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Charles PERRAULT, Contes

Publié le 06/02/2011

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perrault

(Les hasards de la chasse viennent de conduire le fils du roi près du château où la princesse est endormie depuis maintenant cent ans.)    A peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'elles-mêmes pour le laisser passer. Il marche vers le château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et, ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait çu suivre., parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin : un prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour, où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte. C'était un silence affreux : l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'étaient que des corps étendus d'hommes et d'animaux qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien, au nez bourgeonné et à la face vermeille des suisses, qu'ils n'étaient qu'endormis; et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant.    Il passe une grande cour pavée de marbre; il monte l'escalier; il entre dans la salle des gardes, qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflant de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres, pleines de gentilshommes et de dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis. Il entre dans une chambre toute dorée, et il voit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. II s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle.    Charles PERRAULT, Contes.    Vous ferez de cet extrait de La Belle au bois dormant, une étude approfondie sous forme de commentaire composé. Vous pourrez, par exemple, analyser comment la surprise rend le prince sensible au merveilleux à travers la « réalité « qui l'entoure.    Ces indications ne sont pas contraignantes et vous avez toute latitude pour orienter votre lecture à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de présenter un commentaire linéaire ou une division artificielle entre le fond et la forme.   

• Perrault Charles, académicien, 1628-1703, frère de Claude Perrault l'architecte de la colonnade du Louvre; Charles est surtout connu par ses Contes. • Popularité immense du Petit Poucet, Le Chat botté, La Belle au bois dormant...

• Puise dans fonds commun et international des légendes, mais accommode si bien à sa manière vieux récits qu'il a rajeunis, qu'il en est considéré pour authentique auteur, surtout compte tenu de ses intentions supplémentaires : sociales (exemple Petit Poucet) ou «philosophiques« (annonce le XVIIIe siècle). • Car ferme désir d'instruire et d'éclairer. Dans la « Querelle des Anciens et des Modernes«, il est un Moderne. Hautes visées : polémique, libération d'une influence antique omniprésente, utilisation du merveilleux gaélique, médiéval... . • Mais conte aussi pour conter. Cf. La Fontaine : « Une morale nue apporte de l'ennui. Le conte fait passer le précepte avec lui.«   

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« - grande avant-cour (nécessaire pour les carrosses, voir Versailles...); - « Suisses » qui veillent sur maisonnée.

Ces soldats mercenaires (cf.

Louvre-Tuileries) défendirent encore Louis XVIen 1792; - « communs » (bas-côtés des châteaux, réservés aux domestiques) avec beaucoup d'« hommes et d'animaux ».Les attitudes sont naturelles ainsi que les habitudes : « quelques gouttes de vin » dans les « tasses »; on sesoutient des corvées « en buvant ».

Un certain laisser aller bon enfant qui vient de l'abondance des domestiques etdes rapports complexes avec les maîtres (mélange de familiarité et de dureté).

Ils sont « croqués » comme surdessins ou eaux-fortes de J.

Callot et de A.

Bosse. - puis grande « cour pavée de marbre » : précision de richesse, de matériau goûté par les grands.

On pense encoreà Versailles; - on pénètre normalement par « l'escalier » et à nouveau observation sur le vif.

Cf.

Louvre : salle des gardes -deuxième protection.

Réalité de la scène.

Ces gardes sont « rangés en haie », carabine sur l'épaule.

Ton du récit.Vocabulaire précis.

Croquis d'attitudes ; - peinture de plus en- plus précise et exacte de l'atmosphère des antichambres royales (Louis XIV, Louis XV...) : «plusieurs chambres pleines de gentilhommes et de dames ».

Étiquette comme à la cour ; abondance des courtisansguettant bon plaisir du souverain, désirant être vus.

Merveille quand Roi leur parle ! Cf.

Mme de Sévigné (Lettre surla représentation d'Esther) ou La Fontaine: Obsèques de la Lionne ou Saint-Simon : Mémoires.

Tous les témoignagesconcordent. - enfin vision d'éclat sur chambre des princes : la « chambre » est « toute dorée ».

Cf.

mode baroque (Louis-XIII).Cf.

à Versailles et grand Trianon... - précision sur « lit » ; comme il est normal à l'époque de Perrault c'est un lit à baldaquins, donc entouré de «rideaux ». • Ainsi le conte s'appuie sur réalité.

Une de ses caractéristiques justement chez Perrault, ce sont ces détailsempruntés au quotidien.

Mais déjà Homère part de l'observation familière, telle la peinture du palais d'Alkinoos, lamère assise près du foyer, les actions de Nausicaa, de ses servantes, au lavoir puis jouant à la balle pendant que lelinge sèche (Odyssée - Chant VI). • Cette réalité est nécessaire point d'appui d'imagination populaire ou enfantine.

Cf.

Bettelheim : Psychanalyse desContes de fées, et toutes les observations faites sur enfants. • Décor = tremplin.

Du quotidien on s'élève dans rêve.

Noter qu'ici réalité décrite est celle des grands, des riches,celle que pauvres gens voient de loin.

Elle est déjà une partie de leur rêve.

De même : princes, princesses = mondedoré qu'on entrevoit, qui semble paradis sur terre : beau, riche, facile, mais dont on sait que certains y ont droit -souvent de naissance -.

Manière d'accéder quelques instants aux privilèges. • De plus réalité va être sublimée et rendra plus extraordinaire le « merveilleux », apanage obligatoire des légendes,contes et mythes.

Mais comment pénétrer dans l'extraordinaire (sens étymologique) sans sortir totalement del'ordinaire ? II.

Le conte et le merveilleux. • En effet le contraste entre la présentation d'éléments vrais et la projection dans l'imaginaire donne à ce dernierune partie de sa force... • ...

en même temps que de sa puissance d'évasion, de sublimation, même de médication : c'est chaque fois le réelqui est coloré, agrandi jusqu'à l'extrême ou au contraire rejeté par la transformation ou les négations qu'on luiapporte, cf.

phénomène de la Catharsis (= fixation sur l'histoire, ce qui délivre de certaines pulsions).

Exemple :Petit Chaperon Rouge. • Mais ici c'est le merveilleux dans tous les sens du terme qui joue : - celui qui transforme l'homme, devant lequel tout cède, en héros ; - celui qui en fait un être au-dessus du commun par situation sociale, beauté, qualités morales...

; - celui qui lui permet de vivre le rêve le plus recherché : trouver femme idéale, donc amour parfait ; - celui qui le met dans situation étonnante qu'il franchira comme en s'en jouant.. »

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