Clamence et le Christ, ou un prophète pour temps médiocres (Camus)
Publié le 09/08/2014
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Ce roman, écrit « dans un monde sans Dieu «, est chargé de références bibliques et traite du mal, de la grâce et de la rédemption, problèmes majeurs pour les chrétiens comme pour Camus. Les rapprochements sont donc inévitables, et même suggérés.

«
E X P 0 S É S F C H E S
Le Christ
Il est évoqué avec une familiarité compatissante : «L'autre, celui auquel vous
pensez en ce moment, peut-être» (p.
118).
Pour Clamence, Jésus porte la trace d'un« crime innocent», celui des Innocents massacrés par Hérode à sa place.
Mais
il a prêché et pratiqué l'amour, et, en mourant sur la croix, a racheté les fautes des
hommes.
Cette générosité et cette rédemption hantent Clamence, comme le
Camus du Mythe de Sisyphe et de L'Homme révolté.
Comme le Christ était
«l'alpha et l'oméga», Clamence proclame:« Je suis la fin et le commencement.»
Pour tous deux, le sacrifice a provoqué souffrance et solitude.
De plus, Clamence
dénonce la trahison dont a été victime Jésus, de la part de Pierre d'abord, puis de
l'Église, qui a censuré et déformé son message en établissant
Je dogme.
Le pape de Mexico-City
Clamence lui-même a été élu pape dans un camp de prisonniers en Afrique, par
dérision.
À peine une dizaine d'années après Je retour des prisonniers d'Alle
magne, Camus
ne manquait sans doute pas de témoignages récents.
Le personnage
s'est pris alors au jeu du pouvoir, dont l'enjeu était la distribution de l'eau, donc la
vie ou la mort.
Or, C!amence a bu l'eau d'un camarade agonisant, en se persuadant
qu'il était plus important que lui.
Son pouvoir, destiné à aider les autres, s'est donc
retourné en valeur en soi et a abouti
à la mort de celui qu'il devait protéger.
C'est
exactement le débat de L'Homme révolté: pour défendre une valeur, on finit par la
renier.
« C'est ainsi, cher, que naissent les empires et les églises » (p.
133) .
..
Ill -LE PROPHÈTE
Vox clamans in deserto
L'expression vient del' Ancien Testament et se retrouve dans les Évangiles, où
elle désigne Jean-Baptiste,«
criant dans le désert».
Cette formule, que Clamence
reprend page 152, donne un sens à son nom : Clamence-clamans.
Le prophète parle« devant» ou« avant», suivant que l'on donne au préverbe« pro» un sens
spatial ou temporel.
Il est donc !'annonciateur des temps nouveaux, ou le porte-pa
role
du message christique.
Mais l'autoportrait de Clamence en« prophète vide pour temps médiocres» (p.
123) est plein de dérision et de désespoir.
Que prêche-t-il ?
Est-ce un évangile à l'envers, qui demande la communion dans le mal?
Dans un univers aussi sombre, la seule forme d'amour semble être la dérision, au
mieux la communion dans la souffrance.
Est-il
à la recherche de disciples ? Ou
bien, comme le fait le héros de Caligula, veut-il aller jusqu'au bout de sa folle
logique: si le bien n'existe pas, si l'amour n'est qu'égoïsme, et l'attention aux
autres intérêt et peur,
que le raisonnement aille jusqu'à l'absurde : tous cou
pables, à genoux,
et Clamence enfin retrouvera son pouvoir.
Conclusion : Certains ont
vu dans La Chute un retour de Camus au chris
tianisme.
Or, celui-ci a déclaré à Stockholm: «Je n'ai que vénération et
respect devant la personne
du Christ et devant son histoire ; je ne crois pas
à sa résurrection.
» La lecture du christianisme n'est donc que morale.
Comme il l'a fait de Sisyphe, Camus utilise un mythe créé par les
hommes pour traduire leurs angoisses et aider
à vivre.
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»
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