CHRONOLOGIE COMPLETE DU SURRÉALISME

« p.

148, le monde est beaucoup plus cohérent qu'aux yeux de la Nature), et surtout que l'au-delà est totalement «endehors de ce monde et après le temps de notre vie» ; l'évolution contemporaine du christianisme est très nette ence sens, et il accepterait sans aucun doute qu'on puisse parler, pour reprendre l'expression de Ferdinand Alquié,d'«un au-delà intérieur aux êtres mêmes».

Il reste, bien sûr, la volonté surréaliste de ne pas accepter en nous lavoix d'une Personne qui nous soit plus intérieure que nous-mêmes, non que le surréalisme ne croie pas à ces voixintérieures qui peuvent nous élargir, mais au total ces voix ne sont que les nôtres que nous sommes restés troplongtemps à mal écouter.

On voit en tout cas à quelles importantes considérations mène un problème qui, aupremier abord, pourrait paraître ne relever que d'une querelle d'École (surréalisme contre symbolisme, par exemple).Techniquement on aura peut-être intérêt à faire éclater cette discussion en deux parties, l'une pour commencer ladissertation et montrer la pointe de paradoxe des deux textes à commenter (on rappellera ainsi dans une premièrepartie les arguments traditionnels en faveur d'une mystique surréaliste), l'autre pour terminer la dissertation après laseconde partie, normalement consacrée à «l'explication», c'est-à-dire à une sérieuse compréhension des deuxcitations proposées.

(On réservera donc pour une troisième partie les objections les plus sérieuses à la thèse dePhilippe Van Tieghem et de Ferdinand Alquié).4 Reste à dire un mot d'une difficulté propre à tout sujet sur le surréalisme : peut-on parler sans d'importantesnuances historiques d'une doctrine née en 1919 et dont on peut considérer que l'acte de décès date de 1969(Manifeste de Jean Schuster du 4 octobre 1969) ? Ce n'est pas tout à fait impossible, car le souci de Breton fut trèsgrand jusqu'à sa mort (1966) de préserver le groupe surréaliste de toutes les déviations et d'autre part dans l'idéede son chef le surréalisme était moins une École qu'une méthode de travail.

Il semble donc qu'à condition d'en parlercomme d'une méthode et d'un esprit, on puisse bien envisager le surréalisme comme un tout, malgré ses cinquanteans d'existence chronologique.

Le cas est certes assez exceptionnel pour une École littéraire, mais précisément lesurréalisme n'est sans doute pas tout à fait une École littéraire (il s'appelait lui-même un «groupe») ni du reste unephilosophie, mais plutôt une manière d'être, celle qui justement croit que le réel est toujours autre qu'il n'apparaîtsans pour autant le diluer dans un spiritualisme flou et confiant.5 Néanmoins, le surréalisme ayant été très lié à l'Histoire et aux événements politiques (ne sont-ce pas desproblèmes politiques qui ont provoqué les principales crises du groupe ? ) et d'autre part la survivance dusurréalisme après ses grands éclats des années 30 étant souvent ignorée, nous croyons utile de présenter ci-dessous une chronologie sommaire, empruntée en partie au numéro spécial d'Europe de novembre-décembre 1968sur le surréalisme, au livre de J.

L.

Bédouin sur Vingt ans de surréalisme, 1939-1959 (1961), à celui de PhilippeAudouin sur André Breton (1970), à celui de Claude Abastado, Introduction au surréalisme (1971), à celui d'AlainLewi, Le surréalisme (1989) et à l'édition des Oeuvres complètes de Breton dans la coll.

de la Pléiade par MargueriteBonnet (1988). 1896 Naissance d'André Breton à Tinchebray dans l'Orne.

1913 Breton commence des études de médecine.1916 Breton, mobilisé dans le Service de Santé (interne provisoire de neurologie), lit Rimbaud et fait la connaissanced'Apollinaire.

Au centrepsychiatrique de la IIe Armée à Saint-Dizier, Breton découvre les premiers travaux de psychanalyse.1917 A Paris Breton se lie avec Philippe Soupault et Aragon comme lui médecin auxiliaire au Val-de-Grâce.

Il fait laconnaissance de Pierre Reverdy qui lui demandera de collaborer à la revue Nord-Sud.1918 Novembre.

Armistice.Décembre.

Publication du Manifeste Dada.1919 Premier numéro de Littérature où Gide et Valéry signent à côté d'Aragon, Breton, Reverdy, etc.

Éluard entre enrapports avec Aragon et Breton.

Les Champs magnétiques de Breton et Soupault constituent le premier texteproprement surréaliste.1920-1921 Développement du Mouvement Dada en France.1920 Congrès de Tours d'où sort le Parti communiste français.1921 Breton fait la connaissance de Freud à Vienne le 10 octobre.1922 Rupture du surréalisme avec Dada : les surréalistes reprochent aux dadaïstes de pratiquer un esprit dedestruction généralisée sans vouloir se prêter à des actions de lutte précises.De septembre 22 à janvier 1923, période des «sommeils hypnotiques».

Représentation le 11 décembre de LocusSolus, pièce tirée d'un récit (1911) de Raymond Roussel : la représentation de Locus Solus est parfois considéréecomme la «bataille J'Hernani» du surréalisme.1923 Constitution, malgré bien des tensions, du premier groupe surréaliste avec Breton, Aragon, Éluard, Soupault,Max Ernst, B.

Péret, Crevel, Vitrac et Desnos.

Breton publie Clair de terre.1924 Année capitale pour l'essor du surréalisme.11 octobre.

Ouverture, 15 rue de Grenelle, du Bureau de Recherches surréalistes.15 octobre.

André Breton, Premier manifeste du surréalisme.18 octobre.

Publication du pamphlet Un cadavre, premier texte surréaliste collectif, attaquant les trois grandsécrivains qui venaient de mourir, Loti, Barrés, France, «l'idiot, le traître, le policier».

Décembre.

Premier numéro de LaRévolution surréaliste, revue qui prétend apporter moins des textes littéraires que des documents à valeurscientifique pour un travail de recherches.

A travers ces diverses initiatives, il est frappant de voir les écrivainsvouloir faire œuvre scientifique, documentaire, collective, plus que littéraire, poétique et individuelle (malgré lapublication de recueils poétiques d'Éluard, Reverdy, etc.).1925 La poursuite de la guerre du Rif, la Conférence de Locarno, la crise monétaire, la guerre civile en Chine, lalecture de Trotsky et de Lénine poussent de plus en plus les surréalistes à se poser des problèmes politiques et à sedemander quel rôle ils peuvent y jouer.

Commencent dès lors des relations, faites à la fois de fascination, demalentendu et de divergences profondes, avec le Parti communiste, auquel les surréalistes reconnaissent le méritede l'efficacité, mais qu 'ils accusent de donner à la Révolution des motivations trop exclusivement matérielles et de. »