Chant XXII (22) de l'Iliade d'Homère : La mort d'Hector
Publié le 19/03/2011
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Le chant XXII a pu subir quelques retouches et recevoir quelques additions. Dans son ensemble, il doit se relier aux parties les plus anciennes du poème et appartenir au même auteur. Le pathétique y est obtenu, comme dans la Querelle, par les moyens les plus simples. Les caractères y sont peints avec force et avec vérité. L'action y est conduite avec clarté et rapidité. Le style joint l'aisance à la vigueur et à l'éclat. Pour les modernes, le véritable héros du livre c'est Hector, le guerrier vaillant, l'époux tendre, le père infortuné, qui, jusqu'à la dernière heure, combat sans espoir pour sa patrie et ne succombe que par l'intervention d'une divinité. Le rôle de cette divinité, Pallas Athéné, leur paraît odieux ; elle trompe, elle trahit le malheureux Hector par une machination abominable. Achille fait assurément notre admiration par sa force et sa bravoure ; et nous ne devons pas oublier que, s'il se montre d'une dureté impitoyable, c'est qu'il est dominé par un sentiment noble en lui-même : son amitié pour Patrocle. C'est toutefois à Hector que va spontanément notre sympathie.
«
mieux vaudrait de beaucoup pour moi attendre Achille de pied ferme et revenir après l'avoir tué ou périr moi-mêmeglorieusement devant la ville.
Mais si je déposais mon bouclier à bossette et mon casque pesant, si j'appuyais malance contre le mur, et si j'allais moi-même au devant d'Achille, le héros sans reproche ? Si je lui promettais derendre aux Atrides Hélène avec ses trésors, tous, sans réserve, tous ceux qu'Alexandre, sur ses vaisseaux creux, amenés à Troie, ce qui fut le commencement de la querelle ? Et si, en outre, j'offrais aux Achéens la moitié de tousles biens que la ville renferme, en me faisant fort d'obtenir des Troyens le serment, que prêteront les Anciens, de nerien dissimuler, et de partager tout en deux ? Mais pourquoi mon cœur me tient-il ce propos ? Pourquoi aller lesupplier ? Il n'aura pas pitié de moi, et ne m'épargnera pas ; il me tuera, désarmé, tout comme une femme, puisquej'aurai dépouillé mon armure.
Ah ! ce n'est pas l'heure des câlineries du chêne et du rocher, entre la jeune fille et lejeune homme ! des mots câlins que se disent l'un à l'autre le jeune homme et la jeune fille.
Mieux vaut, oui mieuxvaut courir au combat.
Voyons sans tarder auquel des deux l'Olympien donnera la victoire ».
Il délibérait ainsi, quand Achille arriva près de lui, pareil à Ényalios a, le bon guerrier au panache flottant ; ilbrandissait sur son épaule gauche, le frêne du Pélion, la lance terrible.
Autour de lui l'airain scintillait, pareil à laclarté d'un feu qui brûle ou du soleil qui se lève.
Hector, dès qu'il l'aperçut, fut saisi d'un frisson.
Il n'eut plus assezde courage pour l'attendre sur place ; il laissa la porte derrière lui, et il prit la fuite.
Le Péléide s'élança, plein deconfiance en ses jambes rapides, comme l'épervier venu des monts, le plus vite des oiseaux, fend l'air avec aisance,à la poursuite d'une tremblante colombe ; celle-ci fuit au-dessous de lui ; il s'approche, pousse un cri perçant,multiplie ses bonds, dans le désir qui le pousse à s'emparer d'elle ; ainsi, Achille volait droit devant lui, avecemportement ; et Hector s'enfuyait, sous le de Troie, précipitant l'allure de ses genoux.
Tous deux, le long de laguette et du figuier battu par les vents l, se hâtaient, suivant toujours le mur, un peu à l'écart, sur la grand'route.Ils arrivèrent aux fontaines aux belles ondes, à l'endroit où jaillissent deux sources du Scamandre tourbillonnant :l'une d'elles laisse couler une eau chaude, d'où s'élève une vapeur pareille à celle d'un feu qui brûle ; l'autre, en été,coule pareille à de la grêle ou à de la neige froide, et à la glace que forme l'eau 2.
Là, tout près d'elles, étaient lesvastes lavoirs, les beaux lavoirs de pierre où les femmes et les filles jolies des Troyens venaient laver leursvêtements d'étoffe brillante, jadis, pendant la paix, avant l'arrivée des fils des Achéens.
Ils les longèrent en courant; l'un fuyait, l'autre le poursuivait ; en avant, c'était un brave qui fuyait, c'était un plus brave encore qui lepoursuivait ; tous deux redoublaient de vitesse ; car ce n'était pas une victime, ce n'était pas une peau de bœuf,qui étaient l'enjeu, comme il arrive dans les concours de vitesse; l'enjeu de leur course, c'était la vie d'Hector, lebon écuyer ! Comme au terme de l'arène, des chevaux qui se disputent le prix courent à toute vitesse ; le prixproposé est un trépied ou une femme, et les jeux se célèbrent pour honorer un .
défunt ; ainsi, tous deux, trois fois,firent le tour de la ville de Priam, de toute la vitesse de leurs jambes.
Tous les dieux regardaient ce spectacle.
Ce dernier vers est suivi d'une scène olympique, qui ressemble singulièrement à celle qui précède la mort deSarpédon, au chant XVI, comme le monologue d'Hector a de l'analogie avec celui d'Agénor.
Cette similitude a induitun assez grand nombre de critiques à suspecter tout l'épisode d'Agénor, et notre scène olympique.
Zeus demandeaux autres dieux, s'il faut abandonner Hector au courroux d'Achille.
Athéné proteste contre une hésitation qui estune faiblesse, et Zeus la rassure par une formule vague qui s'est rencontrée déjà au chant VIII.
La mort d'Hector.
(188-404).
Achille aux pieds légers, sans relâche, chassait devant lui Hector.
Comme un chien, sur la montagne, poursuit lefaon d'une biche, qu'il a fait lever du gîte, à travers les gorges et les vallées ; si le faon lui échappe, en seblottissant sous un taillis, il cherche la piste et court sans se lasser, jusqu'à ce qu'il l'ait relancé ; tel Hector nepouvait se dérober à l'agile fils de Pélée.
Chaque fois qu'il tentait de bondir dans la direction de la porteDardanienne, vers les tours solides, pour voir si les Troyens, du haut du mur, le protégeraient en lançant desflèches, autant de fois, le devançant, Achille l'écartait vers la plaine, en volant toujours lui-même du côté de la ville.Comme, en un songe, un homme ne peut poursuivre celui qu'il voit fuir ; ni celui qui fuit ne peut fuir, ni celui quipoursuit, poursuivre ; ainsi Achille, ne pouvait, dans sa course, atteindre Hector, ni Hector lui échapper.
Maiscomment Hector eût-il réussi à échapper aux Kères de la mort, si au dernier tour, au tour suprême, Apollon ne fûtvenu à lui, de tout près, lui inspirer une force nouvelle et doubler l'agilité de ses genoux ? Achille faisait signe auxautres Achéens, de la tête, pour les empêcher de lancer contre Hector leurs traits perçants, de peur que l'und'entre eux, en l'atteignant, ne lui enlevât la victoire, et qu'il n'arrivât lui-même que le second.
Mais, lorsque, pour laquatrième fois, ils furent parvenus aux fontaines, alors le Père étendit ses balances d'or ; il y plaça deux Kères de lamort qui fait des hommes des gisants, celle d'Achille et celle d'Hector, bon conducteur de chars ; prenant la balancepar le milieu, il fit la pesée, et ce fut le jour fatal d'Hector qui s'abaissa ; Hector prit le chemin de l'Hadès et PhoibosApollon l'abandonna.
Athéné aux yeux pers vint auprès d'Achille, fils de Pélée ; elle se plaça à ses côtés, et donnal'essor à ces paroles : « C'est maintenant, je l'espère, glorieux Achille cher à Zeus, qu'à nous deux nous allonsremporter, pour les Achéens, une grande victoire, qui nous ramènera triomphants aux vaisseaux ; nous allonsvaincre Hector, bien qu'il soit insatiable de vaillance.
Il ne lui est plus possible de nous échapper, quelques effortsque puisse faire Apollon, le bon Archer, en se roulant aux pieds de Zeus, le Père qui tient l'égide.
Toi donc,maintenant, fais halte, et prends haleine ; moi je vais le trouver, et le décider à combattre de pied ferme ».
Ainsi dit Athéné ; Achille lui obéit, le cœur en joie.
Il fit halte, appuyé sur le frêne à la pointe d'airain.
Athéné lelaissa, et alla rejoindre le divin Hector.
Elle avait pris la figure de Déiphobe et sa voix forte.
Elle se plaça à ses côtéset donna l'essor à ces paroles : « Cousin, voici qu'Achille, avec son agilité, te met grandement à l'épreuve, en tepoursuivant, de toute la vitesse de ses jambes, autour de la ville de Priam.
Allons ! arrêtons-nous et défendons-nous de pied ferme »..
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