CHATEAUBRIAND : sa vie et son oeuvre
Publié le 20/11/2018
Extrait du document


«
qu'il
n'a jamais sacrifié aucune de ses passions et de ses
rêveries.
Modernité, on le verra, qui tient tout entière
en la paradoxale et essentielle formule de la Préface
testamentaire : « Des auteurs français de ma date, je suis
quasi le seul dont la vie ressemble à ses ouvrages ...
»
Trois carrières pour un destin
Né à Saint-Malo, non loin de cet océan qui allait être
1 'horizon permanent de sa conscience et de son discours,
François-René de Chateaubriand appartenait à une
famille de vieille noblesse ruinée et récemment « restau
rée» dans sa dignité aristocratique par la fortune com
merciale de sc•n père, René-Auguste, et par le rachat en
1761 du châtèau et des terres de Combourg.
Ce site
austère et grandiose fut le théâtre véritable, bien qu'épi
sodique, de l'enfance d'un être tôt marqué par la modes
tie de sa situation de cadet de famille et l'énergie, les
«délires>> d'une intimité exaltante, partagée dans le
secret avec Lucile, la plus proche et la « préférée» de
ses sœurs.
Au sortir de l'adolescence bretonne, après avoir
renoncé à l'état ecclésiastique puis au métier d'officier
de marine, François-René, qui a pour quelques mois tâté
du métier des armes, se lance dans la première de ses
« carrières », celle de voyageur.
Le 8 avril 1791, il embarque à Saint-Malo pour
l'Amérique, laissant derrière lui, pour presque neuf mois,
une France déchirée par une révolution dont il pressent
déjà le poids �ur son destin et sur celui des jeunes gens
de sa génération, mais gonflé de rêves et de projets qu'il
se promet de réaliser sur les terres du Nouveau Monde.
Au terme d"un itinéraire contesté, qui de Baltimore le
ramènera à Philadelphie via New York et la vallée de
l'Hudson, nombre des songes et utopies du jeune homme
auront fait faillite; mais sur leurs décombres vont germer
les images persistantes du futur auteur d'At a la, des
Natchez et du Voyage en Amérique.
Après ce voyage désiré, au retour en France, l'attend
l'épreuve du •;oyage subi : l'émigration puis l'exil.
Sa
courte «carrière militaire >> dans l'armée des Princes l'a
laissé brisé et malade.
A Bruxelles, à Jersey, puis à Lon
dres et dans la province anglaise, il mène pendant près
de huit ans (1792- 1800) la vie du paria infortuné, nour
rissant de ses rancœurs son premier grand ouvrage, l'Es
sai sur Les révolutions (1797).
La patiente entremise
d'amis comme Fontanes ou Joubert et sa volonté grandis
sante de faire une « rentrée » en France aboutiront, en
mai 1800, à un retour sur le sol de la patrie qui est aussi
un ralliement i la personne fascinante de Bonaparte.
Le
Génie du chtùtianisme en 1802, malgré les ambiguïtés
contestataires de René, scelle par un succès littéraire
un rapprochement de l'homme d'État et de l'écrivain
confirmé, qui rêve alors d'un> d'une France impériale qui triomphe sans
lui.
C'est le t(:mps du voyage en Orient (1806-1807) et
de la retraite studieuse à la Vallée-aux-Loups, où il
rédige, de 1810 à 1812, l'Itinéraire de Paris à Jérusalem,
les Martyrs et les Aventures du dernier Abencérage.
L'échec de l'Empire sera sa revanche politique, clai
ronnée, dès avril 1814, dans sa brochure De Buonaparte
et des Bourbons.
Désormais, il entre pour de bon dans
>.
La première Restauration le fait ministre
d'État, la seconde pair de France, ambassadeur à Berlin
(1 821 ), à Londres (1822), ministre des Affaires étrangè
res (1822-1824) et de nouveau diplomate à Rome (1828-
1829).
Malgré la succession -ou plutôt dans les inter
valles -de ces hautes fonctions, l'auteur remarqué de la
Monarchie selon la Charte (181 6) est pourtant resté
un homme de refus et d'opposition plus qu'un adminis
trateur de circonstance ou qu'un valet inconditionnel
d'un pouvoir royal qu'il sent trop souvent faillir et
défaillir dans les abus ou les mesquineries.
Ses combats
à la Chambre, ses écrits de polémiste et de journaliste au
Conservateur ou aux Débats le prouvent assez.
Rien
d'étonnant à ce qu'en juillet 1830 il n'hésite pas un seul
instant à dire non au régime de Louis-Philippe et à une
politique du juste milieu qui heurte violemment son sens
de la grandeur et son intransigeance légitimiste.
[Voir
aussi CONSERVATEUR LITTÉRAIRE (le)).
En dépit de ses démarches répétées pour la cause de
la duchesse ,de Berry et de la publication d'ouvrages
comme les Etudes historiques (1831) ou le Congrès de
Vérone (1838), sa vie politique est terminée.
Il lui reste
tout juste dix-huit ans pour transformer l'aléatoire suc
cession de ses,« carrières >> de voyageur, de soldat et de
commis de l'Etat en la cohérente perspective du destin
d'un homme et d'un écrivain.
A l'exception de quelques
mois consacrés à la superbe et émouvante Vie de Rancé
(1 844 ), il emploiera toutes ces années à l'écriture, à
l'ordonnancement et aux infimes corrections des Mém oi
res d'outre-tombe, auxquels il songe et travaille sérieu
sement depuis dix ans déjà.
Le temps lui sera donné, mot
à mot, phrase par phrase, chapitre après chapitre, de
renouer un à un les fils brisés d'une existence où tout
aura compté : les songes comme les réalités, les souve
nirs comme les prophéties, les passions comme les refus.
Tout aura compté parce que tout, par la pertinence du
discours et l'exceptionnelle qualité du style, sera devenu
poésie, comme dans ces dernières lignes de l'œuvre,
incomparables de beauté et de sérénité, qui préludent aux
funérailles solennelles du Grand-Bé, le 19 juillet 1848,
quinze jours après la mort de François-René à Paris, au
11 0 de la rue du Bac : «Ma fenêtre, qui donne à l'ouest
sur les jardins des Missions étrangères, est ouverte : il
est six heures du matin; j'aperçois la lune pâle et élargie;
elle s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée
par le premier rayon doré de l'orient : on dirait que l'an
cien monde finit et que le nouveau commence.
Je vois
les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le
soleil.
Il ne me reste gu' à rn ' asseoir au bord de ma fosse;
après quoi, je descendrai hardiment, le crucifix à la main,
dans l'Éternité».
Un homme face à lui-même
L'homme Chateaubriand n'a jamais caché la multipli
cité des facettes de sa personnalité, les contradictions de
sa nature profonde.
N'est-ce pas de lui-même qu'il par
Iait dans le Génie du christianisme en affirmant que
de cette Syl
phide rencontrée la première dans le grand mail de Com
bourg, Chateaubriand n'a peut-être été l'homme que
d'une seule question, d'un seul projet, d'un seul et même
livre aussi, dira Gaétan Picon, «où les passions de l'in
telligence se mêlent à la mémoire du cœur ».
Il y a, en effet, chez cet homme dont la dualité -
certains diront la duplicité -tant littéraire (l'Essai sur
les révolutions ou le Génie du christianisme?) que politi
que (ultra ou libéral?) ou simplement humaine et psycho-.
»
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