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Charles BAUDELAIRE: LE GOÛT DU NÉANT (commentaire)

Publié le 16/09/2011

Extrait du document

baudelaire

 
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t'enfourcher ! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle bute.
Résigne-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute.
Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur,
L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte
Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur 
Le Printemps adorable a perdu son odeur
Et le Temps m'engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de roideur;
Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur
Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute.
Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute ?
Charles BAUDELAIRE
(poème paru le 20 janvier 1859 dans la Revue française et joint en
1861 à la seconde édition des Fleurs du Mal (Section Spleen et Idéal).
 

Sans dissocier la forme et le fond, vous ferez un commentaire composé de ce poème. Vous pourrez, par exemple, étudier les moyens par lesquels le poète dit la perte de son idéal et traduit son goût du néant.


baudelaire

« plus », et de nombreuses tournures négatives vont accentuer cette idée d'un passé à jamais révolu:« L'amour n'a plus de goOt, non plus que la dispute » ; « Plaisirs, ne tentez plus un cœur sombre et boudeur"; « ...

Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute .

,.

Le présent est caractérisé par la lassitude, due à la perte de l'idéal, au renoncement à tout espoir, et le premier mot du poème en est en quelque sorte le mot clé .

Une tristesse morose s'est en effet abattue sur le poète.

Elle se traduit par la monotonie des sonorités : les alexandrins de ce poème à la forme originale 50nt construits sur deux rimes [yt) et [dœR), qui sonnent le glas de l'espérance, en marquant parfois une pause lugubre (les trois quatrains en rimes embrassées sont en effet séparés les uns des autres par un vers isolé, qui rime avec le dernier vers du quatrain précédent : a-b-b-alai b-a-a-b/b/ a-b-b-al a).

En même temps, le rythme d'ensemble du poème, aux vers souvent disloqués et marqués de nombreuses pauses (la fréquence des points-virgules est particulièrement remarquable), semble renforcer cette impres­ sion de tristesse et de pesanteur.

La perte de l'idéal et la lassitude qu'elle entraîne sont symbolisées au début du poème par une métaphore saisissante.

L'Espoir (comme il le fait souvent , Baudelaire personnifie une abstraction pour lui donner plus de force) est représenté sous les traits d'un cavalier plein de fougue qui, jadis, enfourchait et éperonnait sa monture : l'esprit (ici encore, l'apostrophe et l'impératif confèrent à l'abstraction le statut d'être vivant).

Dans les deux cas, la coupe des vers (3-9, 2-10) met en relief les deux images complémentai­ res.

Cependant, le cavalier a délaissé sa monture, et le cheval a perdu toute ardeur .

Vieux, sans forces, il bronche à chaque pas - de même que l'esprit las est incapable de surmonter les obstacles de la vie.

« Esprit vaincu, fourbu ! » Dans cette nouvelle apostro­ phe, Baudelaire file la métaphore : l'esprit 1 cheval est « vaincu » par l'épreuve du réel, et • fourbu " -terme qui, au sens propre, fait référence à une maladie des chevaux de trait, et qui, plus généralement, décrit l'état d'un être épuisé de fatigue, miné par la lutte ; on notera d'ailleurs la rime intérieure formée par les deux adjectifs, qui souligne d'autant la lassitude de l'esprit.

Cet esprit est enfin comparé à un maraudeur, homme ou animal qui chaparde, vit d'expédients, au jour le jour, d'une vie de bohème.

Mais c'est un« vieux maraudeur» (de façon caractéristi-. »

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