CHAPITRE 8 du Candide de Voltaire (commentaire)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document


«
éditions Tallandier, 1938.
« Ceux qui ont bien connu Voltaire ne s'accordent pas sur tous les traits de son caractère.
Mais il en est un donttous ont été frappés.
Il était, comme le dit l'acteur Le Kain qui lui devait beaucoup, d'un tempérament « impétueux».
Entendons par là qu'il était extrêmement sensible à l'agréable et au pénible et qu'il y réagissait d'une façonimmédiate et passionnée.
Il ne se maîtrisait qu'4 la longue : ses premiers épanchements étaient des enthousiasmesou des colères, des admirations excessives ou des sarcasmes, des éclats d'ironie, des traits d'esprit parfois cruels,voire des injures brutales.
» A.
Cresson, Voltaire, sa vie, son oeuvre, PUF, 1948.
« Enfin et surtout, il a été merveilleusement vivant et les hommes, qui craignent l'ennui plus encore que l'inquiétude,sont reconnaissants à ceux qui les font vivre sur un rythme plus rapide et plus fort.
» A.
Maurois, Voltaire, éditionsGallimard, 1935.
CHAPITRE 8 du Candide de Voltaire (commentaire)
RESUME
Cunégonde raconte son terrible destin : son viol par un soldat bulgare qui la poignarde ; son sauvetage par uncapitaine bulgare qui se dégoûte d'elle au bout de trois mois et la vend à un banquier juif portugais, Don Issachar ;la passion que conçoit pour elle le Grand Inquisiteur de Lisbonne ; le marché passé entre celui-ci et le banquier juif :tous deux auront alternativement la jouissance de Cunégonde.
Invitée à l'autodafé par le Grand Inquisiteur, Cunégonde est horrifiée quand elle reconnaît successivement Pangloss— qu'elle voit pendre —, puis Candide — qu'elle voit fouetter.
Bouleversée, elle se domine en pensant que Dieu luiramène Candide par tant d'épreuves.
Elle charge la Vieille de soigner le jeune Westphalien et de le lui amener.
Les deux amants, tout à la joie de leurs retrouvailles, sont brusquement surpris par Don Issachar qui « venait jouirde ses droits, et expliquer son tendre amour ».
COMMENTAIRE
Un récit intercalé
Voltaire recourt au procédé qui consiste à intercaler un récit dans son récit, ce qui lui permet une seconde versionde la fin de Thunder-ten-Tronckh, vue cette fois par Cunégonde.
Mais « l'Histoire de Cunégonde ».demeure dans ledroit fil philosophique du conte.
L'héroïne est restée une fidèle élève du « docteur » Pangloss — dont l'éducation luisert de référence pour marquer son dédain rétrospectif à l'égard du capitaine bulgare, qui n'avait pas été frotté dephilosophie.
Comme aurait fait son précepteur, elle sait compenser son malheur général par des biens particuliers («la peau blanche et douce » du capitaine bulgare) et apprécie la maison de campagne du banquier juif : « J'avais crujusque-là qu'il n'y avait rien sur la terre [...] ou de si beau que le château de Thunder-ten-Tronckh ; j'ai étédétrompée.
» Son récit porte la trace, dès la première ligne, du providentialisme de Pangloss (« il plut au Cield'envoyer les Bulgares dans notre beau château de Thun-der-ten-Tronckh ») et elle se console définitivement detous ses malheurs à la seule vue de Candide : « Je louai Dieu, qui vous ramenait à moi par tant d'épreuves.
»
La parodie du roman sensible
L'ardeur de la passion confine à une véritable frénésie dont les victimes sont irresponsables, aussi bien le grandbulgare brutal que son capitaine qui le tue, puis le Juif « qui aimait passionnément les femmes » et jusqu'au grandInquisiteur qui, après avoir « lorgné » (jeté des oeillades amoureuses) beaucoup Cunégonde, conclut avec le Juif unpartage répugnant.
D'une part, c'est la déchéance de Cunégonde devant la sensualité et la brutalité des hommes.
Héroïne romanesqueaccomplie au chapitre 1 = elle allie la beauté, la jeunesse et la noblesse —, Cunégonde subit une dégradation liée àsa propre sensualité.
N'avoue-t-elle pas elle-même par une double négation son trouble devant le capitaine bulgare(« je ne nierai pas qu'il ne fût très bien fait, et qu'il n'eût la peau blanche et douce ») avant de se livrer à unecomparaison d'une galanterie involontairement douteuse quand elle déclare à Candide : « votre peau est encore plusblanche, et d'un incarnat plus parfait que celle de mon capitaine des Bulgares » ? Il ne faut donc pas s'étonner queCunégonde soit devenue un instrument de plaisir que le capitaine vend à un Juif, ni qu'après avoir été « apprivoisée» (comme un animal) elle fasse l'objet d'un partage sordide entre le Juif et l'Inquisiteur.
Enlisée par ailleurs dans lescôtés matériels d'une vie difficile, contrainte de blanchir des chemises, Cunégonde n'a plus rien de la dignité liée àsa classe sociale d'origine.
Candide n'est pas plus à l'abri d'une telle dévaluation : quand Cunégonde se plaint ducoup de couteau donné par le Bulgare dans le flanc gauche et précise douloureusement qu'elle en porte encore lamarque, Candide, au lieu de compâtir par des exclamations apitoyées, voit là une occasion de satisfaire son ardeur amoureuse (« Hélas ! j'espère bien la voir »)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Chapitre 19 de Candide de Voltaire (commentaire)
- Commentaire chapitre 3 de Candide de Voltaire
- Commentaire de Candide Voltaire chapitre 3
- Commentaire du chapitre 1 de Candide de Voltaire
- Commentaire littéraire de Candide de Voltaire, Chapitre 3