CHAPITRE 10 du Candide de Voltaire (commentaire)

« éditions Tallandier, 1938. « Ceux qui ont bien connu Voltaire ne s'accordent pas sur tous les traits de son caractère.

Mais il en est un donttous ont été frappés.

Il était, comme le dit l'acteur Le Kain qui lui devait beaucoup, d'un tempérament « impétueux». Entendons par là qu'il était extrêmement sensible à l'agréable et au pénible et qu'il y réagissait d'une façonimmédiate et passionnée.

Il ne se maîtrisait qu'4 la longue : ses premiers épanchements étaient des enthousiasmesou des colères, des admirations excessives ou des sarcasmes, des éclats d'ironie, des traits d'esprit parfois cruels,voire des injures brutales.

» A.

Cresson, Voltaire, sa vie, son oeuvre, PUF, 1948. « Enfin et surtout, il a été merveilleusement vivant et les hommes, qui craignent l'ennui plus encore que l'inquiétude,sont reconnaissants à ceux qui les font vivre sur un rythme plus rapide et plus fort.

» A.

Maurois, Voltaire, éditionsGallimard, 1935. CHAPITRE 10 du Candide de Voltaire (commentaire) Après une halte dans une auberge, Cunégonde constate qu'on lui a volé ses diamants.

La Vieille soupçonne uncordelier et, les fugitifs se trouvant à court d'argent, conseille de vendre un des trois chevaux avant de reprendre laroute. Candide arrive à Cadix au moment où on assemble une armée et une flotte pour « mettre à la raison les révérendspères jésuites du Paraguay », accusés de rébellion contre les rois d'Espagne et du Portugal. Une démonstration de ses talents dans l'exercice à la bulgare lui vaut un engagement comme capitaine et ils'embarque avec Cunégonde, la Vieille et deux valets.

Sur le bateau la discussion s'engage sur le problème du bienet du mal.

Candide soutient que le Nouveau Monde est le meilleur des mondes possibles, tandis que Cunégonde sedéclare la plus malheureuse des femmes.

La Vieille, piquée par cette réflexion de sa maîtresse, se décide à racontersa propre histoire. Un chapitre de transition Les héros du conte reprennent souffle sur le bateau qui les emporte vers le Paraguay.

Mais le voyage terrestre et latraversée s'intègrent dans la perspective romanesque. Ainsi, le commentaire de Candide sur le vol dont a été victime Cunégonde révèle une incertitude naissante : le hérosne déplore-t-il pas l'inefficacité des théories de Pangloss sur le comportement du cordelier ? D'ailleurs, cette évolution est encore plus sensible dans la discussion entre les « trois philosophes sur un bateau »(André Magnan).

Candide reconnaît tout ce qu'il y a d'imparfait dans une Europe où règnent la souffrance et lepéché.

Et Cunégonde, après avoir constaté en écho que son âme est « tout effarouchée » de ce qu'elle a vu etéprouvé, renchérit dans une discussion avec la Vieille — discussion qui parodie la « pesée des bonheurs » chère àLeibniz : « Hélas ! lui dit-elle, ma bonne, à moins que vous n'ayez été violée par deux Bulgares, que n'ayez reçudeux coups de couteau dans le ventre, qu'on n'ait démoli deux de vos châteaux, qu'on n'ait égorgé à vos yeux deuxmères et deux pères, et que vous n'ayez vu deux de vos amants fouettés dans un autodafé, je ne vois pas quevous puissiez l'emporter sur moi ; ajoutez que je sui née baronne avec soixante et douze quartiers, et que j'ai étécuisinière.

» Cette évolution ne va pas jusqu'à une mise en cause fondamentale de l'optimisme.« Mon coeur est presque fermé àl'espérance », soupire Cunégonde, mais la restriction (« presque ») montre que l'héroïne reste en fait fidèle auprovidentialisme.

Et Candide, distinguant comme aurait pu le faire Pangloss entre l'Europe et l'Amérique, retrouve unoptimisme résolu : « Tout ira bien, répliquait Candide ; la mer de ce nouveau monde vaut déjà mieux que les mers denotre Europe ; elle est plus calme, les vents plus constants.

C'est certainement le nouveau monde qui est le meilleurdes univers possibles.

». »