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CINQUIÈME PARTIE DE LA NOUVELLE HELOISE DE ROUSSEAU

Publié le 28/04/2011

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rousseau

   Les cœurs se calment.    Milord Edouard juge avec sévérité la scène de Meillerie : « Malheureux ! Si Julie était faible, tu succomberais demain et ne serais qu'un vil adultère «. Que Saint-Preux décide si « toujours en proie à de vains regrets « il sera à jamais inutile à lui et aux autres et à Milord Edouard. Saint-Preux le rassure : « La scène de Meillerie a été la crise de ma folie et de mes maux. Les explications de M. de Wolmar m'ont entièrement guéri tout autant qu'on peut l'être, et je préfère la tristesse d'un regret imaginaire à l'effroi d'être sans cesse assiégé par le crime «. Il est fort surprenant qu'un raisonnement alambiqué (M. de Wolmar a répété sa démonstration que Saint-Preux aime Julie d'Etange et non Julie de Wolmar) ait suffi à corriger un sentiment si profond. Quoi qu'il en soit Saint-Preux a retrouvé le calme nécessaire pour goûter pleinement le bonheur qui règne au château et expliquer dans une longue lettre les secrets de ce bonheur.

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« Elle et son mari sont persuadés que la vie citadine est pernicieuse, que la prospérité d'un état tient à celle de sespaysans et que d'ailleurs seuls ces paysans ont des chances d'être heureux.

« La condition naturelle de l'homme estde cultiver la terre et de vivre de ses fruits.

Le paisible habitant des champs n'a besoin pour sentir son bonheur quede le connaître ».

Ils s'efforcent donc de faire aimer cette vie des champs et de « ne point favoriser leschangements de condition ».

Peut-être, objecte Saint-Preux, ces changements sont-ils nécessaires au progrès etfaut-il songer aux talents cachés qu'on laissera se perdre dans l'uniformité de la vie rurale.

Mais Julie ne croit guèreà ces talents ; s'ils existent elle ne croit guère à leur utilité ; le prétendu progrès est plus dangereux qu'utile.

Parmitoutes ces règles de conduite de Julie une seule semble discutable à Saint-Preux.

Elle ne refuse jamais une légèreaumône à tous les mendiants qui se présentent.

Mais elle justifie longuement cette charité sans discernement.

Lalongueur s'explique parce que cette mendicité était, vers 1760, une des plaies de la Suisse comme de la France,qu'on discutait longuement de ses causes et de ses remèdes, et parce que Voltaire, que Rousseau n'aimait pas,accusait les riches de nourrir les mendiants comme une vermine. L'administration du domaine. Comment M.

et Mme de Wolmar peuvent-ils vivre avec cet « air d'opulence » alors que leur bien est médiocre ? M.de Wolmar l'explique à Saint-Preux.

Ils mettent en pratique un système que Rousseau retrouvait dans les livres deséconomistes et notamment dans Y Ami des hommes.

Ils exploitent leurs domaines par eux-mêmes et ils vivent surces domaines. Je suis entré dans tous les détails du ménage, et j'ai partout vu régner le môme esprit.

Toute la broderie et ladentelle sortent du gynécée ; toute la toile est filée dans la basse-cour ou par de pauvres femmes que l'on nourrit.La laine s'envoie à des manufactures dont on tire en échange des draps pour habiller les gens ; le vin, l'huile et lepain se font dans la maison ; on a des bois en coupe réglée autant .qu'on en peut consommer : le boucher se payeen bétail ; l'épicier reçoit du blé pour ses fournitures ; le salaire des ouvriers et des domestiques se prend sur leproduit des terres qu'ils font valoir ; le loyer des maisons de la ville suffit pour l'ameublement de celles qu'on habite ;les rentes sur les fonds publics fournissent à l'entretien des maîtres et au peu de vaisselle qu'on se permet ; lavente des vins et des blés qui restent donne un fonds qu'on laisse en réserve pour les dépenses extraordinaires :fonds que la prudence de Julie ne laisse jamais tarir, et que sa charité laisse encore moins augmenter.

Elle n'accordeaux choses de pur agrément que le profit du travail qui se fait dans sa maison, celui des terres qu'ils ont défrichées,celui des arbres qu'ils ont fait planter, etc.

Ainsi, le produit et l'emploi se trouvant toujours compensés par la naturedes choses, la balance ne peut être rompue, et il est impossible de se déranger. D'ailleurs, M.

de Wolmar confirme les observations de Saint-Preux.

Leur opulence est faite de simplicité ; lesraffinements apparents ne sont qu'un choix adroit parmi les biens que leurs terres leur prodiguent.

« Le rancio, lecherez, le malaga, le chassaigne, le syracuse dont vous buvez avec tant de plaisir ne sont en effet que des vins deLavaux diversement préparés, et vous pouvez voir d'ici le vignoble qui produit toutes ces boissons lointaines ».D'ailleurs pas de dépenses d'ostentation puisqu'on ne mène jamais la vie mondaine, qu'il n'y a pas de réceptions nid'invités.

Point de « ces tas de désœuvrés qu'on appelle bonne compagnie ».

Les hôtes ne sont que de braves gensqui ont une vie utile et qui ont quelque chose à dire, « de paisibles campagnards sans monde et sans politesse ;mais bons, simples, honnêtes et contents de leur sort ; d'anciens officiers retirés du service ; des commerçantsennuyés de s'enrichir »...

Souvent même on invite quelque vieux paysan honnête et judicieux, ravi de l'honneurqu'on lui fait, des menus cadeaux qu'on lui donne pour les siens et qui retourne chez lui en chantant les louangesdes seigneurs bienfaisants. Les plaisirs du cœur. Assurément, les joies que l'on goûte dans cette maison n'ont rien de commun avec celles que poursuivent les gensdu monde et qui ne leur laissent que la satiété et l'ennui.

Ce sont celles de l'union des cœurs, de la paix de l'âme ;c'est un bonheur fait, dans ses moments les plus doux, de communion silencieuse et de sérénité chaleureuse.

Saint-Preux évoque, dans une lettre à Milord Edouard, une « matinée à l'anglaise » où il a goûté plus profondément « leplaisir d'être ensemble et la douceur du recueillement ». Après six jours perdus aux entretiens frivoles des gens indifférents, nous avons passé aujourd'hui une matinée àl'anglaise, réunis et dans le silence, goûtant à la fois le plaisir d'être ensemble et la douceur du recueillement.

Queles délices de cet état sont connues de peu de gens ! Je n'ai vu personne en France en avoir la moindre idée.

Laconversation des amis ne tarit jamais, disent-ils.

Il est vrai, la langue fournit un babil facile aux attachementsmédiocres ; mais l'amitié, mylord, l'amitié ! Sentiment vif et céleste, quels discours sont dignes de toi ? quelle langueose être ton interprète ? Jamais ce qu'on dit à son ami peut-il valoir ce qu'on sent à ses côtés ? Mon Dieu ! qu'unemain serrée, qu'un regard animé, qu'une étreinte contre la poitrine, que le soupir qui la suit, disent de choses ! etque le premier mot qu'on prononce est froid après tout cela ! O veillées de Besançon ! moments consacrés ausilence et recueillis par l'amitié ! O Bomston, âme grande, ami sublime ! non, je n'ai point avili ce que tu fis pour moi,et ma bouche ne t'en a jamais rien dit. Il est sûr que cet état de contemplation fait un des grands charmes des hommes sensibles.

Mais j'ai toujours trouvéque les importuns empêchaient de le goûter, et que les amis ont besoin d'être sans témoin pour pouvoir ne se riendire qu'à leur aise.

On veut être recueillis, pour ainsi dire, l'un dans l'autre : les moindres distractions sontdésolantes, la moindre contrainte est insupportable.

Si quelquefois le cœur porte un mot à la bouche, il est si doux. »

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