une présentation préalable du cadre et des protagonistes de son histoire ?En vérité, il n’en est
rien.
B.
Nous sommes bien en présence d’un incipit avec ses principaux éléments constitutifs
1.Le cadre spatio-temporel est fixé.
Nous sommes au bord de la mer.
Nous ne connaissons certes pas le nom de la localité et aucune
précision sur le paysage ne nous permet d’identifier telle région en particulier mais l’essentiel est dit, nous
sommes sur le littoral.
La référence à l’ambiance balnéaire avec l’évocation de « la pêche », des espadrilles racornies par le sel
», de la jupe appartenant à « la crevette et aux crabes » ne laisse aucun doute.
Nous nous situons aussi selon toute vraisemblance durant les vacances d’été : Vinca « a les joues et les
mains noires de hâle », Philippe quant à lui compare la « Vinca de cette année et la Vinca des dernières
années.
Ce traditionnel rendez-vous estival qui met en présence ces deux enfants devenus à présent des
adolescents est suggéré, de ce fait, dans ce passage.
2.
Les deux principaux personnages sont présents dès les premières lignes : Vinca et Philippe.
- Une description physique déjà très précise de la jeune héroïne nous est donnée :
Elle semble bénéficier d’une certaine réputation « on savait que sa jupe appartenait à la crevette », elle
fait partie des personnalités qui animent le lieu, l’été.
Elle est grande, maigre, aux cheveux blonds, bronzée, manifestement peu soucieuse encore de son
apparence.
Ses cheveux sont courts et secs, sa tenue peu soignée.
Philippe, quant à lui, reste cette silhouette dans l’ombre qui épie les mouvements de sa camarade, nous
n’en savons pas plus sur lui, aucune description de son physique nous est livrée.
- En revanche les traits de caractères des deux adolescents nous sont déjà brièvement esquissés :
Philippe apparaît observateur, attentif et sans doute attiré et décontenancé par la jeune fille.
Vinca se montre, quant à elle, résolument plus indépendante, effrontée même et distante.
Elle répond
à Philippe « par un signe de tête hautain », sans s’encombrer de paroles inutiles, elle « dépasse celui qui
l’avait hélée ».
-Les relations complexes entretenues entre ces deux êtres nous sont également implicitement évoquées.
Amis d’enfance, ils se connaissent parfaitement bien comme en témoignent les réflexions de Philippe
sur son amie.
Mais le temps semble les avoir éloignées.
Avec ce passage obligé par l’adolescence, cette belle
complicité s’est estompée.
Colette dans les phrases qui suivent le passage ici étudié nous résume d’ailleurs.
»
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