CINQUIÈME ACTE - SCÈNES 1 ET 2 du DOM JUAN DE MOLIÈRE
Publié le 22/02/2012
Extrait du document


«
L'auteur de Tartuffe prouvait, en tout cas, par cette ultime parade de Dom Juan, combien il était difficile dedistinguer la fausse et la vraie dévotion.
Rien ne permettait de discerner l'original de la copie, ni dans le langage, nidans l'expression, ni dans le jeu des intonations, ni dans la composition du visage, ni dans le maintien, enfin, danstout ce qui relevait, en fait, de l'art de l'acteur.
Un stratagème utile
Son fidèle Sganarelle, son alter ego, s'y est lui-même laissé prendre.
Il prétendait pourtant connaître son « DomJuan sur le bout du doigt ».
Il ne s'en répand pas moins en félicitations sur une conversion dont la soudaineté nesemble pas l'étonner.Dom Juan laisse voir son dépit devant tant de naïveté qui montre le peu de profit que son élève a su faire de sesleçons.
L'hypocrite a toutes les raisons de se sentir incompris : « La peste le benêt! »Il aurait pu se sentir flatté d'avoir si bien réussi à contrefaire le dévot que même son confident, son double, a pris »pour de bon argent » ce qu'il vient de dire.
Mais il est déçu, au fond, de constater que Sganarelle, malgré toute leurcomplicité, ait pu croire en un changement qui aurait supposé, s'il avait été sincère, une véritable trahison de sesconvictions profondes.
Peut-être faut-il entendre ce cri comme un sursaut contre une solitude qui est la vraierançon (le ses méfaits.Dom Juan expose alors patiemment pour son confident les raisons de son attitude envers son père :
«...
c'est un dessein que j'ai formé par pure politique, un stratagème utile, une grimace nécessaire où je veux mecontraindre, pour ménager un père dont j'ai besoin, et me mettre à couvert, du côté des hommes, de centfâcheuses aventures qui pourraient m'arriver.
»
Et, dans un accès d'épanchement, Dom Juan livre un aveu (l'importance qui trahit les vues qu'il a sur Sganarelle etle poids qu'il accorde à ses relations avec son valet :
« Je veux bien, Sganarelle, t'en faire confidence, et je suis bien aise d'avoir un témoin du fond de mon âme et desvéritables motifs qui m'obligent à faire les choses.
»
Sganarelle, décidément balourd, ne comprend pas que Dom Juan puisse, tout en ne croyant rien du tout, s'ériger enhomme de bien.Dom Juan va alors développer un éloge de l'hypocrisie qui est un cours de morale inversée, un cours d'amoralité àl'usage des apprentis ambitieux ou des hédonistes incurables.Il appartiendrait plutôt, quant à lui, à la dernière catégorie, car il voit dans l'hypocrisie plutôt une arme pour seprotéger contre la tyrannie de l'ordre moral imposé par la société que comme un moyen d'arrivisme.
Dom Juan n'estpas un ambitieux.
Il ne voit dans le pouvoir que vaine gloire.
Le mépris qu'il a manifesté devant le tombeau duCommandeur le montre suffisamment.
Il est homme de plaisir.
Eloge de l'hypocrisie
Il justifie en quelque sorte le recours à l'hypocrisie comme une légitime défense face au péril qui le menace et dontla rupture avec son père constituait le plus grave avertissement.
Il a su en tenir compte.La comédie qu'il vient de jouer à Dom Louis n'est donc qu'une riposte, à ses yeux légitime, pour protéger ses droits àla liberté en amour.Il faut bien comprendre la position de Dom Juan comme une position de combat.
Il juge illégitime la couverturemorale sous laquelle la société oblige les individus à sacrifier leurs plaisirs à des conventions telles que le mariage, lafamille, le nom, le rang, l'honneur, à des abstractions telles que la patrie, l'Etat, la religion, etc.En cela, Dom Juan pense comme un démystificateur, une sorte d'anarchiste individualiste.Dans cette lutte permanente, il se trouve, à la fin du quatrième acte, sur la défensive.
Il a perdu la protection grâceà laquelle il pouvait agir impunément.
C'est pourquoi il se transforme en hypocrite, sans renier, bien entendu, sesprincipes de vie, mais pour défendre au contraire ce qu'il estime son droit au bonheur, même s'il exerce ce droit auxdépens d'autrui.Ne reconnaissant de valeur à aucune règle morale, puisque la morale est à ses yeux un jeu de dupes destiné àmuseler les individus au nom d'entités illusoires, il n'a aucun scrupule à faire l'hypocrite.La fin pour lui justifie les moyens et l'hypocrisie est le moyen qui représente le plus d'avantages, car il estextrêmement difficile de démasquer un hypocrite.
Le succès de ce stratagème est fondé sur l'habileté de celui quil'emploie.
C'est ce qui apparente l'hypocrisie à l'art du comédien;Voici comment Dom Juan présente l'hypocrisie :
« C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée, et quoiqu'on la découvre, on n'ose rien dire contre elle.Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement;mais l'hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une.
»
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