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Charles Baudelaire « On peut affirmer que, puisque tous les siècles et tous les peuples ont eu leur beauté, nous avons inévitablement la nôtre ». Commentez.

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

baudelaire

I. La beauté généralisée

  1. Tous les siècles

  2. Tous les peuples

  3. «Nous avons inévitablement la nôtre«

II. La beauté est moderne

  1. Qu'est-ce que le moderne?

  2. La beauté existe aujourd'hui

III. Critique de la beauté généralisée

  1. Une question d'échelle

  2. Une question de valeurs

  3. L'éloge de la différence

 

baudelaire

« *** L'affirmation de Baudelaire peut alors être comprise, non plus comme une tentative de consensus, mais comme unedéfense de la beauté contemporaine.

Puisqu'il ne conteste pas l'existence passée de la beauté — comment pourrait-il le faire d'ailleurs? —, il demande à ce que ne soit pas contestée non plus son existence présente.

Est alorsimplicite l'idée qu'il y a toujours une beauté moderne ; plus encore, que la beauté d'aujourd'hui ne peut être quemoderne.

Au sens où Baudelaire l'entend — souvenons-nous qu'il est l'inventeur de la « modernité» moderne s'oppose d'abord à ancien.

Non pas que labeauté ancienne soit déchue, les exemples nombreux le prouvent, mais parce qu'on ne saurait faire du neuf avec duvieux.

En ce sens, Baudelaire critique les esthétiques conservatrices, tournées vers le passé, visant par exemple lestragédies d'un Voltaire — pâles copies de celles de Jean Racine —, ou le néo-classicisme d'un David.

Mais lemoderne n'est pas non plus l'avant-gardisme, tourné vers le futur : il doit éviter les excès polémiques etprovocateurs, qui l'éloignent de sa quête du beau, comme par exemple certaines des réalisations «automatiques »du Surréalisme.

Le moderne, c'est l'expression esthétique du présent. L'affirmation de l'existence actuelle de la beauté n'est plus alors simplement prouvée par les exemples des oeuvresd'art : elle s'avère nécessaire.

Le présent, parce qu'il s'oppose chronologiquement au passé, ne peut avoir la mêmebeauté.

L'exemple de la ville, à l'époque de Baudelaire, est frappant.

Il naît une beauté des grandes villes, qui nepouvait être qu'inconnue auparavant.

Alfred de Vigny pensait que l'urbanisme à grande échelle allait tuer la beautédu monde.

Le présent, par ailleurs, s'oppose au passé historiquement.

La beauté du tableau de Pablo Picasso,Guernica, eût été impensable avant la guerre d'Espagne.

Enfin, le présent s'oppose technologiquement au passé.

La fée électricité de Raoui Dufy, ou l'invasion des mots nouveaux — «avion, train, électricité», etc.

— dans la poésie de Guillaume Apollinaire, ne peuvent être que des faits nouveaux.

Que cette beauté, contenue dans l'époque,trouve à s'exprimer à travers des artistes, voilà qui est pourtant le fait du hasard, et qu'on ne saurait jugernécessaire, sauf à admettre des explications sociologiques. *** En ce sens, la théorie de la beauté moderne, telle qu'elle est énoncée par Baudelaire, semble excessive.

Penser toutd'abord que chaque époque s'oppose à la précédente, c'est avoir une vision progressiste de l'histoire, et croire quele monde va toujours d'un moins vers un plus, ou croire en tout cas que le monde est en mouvement.

Or l'histoiremontre bien que ce mouvement, s'il existe, n'est ni régulier, comme l'ont montré les soubresauts de ce siècle, niorienté dans une direction déterminée; les invasions barbares ont, pour un temps, détruit la civilisation romaine, enla remplaçant par des coutumes beaucoup moins évoluées.

Dès lors, l'affirmation de Baudelaire sera juste à grandeéchelle, mais probablement inexacte à petite échelle : ce qu'il entend par « siècles » peut tout aussi bien êtrequelques années qu'un millénaire. En admettant alors ce changement d'échelle, on conviendra aisément que chaque époque a sa beauté, puisquechaque époque a ses valeurs.

Ce changement de valeurs est particulièrement exemplaire dans la « découverte »d'artistes du passé, injustement méconnus.

Toute la poésie baroque française, du début du xviie siècle, a été quasiignorée jusqu'au milieu de notre siècle! A l'inverse, les tragédies de Voltaire, dont nous parlions plus haut, étaientconsidérées comme des chefs-d'oeuvre au xviiie siècle, quand nous les jugeons sévèrement aujourd'hui.

Nous avonsdonc bien des critères de beauté différents, et par conséquent une beauté actuelle.

Que des artistes parviennentou non à l'exprimer aujourd'hui devient alors un problème secondaire : la beauté est présente, même si elle serademain oubliée. C'est donc moins une théorie de la beauté «en progrès » que propose Baudelaire, qu'un éloge de la différence.«Nous avons inévitablement la nôtre », parce que nous sommes actuels et présents, c'est-à-dire différents desprécédents.

En ce sens, chaque époque ne peut qu'avoir la sienne, comme «tous les peuples».

Avant la lettre,Baudelaire découvre ce que les ethnologues diront bien plus tard : qu'il n'y a pas une culture, ou une beauté, maisdes expressions toujours variées du génie humain.

Ce postulat de différence justifie alors sa théorie de la beautémoderne : peut être beau le laid d'hier, si tel le juge notre goût, comme l'affirmeront avec force Les Fleurs du Mal. *** L'affirmation de Baudelaire, que l'on pourrait d'abord croire consensuelle, ne l'est guère.

Il ne s'agit pas d'affirmer que« tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles», et que tout est beau, mais de tenir un véritablediscours théorique sur la beauté moderne.

Mais loin de vouloir réveiller une querelle qu'il juge dépassée, Baudelaireentend par ce terme un véritable éloge de la différence, qui sonne à nos oreilles singulièrement...

moderne !. »

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