Clément Marot - Epître au Roy, du temps de son exil à Ferrare
Publié le 14/05/2014
Extrait du document
Le calme revient en France, et MAROT se décide à plaider sa cause (mai ou juin 1535). S'il s'est exilé,
c'est, dit-il, pour échapper à l'iniquité des juges prévenus contre lui depuis la satire de l'Enfer. Les
ennuis du poète viennent aussi de « l'ignorante Sorbonne « ennemie des esprits cultivés. Ainsi, très
habilement, Marot associe sa cause à celle du roi, protecteur des beaux-arts. Voici maintenant le
point délicat : l'accusation d'hérésie. On étudiera comment. MAROT, écrivant au roi catholique, mais
ne pouvant abjurer nettement puisqu'il est à Ferrare, s'arrange pour proclamer sa foi chrétienne, sur
un ton très pénétré, sans toutefois reconnaître l'autorité catholique ni abdiquer le droit de juger
uniquement d'après les Écritures. Il va même jusqu'à souhaiter le martyre..., mais c’est pour
introduire le vœu, plus modéré, d'honorer Dieu dans tous ses écrits. Ce mélange de rouerie et de
sincérité ne peut s'accepter que si l'on songe au danger réel auquel exposaient alors les haines
religieuses : ÉTIENNE DOLET sera brûlé par les catholiques en 1546, MICHEL SERVET par les Calvinistes
en 1553.
Eulx, et leur court en absence, et en face,
Par plusieurs foys m'ont usé de menace:
Dont la plus doulce estoit en criminel.
M'executer. Que pleust à l'Eternel,
Pour le grand bien du peuple desolé,
Que leur desir de mon sang fust saoulé,
Et tant d'abus, dont ilz se sont munys,
Fussent à clair descouverts, et punys.
O quatre foys, et cinq foys bien heureuse
La mort, tant soit cruelle, et rigoreuse,
Qui feroit seulle ung million de vies
Soubs telz abus n'estre plus asservies!
Or à ce coup il est bien evident,
Que dessus moy ont une vieille dent,
Quand ne pouvant crime sur moy prouver,
Ont tres bien quis, et tres bien sceu trouver
Pour me fascher briefve expedition,
En te donnant maulvaise impression
De moy ton serf, pour apres à leur aise
Mieulx mectre à fin leur voulunté maulvaise:
Et pour ce faire ilz n'ont certes heu honte
Faire courir de moy vers toy maint compte,
Avecques bruyt plein de propos menteurs,
Desquelz ilz sont les premiers inventeurs.
De Lutheriste ilz m'ont donné le nom:
Qu'adroict ce soit, je leur responds, que non.
Luther pour moy des cieulx n'est descendu,
Luther en Croix n'a pas esté pendu
Pour mes pechés: et tout bien advisé, Au nom de luy ne suis point baptizé:
Baptizé suis au nom, qui tant bien sonne,
Qu'au son de luy le Pere eternel donne
Ce, que l'on quiert: le seul nom soubs les cieulx
En, et par qui ce monde vicieulx
Peult estre sauf. Le nom tant fort puissant
Qu'il a rendu tout genoil fleschissant,
Soit infernal, soit celeste, ou humain:
Le nom, par qui du seigneur Dieu la main
M'a preservé de ces grands loups rabis,
Qui m'espioyent dessoubs peaulx de brebis.
O seigneur Dieu, permectez moy de croyre,
Que reservé m'avez à vostre gloyre.
Serpents tortus, et monstres contrefaicts
Certes sont bien à vostre gloyre faicts:
Puis que n'avez voulu doncq' condescendre,
Que ma chair vile ayt esté mise en cendre,
Faictes au moins tant, que seray vivant,
Que vostre honneur soit ma plume escripvant:
Et si ce corps avez predestiné
A estre ung jour par flamme terminé,
Que ce ne soit au moins pour cause folle:
Aincoys pour vous, et pour vostre parolle:
Et vous supply, Pere, que le tourment
Ne luy soit pas donné si vehement,
Que l'âme vienne à mectre en oubliance
Vous, en qui seul gist toute sa fiance:
Si que je puisse avant, que d'assoupir,
Vous invocquer, jusqu'au dernier souspir.
Que dys je? Où suis je? O noble Roy Françoys,
Pardonne moy, car ailleurs je pensoys.
Suit le récit de perquisitions faites chez lui, où l'on a trouvé des livres défendus : mais un poète ne
doit-il pas connaître tous les livres? Il lui suffit de savoir distinguer tout ce qui s'accorde avec les
Saintes Écritures ! Marot se mettait en route pour se disculper auprès du monarque, quand éclata le "
Scandale des Placards ". On lui a fait craindre un mauvais accueil et il s'est réfugié auprès de la
duchesse de Ferrare, belle-soeur du roi. Il n'a donc pas abandonné le service du roi : son aventure "
vient plutôt de malheur que de vice ".
A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN
L'ÉPITRE AU ROI n'était qu'une apologie de Marot pour préparer son retour. Le mois suivant, l'habile
courtisan adresse une ÉPITRE AU DAUPHIN lui demandant de lui faire accorder par le roi "un petit
sauf-conduit" de six mois pour revoir ses trois enfants : Non pour aller visiter mes châteaux / Mais
bien pour voir mes petits Maroteaux. Et Marot d'évoquer les délices du retour, pour finalement admettre qu'on pourrait bien l'autoriser à
rester définitivement en France : il a si bien appris, en exil, à tenir sa langue !
Au Roi, du temps de son exil à Ferrare
Dans le début de ce court extrait d'une longue épître (6o vers sur 21o), Marot
attaque ceux qui l'attaquent : les gens de justice qui ont poursuivi l'auteur de
l'Enfer, mais en vain, car le roi l'a sauvé ; puis la Sorbonne, que Marot présente
comme une ennemie réelle du roi lui-même
Composition. —
a) Menacé d'être exécuté, Marot accepterait une mort exemplaire et efficace, si la
vengeance de la Sorbonne pouvait faire éclater au grand jour ses abus (v. 1-12).
b) Profession de foi de Marot (v. 53-40).
c) Prière à Dieu : il est prêt à subir le martyre (v. 41-60).
«
Au nom de luy ne suis point baptizé:
Baptizé suis au nom, qui tant bien sonne,
Qu'au son de luy le Pere eternel donne
Ce, que l'on quiert: le seul nom soubs les cieulx
En, et par qui ce monde vicieulx
Peult estre sauf.
Le nom tant fort puissant
Qu'il a rendu tout genoil fleschissant,
Soit infernal, soit celeste, ou humain:
Le nom, par qui du seigneur Dieu la main
M'a preservé de ces grands loups rabis,
Qui m'espioyent dessoubs peaulx de brebis.
O seigneur Dieu, permectez moy de croyre,
Que reservé m'avez à vo stre gloyre.
Serpents tortus, et monstres contrefaicts
Certes sont bien à vostre gloyre faicts:
Puis que n'avez voulu doncq' condescendre,
Que ma chair vile ayt esté mise en cendre,
Faictes au moins tant, que seray vivant,
Que vostre honneur soit ma plume escripvant:
Et si ce corps avez predestiné
A estre ung jour par flamme terminé,
Que ce ne soit au moins pour cause folle:
Aincoys pour vous, et pour vostre parolle:
Et vous supply, Pere, que le tourment
Ne luy soit pas donné si vehement,
Que l'âme vienne à mectre en oubliance
Vous, en qui seul gist toute sa fiance:
Si que je puisse avant, que d'assoupir,
Vous invocquer, jusqu'au dernier souspir.
Que dys je? Où suis je? O noble Roy Françoys,
Pardonne moy, car ailleurs je pensoys.
Suit le récit de perquisitions faites chez lui, où l'on a trouvé des livres défendus : mais un poète ne
doit -il pas connaître tous les livres? Il lui suffit de savoir distinguer tout ce qui s'accorde avec les
Saintes Écritures ! Marot se mettait en route pour se disculp er auprès du monarque, quand éclata le "
Scandale des Placards ".
On lui a fait craindre un mauvais accueil et il s'est réfugié auprès de la
duchesse de Ferrare, belle -soeur du roi.
Il n'a donc pas abandonné le service du roi : son aventure "
vient plutôt de malheur que de vice ".
A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN
L'ÉPITRE AU ROI n'était qu'une apologie de Marot pour préparer son retour.
Le mois suivant, l'habile
courtisan adresse une ÉPITRE AU DAUPHIN lui demandant de lui faire accorder par le roi "un petit
sauf -co nduit" de six mois pour revoir ses trois enfants : Non pour aller visiter mes châteaux / Mais
bien pour voir mes petits Maroteaux..
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