Charles Augustin Sainte-Beuve - Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme
Publié le 03/06/2012
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À Ronsard POUR UN AMI QUI PUBLIAIT UNE ÉDITION DE CE POËTE.
À toi, Ronsard, à toi, qu’un sort injurieux Depuis deux siècles livre aux mépris de l’histoire, J’élève de mes mains l’autel expiatoire Qui te purifiera d’un arrêt odieux. Non que j’espère encore, au trône radieux D’où jadis tu régnais, replacer ta mémoire ; Tu ne peux de si bas remonter à la gloire : Vulcain impunément ne tomba point des cieux. Mais qu’un peu de pitié console enfin tes mânes ; Que, déchiré longtemps par des rires profanes, Ton nom, d’abord fameux, recouvre un peu d’honneur ! Qu’on dise : Il osa trop, mais l’audace était belle ; Il lassa, sans la vaincre, une langue rebelle, Et de moins grands, depuis, eurent plus de bonheur.
En 1828 Sainte-Beuve publiait son fameux Tableau bistorique et critique de la Poésie française et du Théâtre français au xixe siècle suivi, en un second volume, des Oeuvres choisies de Pierre de Ronsard, avec Notice, Notes et Commentaires. Ce dernier recueil était précédé d'un sonnet à la louange du chef de la Pléiade...
«
1.
Analyse du sonnet.
Sainte-Beuve entend reviser le jugement porté sur Ronsard
par
le xvne siècle et le tirer de l'oubli où il était enseveli.
Sans
doute, il ne saurait être question de lui rendre son antique
gloire,
mais il convient de reconnaître que l'exagération même
de son audace « était belle » eL mérilait un sort meilleur.
Seule
l'insuffisance de la langue d'alors expliquerait son échec.
II.
Eloge de l'œuvre de Ronsard.
D'autres, après Sainte-Beuve, devaient s'attacher à poursuivre
cetle réhabilitation
de Ronsard et, aujourd'hui, nous n'hés.itons
plus
à le ranger parmi les plus grands poètes dont s'enorgueillit
notre littérature.
Ce que nous louons en lui, c'est la hardiesse de
ses conceptions, son effort pour réformer la langue, pour ~réer
de nouveaux mètres et de nouveaux rythmes.
Le poète, déclare-t-il, est investi d'un véritable sacerdoce.
Il i) M1s~ion
est plus grand que les rois, car seul il peut conférer l'immorta- du poète
lité.
Qu'il s'abandonne donc à la sainte fureur des Corybantes;
aucun sujet
ne doit lui être inaccessible.
Bannissant les poèmes
de circonstance, les jeux puérils où se complaisaient ses prédé-
cesseurs,
il tentera hardiment l'élégie, l'hymne et même l'ode
pindarique et l'épopée.
Mais, pour abord()r de tels genres, notre langue se révèle 2) Réforme insuffisante.
- Qu'à cela ne tienne! Il la réformera et l'enri- de la langue
chira, puisant à pleines mains chez les anciens, forgeant des
mots nouveaux, créant des composés ou des diminutifs, emprun-
tant aux patois, donnant droit
de cité aux termes de métier.
Son
but n'était donc pas, comme on l'a prétendu, « de gréciser et de
latiniser », mais de défendre notre langue contre ceux qui « vou-
laient faire servante une demoiselle de noble maison ».
Cette même audace se retrouve dans la prodigieuse variété de 3) Variété>
'ses combinaisons rythmiques.
Il restaure l'alexandrin, tente des mètres
les vers de 9 syllabes, compose des strophes de 4, t 0 et t 2 vers,
formule le principe de l'altemance des rimes.
III.
Véritables raisons de son échec.
Il est donc vrai que Ronsard « osa , Leaucoup, mais est-ce il Elles ne sont.
»
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