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Cherchant à définir le lecteur idéal, un critique contemporain, Robert Escarpit, écrit qu'il «est un lecteur capable de faire du texte qu'il lit quelque chose qui n'appartient qu'à lui et qui n'est pas forcément ce que l'auteur en a fait». En vous appuyant sur vos lectures, vous vous demanderez si cette définition vous paraît correspondre à votre expérience.

Publié le 26/02/2011

Extrait du document

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« • Mais les statistiques montrent que dans le choix de livres de détente ou d'évasion, c'est toujours la facilité qui estdéterminante. • De toute façon, il s'agit d'une lecture subie, c'est toujours l'Autre qui est inconsciemment cherché, i.e.

soit unailleurs qui permet de s'oublier soi-même quelques heures, donc un vide de soi-même que l'on remplace par despersonnages créés, aliénation ; soit une pensée d'autrui ou sa connaissance ou ses recherches que l'on adoptetantôt par humilité ou inquiétude, tantôt pour ne pas avoir à penser par soi-même (parce qu'on ne sait pas, ouqu'on n'est pas sûr ou par soumission d'esprit...), exemple: Pangloss dans Candide (Voltaire) = donc absence dejugement et de l'esprit critique. • D'ailleurs ce phénomène se traduit par des expressions utilisées couramment: on «s'abandonne», on «s'oublie»dans une lecture.

Le passionné de son livre est «emporté», «enfiévré» par sa lecture. • Bref, il s'agit là du lecteur passif. IIe partie : « le lecteur idéal » • La conception courante est donc dangereuse car : — on risque une sclérose d'esprit, de réflexion.

Exemple: l'autodidacte de Sartre (La Nausée) qui n'est qu'une sommede connaissances ; — on arrête une certaine curiosité d'esprit, l'effort intellectuel ; au lieu de chercher par soi-même, on va trouver lesavoir dans un livre, sans le vérifier d'ailleurs ou établir des comparaisons qui permettraient une critique originale ; — bref, on s'appuie sur autrui pour une connaissance que l'on «avale toute crue» (Montaigne) sans l'avoir vraiment«faite sienne». • Mais c'est pire encore dans le domaine de l'imaginaire, car c'est une véritable perte de soi.

Exemple: l'héroïne deLa Dentellière (P.

Laîné) —> sorte d'hypnose, en tout cas de refus du réel —> grande difficulté d'adaptation à ceréel de la vie sociale (exemple: Rousseau). • C'est pourquoi Escarpit réclame un lecteur actif... • ...

«capable de faire du texte qu'il lit quelque chose qui n'appartient qu'à lui » i.e.

un lecteur qui créeconjointement à l'auteur. • Cf.

Balzac : « Lire, c'est créer à deux.

» C'est ce que font les enfants qui recréent leur lecture projection poétiqueplus invention personnelle (par exemple : ils transforment l'histoire; souvent le dénouement ; ou la viventthéâtralement avec leurs jouets, mais toujours ajoutent un apport personnel. • Il ne faut pas se vider de soi-même pour laisser place à l'autre mais collaborer avec l'écrivain : — en assimilant son œuvre, — en la complétant, — de toute façon la survolant avec critique, — au besoin en l'utilisant comme tremplin de sa propre pensée. Exemple : le futur historien A.

Thierry lisant le Bardit des Francs de Chateaubriand et décidant alors de sa vocation ;ou Montaigne lisant Sénèque —» essayant de construire sa propre philosophie de la vie d'abord, donc à partir dustoïcisme ; puis lisant Raymond Sebond, élaborant une seconde construction à partir du scepticisme; enfinconfrontant ses lectures, sa réflexion et ses expériences (= sens de Essais) personnelles, sorte de creuset où seforme sa morale originale : une sagesse humaine. • Ainsi le livre n'est pas une forme d'autorité devant laquelle on s'incline ou une chape de rêverie qui vous emporte.La lecture n'entre pas accidentellement dans le lecteur, qui dépasse la simple crédulité.

Elle est choisie, intégréedans le système de pensée. • Bref, l'esprit critique, de réflexion, et de construction doit toujours être celui du lecteur.

Ce dernier doit êtredisponible, mais en toute honnêteté intellectuelle ; il ne s'agit ni de rejet, ni de nouveauté à tout prix. • Car chacun dépend de la pensée d'autrui et nul ne pense tout par lui-même, mais tout homme doit « frotter etlimer sa cervelle à celle d'autrui » (Montaigne). • Toute lecture doit être un dialogue, une discussion où une partie est admise, une autre remise en question avecun esprit de libre examen.

C'est donc un acte complexe, impliquant des reculs critiques, la mémorisation desréférences ; ...

elle nous révèle parfois à nous-mêmes.. »

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