« Clown », L’Espace du dedans, Henri Michaux.

« véritable moi : « crever l'abcès ; dissipation ; purgation ».

La quête identitaire n'est plus recherchée dans le mondeextérieur mais dans l'espace du dedans.

« Vidé de l'abcès d'être quelqu'un » : c'est se libérer des apparences, c'estne plus vivre dans l'illusion en n'étant plus attaché à des biens affectifs et matériels.L'Homme se conforme donc à nos attentes, s'il accepte ses lien, c'est par conformisme, il agit ainsi pour êtrequelqu'un, pour être comme ses semblables (cf : chiasme « mes semblables, si dignes, si dignes, mes semblables) qui ici est une image du miroir où chaque homme est le miroir de l'autre et donc n'a aucune liberté.Chez Michaux, l'ennuie d'ailleurs se résorbe en soif du dedans.

Il veut crever l'abcès intérieur pour se vider, devenirrien et renaître.

Pourtant, cette renaissance arrive avec un masque, celui de Clown, la soif d'identité abouti donc àune non-identité « être rien » oxymore symbolise cette non-identité. II.B.

Le paradoxe du poème c'est qu'au fond de soi, la vérité porte un masque : celui du clown.

Le clown est d'abordl'image de la condition humaine, nous portons tous un masque ridicule, le courage est de l'admettre.

En acceptantde devenir clown, l'Homme se débarrasse de son orgueil, il se libère en retrouvant son néant originel (champ lexicaldu dépouillement) « réduit ; humilité ; crever l'abcès ; le vide ; je lâcherai ».

Le Clown est aussi l'image du poète.

Letitre est au singulier et témoigne d'un isolement solitaire souhaité et revendiqué.

La solitude est donc renduepositive, c'est la condition de l'introspection spirituelle.

Le rire est donc ici révélateur, il permet d'accéder à lavérité.

Ce lien indissoluble chez Michaux entre l'humour et la poésie est remarquable dans l'association des termes «rosée » et « risée » (+ idée de renaissance).

C'est par le renversement des fausses identités et par la bouffonnerieassumée que le poète peut espérer retrouver son vrai visage. III.A.

Visuellement, le texte est une métaphore de l'acte poétique.

De même que le poète plonge en lui-même, letexte plonge et se désintègre, après un flot verbal qui semblait s'être déployé à l'infini.

Le texte semble ne pasarriver à se terminer comme une vague qui échoue sur une plage.

L'aposiopèse finale avec les points de suspensiontraduit soit l'échec du poète qui n'arrive pas à se dire sert l'humilité du poète qui sait que les mots seront toujoursimpuissants pour retranscrire la réalité.

Le texte a donc du mal à se dire (cf : répétitions, phrases interrogatives), ilinvente des mots (néologisme) et fait un double-attelage (tirets).

Les parenthèses et les points de suspensionmontrent qu'il a du mal à se dire.

Le langage devient donc impropre pour se dire et il est nécessaire de recréer unelangue pour exprimer ses sentiments. III.B.

Ce texte est avant tout une mise en abyme de la poésie.

On passe d'une poésie qui prenait le monde pourobjet à une poésie qui prend pour sujet l'homme, et même la poésie.

Mais le danger est que la poésie ne devienneune aporie (un projet impossible, problème sans solution).

Les mots seront toujours moins puissants que la réalité etle poète en est conscient.

Dans ce poème on entend ainsi parfois la voix du poète qui juge et se moque de sapoésie (autodérision) cf.

: les parenthèses.Il y a donc un poète qui écrit et un poète qui juge celui qui écrit : c'est un phénomène de distanciation qui semblerévéler les limites du langage poétique. Conclusion : Michaux reprend la tradition baroque du théâtre du monde « Theatrum Mundi » : le monde n'estqu'apparences.

Les Hommes sont des clowns en ce sens qu'ils portent un masque pathétique, et l'artiste est unclown en ce sens qu'il est conscient de ce masque et qu'il l'exhibe.

Michaux évoque sa souffrance personnelle pourexprimer la souffrance universelle : le clown libère donc l'Homme de ses souffrances.Mais la poésie réflexive à ses limites en se retournant sans cesse sur elle-même, la poésie ne risque-t-elle pas demourir, comme Narcisse contemplant sans cesse son reflet ?. »