CHAR René : sa vie et son oeuvre
Publié le 19/11/2018
Extrait du document


«
libres
ne souffrent pas qu'on les regarde.
Demeurons
obscurs, renonçons à nous, près d'eux » (La bibliothèque
est enfeu, 1956).
Char s'ouvre très jeune à la poésie, et
très tôt il est reconnu poète par ses pairs et ses aînés.
�es surréalistes J'appellent et l'accueillent avec ferveur;
Eluard et Breton signent même avec lui Ralentir travaux
en 1930, événement d'autant plus remarquable que Char
n'a publié jusque-là que des plaquettes à tirages limités.
L'édition originale d'Arsenal, par exemple, sa première
œuvre, est tirée en 1929 à 26 exemplaires hors com
merce.
Deux recueils, le Marteau sans maître (1934),
puis Dehors la nuit est gouvernée (1938), en même
temps qu'ils le libèrent du surréalisme que Char perçoit
de plus en plus comme une impasse, assurent son autorité
poétique.
Aprè:; 1944, la maturité est trouvée : les traduc
tions qui se multiplient, les études de son œuvre, consa
crent sa poésie et confirment 1' intérêt grandissant qu'elle
ne cesse de susciter.
La Résistance a marqué, selon le mot de Georges
Mounin, une mutation qualitative dans l'œuvre de René
Char.
Son actieon politique d'alors le conduit jusqu'à« la
parole du plus haut silence >>(Feuillets d'Hypnos, 1946).
La Section Atterrissage-Parachutage de Céreste (Basses
Alpes) qu'il dirige sous le nom de Capitaine Alexandre
se charge d'aménager des terrains de parachutage et
d'organiser des sections de combat.
Mais réfractaire,
Char l'est, pourrait-on dire, originellement.
C'est un sur
saut de révolte nécessaire qui pousse le jeune homme à
l'action poétique, au nom de la vérité et de la liberté.
Dès Arsenal, un monde poétique étonnamment prémoni
toire se met en place :
Toi nuage passe de van t
Nuage de résistance
Nuage des cavernes
Entraîneur d'hypnose.
Char toujours a fait face à ce qui pour d'autres fut
l'occasion d'aoandons ou d'atermoiements.
Dire non
quand menacent la maladie ou les barbares, ne pas
détourner les yeux quand l'amour ou la poésie énoncent
leurs exigences, telle est l'attitude de l'homme debout
qui proclame : «Je n'écrirai pas de poème d'acquiesce
ment».
L'action est une province de la poésie et une
même poussée vitale conduit au poème et au sabotage.
La résistance définit bien la poésie, qui « vit d'insomnie
perpétuelle».
Politique, l'action de Char l'est donc bien
avant la guerœ.
Poète politique, Char l'est donc plus
qu'un autre et plus profondément.
Non seulement parce
que Placard p.Jur un chemin des écoliers ( 1936- 1937)
est dédié aux > (Moulin premier, 1936) ou
encore : « Certains se confient à une imagination toute
ronde.
Aller me suffit» (Fureur et Mystère, 1948).
Le
goût du réel le plus concret s'exprime à travers une
heureuse sensualité qui donne la préférence à la «rosée
des femmes>> sur «l'encre inanimée des meurtriers de
plumes>> (le Rempart de brindilles, 1953).
A ceux qui
seraient tentés d'entendre dans ses poèmes une injonc
tion partisane, Char rappelle que les faits politiques sont
« prévisibles par la poésie » et que « les actions du poète
ne sont que la conséquence des énigmes de la poésie ».
Rêve et réalit(: se fécondent dans la vie comme dans
le poème, le süuci du maquisard-poète étant de « faire
longuement rê'ler ceux qui ordinairement n'ont pas de songes,
et plonger dans l'activité ceux dans 1 'esprit des
quels prévalent les jeux perdus du sommeil ».
En fait,
Char reste essentiellement attentif à «cet enfant vivant
près de nous avec ses trois mains, et qui se nomme le
présent>> .
Trois mains, c'est-à-dire présent, passé, ave
nir.
D'où, entre autres, cet usage du participe passé
substantivé, qui permet notamment de désigner la femme
qui, une fois aimée, l'est pour toujours :>,
«la rencontrée>> .
Au cœur de la poésie, l'expérience du
temps mesure la force de la mémoire et la justesse de la
prédiction : «J'ai, captif, épousé le ralenti du lierre à
l'assaut de la pierre de l'éternité>> (Fureur et Mystère).
Dès lors, l'étirement de la durée et la fulgurance de
l'éclair se confondant, 1' unité conquise et défendue
représente le plus sûr rempart contre la mort : « Les poè
mes sont des bouts d'existence incorruptibles que nous
lançons à la gueule répugnante de la mort, mais assez
haut pour que, ricochant sur elle, ils tombent dans le
monde nominateur de l'unité» (le Rempart de
brindilles).
Langue et violence
D'un point de vue formel, les manières de dire sont
multiples.
Tour à tour, et à peu près indistinctement des
époques, Char utilise l'aphorisme ou le poème en prose,
l'alexandrin ou le vers libre, la rime ou l'assonance, la
prose poétique constellée de vers blancs, la chanson, le
de la Nuit talismanique ( 1972), et
même le télégramme («Réclamons venue civilisation
serpentaire.
Très urgent))).
Théâtre, arguments de bal
lets, billets, lettres, font partie de l'œuvre.
Le ton de
Char naît de ces changements de rythme et de forme, à
1' intérieur d'un recueil ou dans un poème précisément,
comme dans ces vers magnifiques de la Parole en archi
pel où le jeu savant des muettes et des césures menace
lyriquement la scansion de l'octosyllabe jusqu'à lui faire
épouser le mouvement à la fois souple et brusque de la
truite :
Rives qui croulez en parure
Afin d'e m plir tout le miroir,
Gravier où balb utie la barque
Que le courant presse et retrousse,
Herbe, herbe toujours étirée,
Herbe, he rb e ja mais en répit,
Que devi ent votre créature
Dans les orages transparents
Où son cœur la précipita?
Tout ensemble héritier et novateur, c'est en dehors
des nomenclatures et des normes codifiées que Char s'af
firme comme le pur parleur grâce à qui la langue fran
çaise se découvre poésie.
Le poète rend sensible l'étoffe
et la direction du français.
Dans l'énoncé, le mot est
toujours exact et lumineux.
Dans les poèmes, dans les
messages de recommandations aux compagnons de la
Résistance, dans les textes de méditation ou les lettres
aux amis, les termes, rigoureusement posés, d'une jus
tesse sans dé faut, présentent ce qui est à dire sans laisser
la moindre place au superflu.
Libérés de leur gangue quotidienne, les mots sont
restitués à leur pureté primitive et redeviennent ce qu'ils
n'ont jamais cessé d'être: des vocables poétiques.
Un
nom propre peut ainsi se faire, à son insu et au nôtre,
titre de poème : « Abondance Viendra» (1933) est le
nom et le prénom d'un maçon qui fut locataire de la
grand-mère de René Char.
Comme à Lautréamont dans
ses Poésies, il est arrivé à Char de reprendre des phrases
d'auteur, en l'occurrence des notes posthumes de Hugo,
et, en les retournant, de faire jaillir d'elles une lumière
poétique insoupçonnée.
Le mot parle dans tous les sens :
ainsi de « balandrane » (Chants de la Balandrane, 1977),
ainsi d'« iris>> dans Lettera amorosa (1963) dont la der-.
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